Cabu, natif de Châlons-en-Champagne, est décédé dans la fusillade de Charlie Hebdo

Depuis bientôt 45 ans, le dessinateur humoristique Cabu, qui a grandi à Châlons-en-Champagne, collaborait pour Charlie Hebdo. Il publia ses premières illustrations en 1954 dans L'Union de Reims.

Pendant près de 60 ans, Cabu, 76 ans, tué mercredi 7 janvier avec d'autres dessinateurs dans l'attentat contre Charlie Hebdo, a épinglé les travers de son époque à la pointe acérée de son crayon. Avec, en ligne de mire, les politiques, l'armée, toutes les religions... Et bien sûr, les "beaufs", ces caricatures de Français râleurs, chauvins, qu'il tendait comme un miroir à ses contemporains.

Anar rêveur derrière ses lunettes cerclées, le bonhomme à l'éternelle coupe au bol, pilier de Charlie Hebdo et du Canard enchaîné, avait gardé la hargne de ses débuts et n'avouait qu'un regret, celui de n'avoir pas toujours été assez féroce. Vis-à-vis du pouvoir, du conformisme, des sportifs ou de la télévision.
Ses caricatures de Mahomet publiées en 2006 étaient parmi les plus caustiques de celles qui avaient valu à l'équipe de Charlie des menaces de morts.

Mais l'écologiste convaincu, nostalgique d'une France "où on pouvait se baigner dans la Marne", l'amoureux de Paris, l'amateur de jazz, savait aussi porter un regard tendre et joyeux sur la société, car, disait-il, "si l'écriture peut-être une souffrance, le dessin est un pur plaisir".

Premiers dessins à 15 ans dans L'Union

Jean Cabut - futur Cabu - était né le 13 janvier 1938 à Châlons-en-Champagne. Il publie ses premiers dessins à 15 ans dans L'Union de Reims et entame des études artistiques à Paris. Avant d'embarquer pour 27 mois de service militaire en Algérie, dont il revient avec un antimilitarisme radical.
A son retour, il entre dans le circuit des dessinateurs de presse, place ses crobards dans "Ici Paris" ou "Le Hérisson", puis rejoint François Cavanna qui lance un nouveau mensuel décapant. Ce sera "Hara-Kiri", en 1960, avec la dream team des caricaturistes de l'époque - Reiser, Topor, Fred, Wolinski -, régulièrement menacé d'interdiction pour outrages aux bonnes moeurs.

Les beaufs et les religions dans le viseur

Passé à Pilote, l'hebdo dirigé par René Goscinny, Cabu crée "le Grand Duduche", le cancre révolté, sympa, qui l'accompagnera tout au long de sa carrière. "C'est le seul personnage positif que j'ai jamais dessiné, les autres sont des monstres", confiait-il lors de la sortie de l'intégrale de la série.
A côté de Sempé, le dessinateur du Petit Nicolas et de l'enfance heureuse, Cabu dessine les angoisses d'une jeunesse qui s'ennuie dans un monde de vieux. Et quelques "monstres" viennent étoffer sa galerie de portraits, comme l'insupportable "fille du proviseur" ou "l'adjudant Kronenbourg", le militaire tortionnaire buveur de bière, souvenir de ses années d'Algérie.

Mais son coup de maître sera son "beauf", apparu en 1973 dans Charlie Hebdo. Une caricature de Français gueulard, alcoolique, raciste, inspiré d'un patron de bistrot, dont il fait une vedette. Au point de le faire entrer dans le dictionnaire: "Beauf. Beauf-frère (d'après une B.D. de Cabu). Français moyen aux idées étroites, conservateur, grossier et phallocrate" (Le Robert).

Regard sombre sur le monde

Père du chanteur Mano Solo, disparu en 2010, travailleur compulsif, Cabu ne pouvait s'empêcher de dessiner. Dans la rue, les tribunes de l'Assemblée nationale ou son repère de Saint-Germain, où il s'était établi "à cause des boîtes de jazz". De de Gaulle, sur qui il s'est fait les dents dans les années 1960, à François Hollande, il a malmené tous les présidents de la Ve République. Avec un faible pour Nicolas Sarkozy, qu'il dessinait en lutin frénétique avec des cornes de diablotin. "Les dessinateurs vivent de la bêtise et ça ne régresse pas", constatait-il dans un fou rire. Il avait simplement relooké son beauf à moustaches des années 1970, qu'il dessinait ensuite avec piercing et catogan, et lui avait même collé un fils, crâne rasé et crocs saillants, troisième génération de la bêtise nationale.

Le regard sombre, sans concession, que Cabu portait sur le monde moderne, la politique ou la consommation, s'accommodait souvent d'un dessin plus léger, souriant, comme un air de Charles Trenet qu'il vénérait. "Le but, disait-il, c'est avant tout d'essayer de faire rire. Il faut voir ça du côté ensoleillé de la vie."
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