Aloïs, l'esprit tutélaire de la chartreuse de Molsheim

Depuis 1985, un groupe de bénévoles reconstruit la chartreuse de Molsheim, en partie démolie et vendue par lots à la Révolution. Mais tout en travaillant, ils ont aussi donné vie à un esprit tutélaire du lieu, appelé Aloïs, qui devient même le héros d'un roman.  
 

A la fin du 18e siècle, l'ancien couvent des chartreux a été morcelé et transformé en maisons d'habitations et en grange à foin. Mais voici plus de trente ans, la municipalité de Molsheim a commencé à racheter les bâtiments, l'un après l'autre. Et des bénévoles se sont engagés à rendre au site son aspect d'antan. Au départ, il fallait un brin de folie pour espérer faire resurgir de ces murs imbibés d'eau, de ces salles aux plafonds manquants, un cloître et des cellules monacales. Mais au fil du temps, la petite bande a accompli des miracles, et les lieux retrouvent lentement leur aspect d'origine.  
 

Mais tout en maçonnant, forgeant, bétonnant, les bénévoles ont peu à peu senti une présence… Ou alors ils ont tant voulu y croire qu'ils ont fini par lui donner vie… nul ne peut le dire. Toujours est-il que leur "Aloïs", comme ils l'ont prénommé, fait désormais quasiment partie intégrante de l'équipe. "Lorsque nous discutons d'un problème, soudain, l'un ou l'autre des bénévoles s'écrie : "Pose donc la question à Aloïs !",  sourit Raymond Keller, président de l'association des bénévoles du chantier de la chartreuse, qui ajoute, l'oeil pétillant : "C'est vrai, Aloïs sait tout. Pour nous, il est devenu une référence (…) C'est allé si loin que sans lui, on ne ferait plus rien, ici."
 



Qu'on ne s'y trompe pas. Jusqu'à présent, Aloïs ne fait pas le travail à la place des bénévoles. Aucune brique n'est posée durant la nuit, aucun mur n'est peint durant leur absence. Mais cette "création" collective a cimenté leur amitié. "Dans la fraternité de la chartreuse, quand on travaille, c'est une sorte de bonheur de sentir une présence qui est là et nous encourage à continuer l'œuvre, estime l'un des bénévoles. Il y a quelque chose qui se passe." "Je sens une présence qui me stimule, ajoute un autre. Et je pense que c'est Aloïs. Du moins, je m'interroge."
 


Histoire collective, tant répétée que tous y adhèrent ? Certains faits, pourtant, sont troublants. Ainsi cette statue de saint, que les bénévoles ont reçue récemment, destinée à orner leur nouveau réfectoire. Après enquête, il s'est avéré qu'elle représentait un certain... Saint Aloïs. Mais la ressemblance s'arrête là, car les bénévoles sont convaincus que "leur" Aloïs n'était pas un saint, simplement un orphelin élevé par les moines. Un gamin qui avait accès à tous les recoins de la chartreuse, et était au fait de ses moindres secrets.

Dans un livre relatant les 25 premières années d'intervention des bénévoles à la chartreuse, Aloïs apparaît déjà comme narrateur. Il fait le lien entre autrefois – cette époque imprécise, quelque part entre la fin du 16e et le 18e siècle, où il aurait vécu dans les lieux - et aujourd'hui – une période bénie pour lui, car les vieux murs reprennent forme et vie grâce à ce petit groupe de mordus prêts à tout.
 


Il y évoque ses souvenirs des frères laïcs et des moines chartreux voués au silence, les vitraux de l'église aujourd'hui disparue, les boules ferrugineuses – sorte de médicament ovoïde, mélange de gomme, de sève de pin, de potasse et de minerai de fer – destinées à soigner tous les maux, et dont la production a fait la réputation du couvent de Molsheim au 18e siècle.

Aujourd'hui, l'esprit tutélaire de la chartreuse est même devenu le héros d'un roman, "Aloïs, l'enfant de la chartreuse", écrit par Jocelyne et Robert Blosser, un couple ami des bénévoles. Un roman censé raconter la véritable histoire d'Aloïs, sa vie dans le couvent, mais principalement la quête de son  identité et la recherche de ses parents biologiques.
 


Le livre sera dédicacé sur place, à la chartreuse, le samedi 14 décembre de 16h à 17h. Une consécration, pour Aloïs ? Pas si sûr. Parmi les bénévoles, il se chuchote déjà que lorsqu'ils longent le mur du cloître ou traversent l'un des jardinets, Aloïs tente de protester. Pour bien faire comprendre que cette histoire romancée reste finalement assez éloignée de son être véritable. Alors... info ou intox ? Le doute subsiste.    
 

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