Les "10 de Strasbourg", jihadistes convaincus ou repentis sincères?

Des jihadistes convaincus ou des jeunes exaltés repentis et tombés de haut face à l'horreur découverte en Syrie : qui sont les "dix de Strasbourg", écroués depuis plus de quatre mois?

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En mai, sept hommes, âgés de 23 ans à la trentaine, sont interpellés, mis en examen, puis écroués, plus de deux mois après leur retour de Syrie. Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve affirme immédiatement "la détermination totale du gouvernement" à lutter contre l'exode de jeunes Français vers la Syrie pour y combattre Bachar al-Assad au nom de l'islam radical. De ce groupe du quartier strasbourgeois de la Meinau, deux autres membres, des frères, sont morts en Syrie. Un dixième y serait toujours. En garde à vue, les sept interpellés, qui n'ont pas ou peu d'antécédents judiciaires, invoquent le caractère "humanitaire" de leur périple.

Un argument auquel personne ne donne crédit, même parmi leurs défenseurs. Partis via Francfort en groupes de deux ou trois pour ne pas attirer l'attention, les "dix de Strasbourg" ont rejoint fin 2013 le groupe Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). S'il n'est pas encore devenu l'organisation jihadiste Etat islamique (EI), l'EIIL s'est déjà rendu coupable "d'exactions et d'actions violentes, comme des décapitations et des attentats suicides", relève une source judiciaire. Pour les enquêteurs, l'engagement des Strasbourgeois s'est fait en toute connaissance de cause. Une source judiciaire insiste sur un "ancrage dans un extrémisme radical". Durant l'enquête, ils réfuteront ce portrait, affirmant que leur désillusion est immédiate quand ils réalisent que les combats mettent surtout aux prises des groupes jihadistes entre eux.

En contact avec Mourad Fares

Certains étaient en contact depuis plusieurs mois avec Mourad Fares, récemment arrêté à son retour de Syrie et soupçonné d'avoir été un rabatteur, via les réseaux sociaux, de Français pour l'EIIL, puis pour le groupe jihadiste concurrent Front al-Nosra. A leur défense qui affirme qu'ils ont décidé de rentrer dès qu'ils ont réalisé leur "erreur", une source judiciaire rétorque que "le caractère contraint de leur séjour apparaît largement infirmé" par le dossier. Des écoutes téléphoniques et les photos sur Facebook plaident pour un engagement assumé. Fin janvier, l'un d'eux dit sa "fierté" de vivre avec ses frères et "pas avec des kouffars" (terme péjoratif pour désigner les non musulmans) et semble exclure un retour: "Pourquoi tu veux que je revienne chez ces kouffars? Pour qu'ils m'enferment ces porcs?" Quelques jours plus tard, un autre explique à son père "qu'ils sont bien ici, qu'il y a la charia, qu'ils ont leurs armes, qu'ils s'entraînent et combattent", même si là où ils sont, "il n'y a pas beaucoup de combats", "qu'ils appartiennent à l'EIIL", raconte la source judiciaire. 

Le chemin de Merah

Dans les ordinateurs et téléphones, les enquêteurs ont trouvé des photographies les montrant "armes à la main, vêtus parfois de tenues militaires, porteurs d'insignes de l'EIIL", énumère cette source, ou encore un cliché d'un jeune homme mort en Syrie, avec "l'épitaphe +Qu'Allah accepte ce lion de l'islam en martyr+". Des photos les montrent souriants en tenue de jihadistes et sont découverts "plusieurs textes contenant des menaces directes contre la France", comme celui-ci demandant "aux braves musulmans de la France" de retracer "le chemin de Mohamed Merah" et d'enclencher "la guerre en France jusqu'à l'arrêt total de ses agressions contre les musulmans au Mali et en Centrafrique".

Ou encore une Tour Eiffel ravagée par une explosion nucléaire accompagnée d'un texte adressé à la France: "Nous arrivons, prépare-toi aux explosions et aux assassinats sur tes territoires et tiens-toi informée de ce que tu verras et non pas de ce que tu entends." Insistant sur le fait qu'aucun projet d'attentat en France ne semble avoir été fomenté, leur défense relativise ces menaces et ces images. Lors des semaines en Syrie, il était impossible selon eux d'appeler leurs proches ou envoyer des messages sans présence d'un autre jihadiste. L'un d'eux a expliqué que "lorsqu'il contactait sa famille depuis un cybercafé, il était accompagné et il devait dire que tout allait bien", selon une source judiciaire.

Repentir et désillusion

Un autre, sans que ce témoignage ne soit étayé, affirme qu'après avoir refusé de mourir en martyr ou de combattre, il aurait été "roué de coups et mis dans une cave dans laquelle il subissait des traitements dégradants, les jihadistes lui urinant dessus, le privant de nourriture, le forçant à manger des excréments", rapporte cette source. Un troisième assure "avoir été contraint de rester, avoir subi des menaces de mort". Tous relativisent leur rôle, concédant des entraînements physiques, avoir été sur des barrages, "tenu une arme par contrainte pour faire de la propagande et demander aux gens de les rejoindre" ou encore "par curiosité", selon une source judiciaire. Mais ils nient avoir combattu. Outre les combats entre factions jihadistes, la mort fin février 2014 de deux frères est évoquée comme l'accélérateur d'une prise de conscience.

L'un explique avoir alors "décidé de rentrer en France" et "à la première occasion de s'échapper". Une fuite en mars par petits groupes, disent-ils, qui accrédite pour leur défense la thèse d'un repentir sincère. "Il y a un leitmotiv dans la bouche de ces jeunes, c'est le repentir et la désillusion", dit un des avocats. "A trop s'acharner sur eux à leur retour, ajoute-t-il, les autorités prennent le risque de dissuader de rentrer tous ces jeunes qui seraient amenés à connaître les mêmes désillusions."
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