Un groupe de passionnés oeuvre depuis 6 ans à sauver ce petit ouvrage de la Ligne Maginot.
Chaque samedi, les bénévoles s'affairent, et l'ouvrage retrouve une seconde jeunesse.
L'association
L'Association de Sauvegarde des Petits Ouvrages de Laudrefang et Téting (ASPOLT) est née en 2007 de la volonté de deux passionnés de l'histoire de la ligne Maginot, Sébastien Rao et Michaël François.
Il s'agissait alors de prendre en charge et de restaurer le Petit Ouvrage de Téting, où le grand-père de Michaël combattit en 1940. Une façon de lui rendre hommage, en somme, ainsi qu'à tous ses compagnons d'alors.
C'est donc sous le nom d'Association du Petit Ouvrage de Téting (APOT) que démarre cette aventure.
Très vite rejoins par d'autres passionnés, l'Association prend son envol et se fait connaitre. Elle entreprend les démarches nécessaires pour acquérir le PO de Téting auprès de la commune du même nom et du Ministère de la Défense, propriétaire du terrain.
Malgré la bonne volonté de chacun de ces acteurs, les lenteurs administratives poussent cependant l'Association à entreprendre des travaux de restauration au Bloc 3 du Petit Ouvrage de Laudrefang, situé à 2km environ au nord de Téting.
Propriété de la commune de Laudrefang, contrairement au reste de l'ouvrage qui appartient encore à l'Armée, le Bloc 3 bénéficie d'un accès relativement aisé et présente des caractéristiques techniques intéressantes et une histoire très riche.
C'est ce qui pousse l'APOT à lancer ces travaux dès l'été 2008, en accord avec la mairie, pour dégager les abords et les sécuriser.
Un an plus tard, en 2009, les statuts de l'Association sont modifiés : l'APOT devient l'Association de Sauvegarde des Petits Ouvrages de Laudrefang et Téting, soulignant par la même l'attachement maintenu des bénévoles à revaloriser à terme le PO de Téting, mais aussi sa volonté plus large de mettre en valeur les principaux éléments de la ligne Maginot à Téting-sur-Nied et Laudrefang.
Etat des locaux en 2008.
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© Association de Sauvegarde des Petits Ouvrages de Laudrefang et Téting
Les objectifs de l'association
L'ASPOLT souhaite donc restaurer et revaloriser certains éléments de la ligne Maginot sur ces deux communes.
Actuellement, cela consiste à nettoyer et rééquiper le Bloc 3 du PO de Laudrefang, véritable bastion autonome, doté de nombreux équipements et qui connut son heure de gloire en juin 1940. Parallèlement, la casemate nord du Bois de Laudrefang, située entre les PO de Laudrefang et Téting, a été dégagée de la végétation qui l'entourait.
À terme, l'ASPOLT espère pouvoir en faire de même sur les dessus du PO de Téting et créer ainsi un chemin de découverte reliant tous ces éléments.
Car ce patrimoine militaire local reste très méconnu, en dépit d'une histoire riche et mouvementée. C'est pourquoi, au-delà de la restauration technique du Bloc 3, l'ASPOLT s'attache aussi à faire vivre la mémoire de ces fortifications et des hommes qui y servirent il y a plus de 70 ans. Ce travail se traduit notamment par la collecte de documents d'époque : photos, récits, listes d'équipages, etc. et par l'ouverture du Bloc 3 au public lors des journées du patrimoine ou sur simple demande.
Un peu d'histoire...
Le Petit Ouvrage de Laudrefang est l'un des 53 ouvrages de la ligne Maginot dans le nord-est. Servi par un équipage de 270 hommes, il est le plus important ouvrage du secteur fortifié de Faulquemont. Il se compose de 5 blocs de combat, dont 4 sont reliés par une galerie souterraine qui permet également d'accéder aux locaux de vie : caserne, infirmerie, cuisine, usine électrique.
Le Bloc 3 Le Bloc 3, celui que l'ASPOLT restaure, n'est pas relié par galerie au reste de l'ouvrage.
Il y a pourtant bien un escalier qui descend à 40 mètres sous terre, mais il s'avère que la galerie n'a jamais été creusée du fait de la présence d'une nappe phréatique entre le Bloc 3 donc, et le reste de l'ouvrage à 300 mètres de là. Du fait de son relatif isolement, le Bloc 3 a été conçu comme un véritable petit fortin autonome et l'on y retrouve tout ce qui caractérise un petit ouvrage : usine électrique lui fournissant son courant, salle des filtres utilisée en cas d'attaque aux gaz, citernes d'eau, chambrées, toilettes, magasins à munitions, etc. mis en œuvre par un équipage de 67 hommes commandés par le Lieutenant Choné.
À cela s'ajoutaient évidemment les armements :
• une tourelle de mitrailleuses (2 mitrailleuses 7,5mm et un canon antichars de 25mm),
• deux cloches Guetteur et Fusil-Mitrailleur (GFM) pour mortier de 50mm, fusil-mitrailleur et instruments d'optique,
• une chambre de tir d'infanterie pour deux jumelages de mitrailleuses et un canon antichars de 47mm,
• une chambre de tir d'artillerie pour deux mortiers de 81mm d'une portée de 3600 mètres couvrant le PO de Téting,
• divers armements de défense rapprochée (fusil-mitrailleur, goulotte lance-grenade pour la défense du fossé diamant).
La tourelle.
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© Boris Kratschmar - France Télévisions
Les combats
Le 10 mai 1940, l'Armée allemande déclenche son offensive à l'ouest. La Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg sont envahis. Vient alors le tour de la France.
Alors que l'Armée française tente tant bien que mal de résister à cette attaque, la ligne Maginot est peu à peu dégarnie de ses hommes et de ses moyens d'appui, les troupes mobiles étant au fur et à mesure prélevées pour aller se battre là où les soldats allemands progressent.
La défense de la frontière nord-est devenue finalement inutile, le 13 juin 1940, à 22 heures, tous les régiments occupant la ligne Maginot (intervalles, ouvrages) reçoivent l'ordre d'évacuer et de battre en retraite vers les Vosges selon un plan établi.
Les équipages des ouvrages doivent ainsi rester en place jusqu'au 17 juin pour couvrir la retraite du reste des hommes : les troupes mobiles doivent se replier le 13 juin, les troupes occupant les casemates d'intervalle le 15 juin.
Ce repli se fait tant bien que mal.
Néanmoins, le 16 juin, alors que seuls les équipages des ouvrages sont encore en place, l'Armée allemande encercle le secteur fortifié de Faulquemont ainsi que l'ensemble de la ligne Maginot.
Ne pouvant donc plus évacuer, les équipages décident de se battre.
Dès le 16 juin 1940, le Petit Ouvrage de Laudrefang subit des bombardements. Les projectiles viennent de tous les côtés, notamment des arrières où l'ennemi a installé, sur la ligne de crête, plusieurs canons. Dès le début des combats, au Bloc 2, le Caporal-chef Jean Gauer décède à la suite d'un coup porté sur l'un des créneaux de la cloche GFM dans laquelle il était en poste.
La tourelle porte encore les traces des tirs ennemis.
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© Boris Kratschmar - France Télévisions
Au Bloc 3, la situation n'est pas meilleure : "Ma tourelle a fait du tir automatique toute la nuit. Cela rassure les hommes et dissuade l'adversaire de venir rôder dans mes barbelés. [...] J'ai repéré sept pièces [allemandes] en batterie entre la ferme de Brandstuden et la cote 400. Ils m'ont déjà tordu un canon de mitrailleuse et leurs obus arrachent des morceaux de béton deux fois gros comme une tête !" relate le Lieutenant Choné, en charge du Bloc 3, lors d'une conversation téléphonique avec le Lieutenant Vincent, au PC de l'ouvrage. Par ailleurs, la lunette de tir de la tourelle de mitrailleuses est détruite par un coup au but et des copeaux d'acier empêchent la tourelle de s'éclipser entièrement.
Les bombardements débutent à 5h30 le matin pour ne finir que vers 21 h 00.
À la fin de la journée du 21 juin, on compte "94 coups sur la tourelle et les cloches en sept minutes". Pour autant, malgré la mise à mal de la chambre de tir d'infanterie, la chambre de tir des deux mortiers de 81mm, juste en dessous, est intacte et ces derniers empêchent toute infiltration au niveau du PO de Téting, 2km plus au sud.
Le Bloc 1 est aussi bombardé de façon intensive ; la chambre de tir d'infanterie est quasiment détruite et on compte dans la journée du 22 juin un coup de 88mm par minute. La veille, les deux mortiers de 81mm du bloc ont mis en déroute les soldats allemands qui attaquaient le PO de l'Einseling. Malgré la mise hors service de l'un des deux mortiers le 22 juin, le Bloc 1 empêche jusqu'au bout toute reprise des assauts contre l'Einseling.
Les combats cessent au moment de l'entrée en vigueur de l'armistice, le 25 juin à 0 H 35.
Au secteur fortifié de Faulquemont, le Laudrefang, ainsi que l'Einseling et le Téting, se rendent à l'Armée allemande le 2 juillet 1940 sur ordre du Haut commandement français.
Source : ASPOLT.
Le site de l'ASPOLT : ICI
Intervient dans le reportage :
- Julien Kalinowski
Secrétaire de l'association de sauvegarde de l'ouvrage
Equipe : Didier Vincenot - Boris Kratschmar - Cyril Provost
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