Fabienne Keller a bénéficié d'un soutien de poids, celui de Wolfgang Schäuble. Le ministre allemand de l'économie a participé activement au premier meeting de la candidate UMP. Un meeting où l'accent a été mis sur l'Europe.
La défense de la vocation européenne de Strasbourg doit s’inscrire dans une dynamique politique collective : réaction de Roland Ries
Je regrette vivement qu’une candidate aux élections municipales, a fortiori ancienne maire de Strasbourg, brise le consensus qui a toujours prévalu sur cette question sur l’autel de ses ambitions électorales.
La bataille pour le maintien à Strasbourg du siège du Parlement européen, régulièrement contesté par une majorité d'eurodéputés, s'est invitée jeudi dans la campagne des municipales avec la venue, à l'initiative de la droite locale, du ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble.
"Il existe d'autres métropoles, mais la capitale européenne des coeurs reste Strasbourg", a dit M. Schäuble dans un discours en français, lors de cette rencontre électorale organisée par la candidate (UMP) à la mairie de la ville, Fabienne Keller, devant quelque 500 militants enthousiastes.
Il faut "rappeler sans cesse aux députés l'importance de Strasbourg. L'Europe ne peut fonctionner qu'avec plusieurs centres", a ajouté le ministre dans des déclarations aux journalistes à l'issue de la réunion. "Aucune ville ne signifie autant sur le plan émotionnel pour l'unification européenne, y renoncer serait une erreur", a-t-il encore dit, en rappelant que Strasbourg était "le siège du Parlement européen".
M. Schäuble était venu en voisin puisqu'il est le député (CDU) de la région d'Offenbourg, qui jouxte Strasbourg de l'autre côté du Rhin. Avec la venue de ce poids-lourd du gouvernement allemand, l'ancienne maire (UMP) de la capitale alsacienne (2001-2008) Fabienne Keller, qui veut retrouver son fauteuil en mars et déloger ainsi le sénateur-maire PS sortant, Roland Ries, a réussi un joli coup politique. M. Schäuble a clairement souligné qu'il était venu la "soutenir dans sa campagne électorale" et lui a souhaité "du succès".
La question du maintien du Parlement européen à Strasbourg "n'est pas alsacienne, elle concerne la France et au-delà tous ceux pour qui l'idéal européen n'est pas un vain mot", a dit la candidate UMP. Elle a proposé de mener "une véritable campagne à destination des candidats aux élections européennes qui seront dès le 25 mai les nouveaux eurodéputés" et d'oeuvrer "non seulement (au) maintien mais surtout (au) renforcement du Parlement européen à Strasbourg". Face aux attaques récurrentes contre le travail parlementaire à Strasbourg, "la résignation ou l'attentisme ne peuvent tenir lieu de politique", a taclé jeudi Mme Keller en direction de son adversaire socialiste Roland Ries.
"Transhumances" Bruxelles-Strasbourg
L'actuelle municipalité est bien consciente de ces enjeux, rétorque le maire sortant, qui a lancé il y a un an deux comités, l'un associatif, l'autre plus politique, baptisé "taskforce", en vue de "professionnaliser" le lobbying pro-Strasbourg auprès de l'UE. C'est que, bien qu'inscrit dans le marbre des traités européens et fermement défendu par le gouvernement français, le siège strasbourgeois du Parlement européen est régulièrement contesté par une majorité d'eurodéputés, lassés de faire tous les mois la navette entre la capitale alsacienne et Bruxelles, où a lieu l'essentiel du travail en commissions parlementaires, et où siègent les deux autres grandes institutions de l'UE: le Conseil et la Commission.Les opposants à Strasbourg dénoncent notamment le surcoût des déplacements, qu'ils évaluent à plus de 180 millions d'euros. Siéger à Strasbourg permet au Parlement d'affirmer "sa crédibilité, alors qu'"à Bruxelles, c'est la troisième roue de la charrette", rétorque l'eurodéputée Catherine Trautmann, elle-même ancienne maire PS de Strasbourg et coordinatrice de la "taskforce" mise en place par Roland Ries. Celle-ci travaille notamment à l'élaboration d'un argumentaire pro-Strasbourg à l'intention des eurodéputés, et milite en faveur d'un sommet franco-allemand à Strasbourg.
Mais le rapport de forces parmi les députés européens lui est très défavorable : en novembre, 483 d'entre eux ont voté pour un rapport sans valeur juridique affirmant leur droit à décider eux-mêmes du lieu où ils travaillent, et seulement 141 contre. Alors que les anti-Strasbourg n'hésitent pas à engager des professionnels des relations publiques, la ville a aussi dégagé une ligne budgétaire de 50.000 euros pour financer d'éventuelles études ou actions de lobbying de sa "taskforce". Et Roland Ries se dit prêt à l'augmenter "si nécessaire", confie-t-il.
L'important est de veiller à "préserver le consensus politique" autour de cette question, prévient-il. Alors que les "transhumances" des eurodéputés entre Strasbourg et Bruxelles sont un sujet de prédilection des eurosceptiques, en faire un thème de campagne peut aussi être lourd de conséquences, prévient Mme Trautmann. Et d'avertir : "Si on commence sur les municipales, cela risque aussi de devenir un thème aux européennes de mai".