Edgar Mahler sublime depuis près de 40 ans des façades d'immeubles dans toute l'Alsace. Des peintures pleines de symboles, à travers lesquelles l'artiste retraité, mais toujours actif, s'exprime. Il se décrit comme un précurseur du street-art mais rejette l'éphémère.
La pâtisserie Christian à Strasbourg, l'Auberge de l'Ill à Illhaeusern, le centre-ville de Sélestat... Edgar Mahler a fait parler son art dans toute l'Alsace et même sur des bâtiments en Suisse et des châteaux en Allemagne. Diplômé des beaux-arts à Strasbourg, compagnon ébéniste de formation et architecte d'intérieur, il est surtout connu pour ses peintures artistiques sur des façades d'immeubles et des plafonds.
Le peintre de 65 ans vient tout juste de terminer un long chantier, plus de trois mois de travail sur un bâtiment du XVIIe siècle à Sélestat (Bas-Rhin). Il a travaillé sur deux façades, s'inspirant pour ses illustrations et ses trompe-l'oeil de l'architecture de la Renaissance qu'il affectionne particulièrement : "Ce style m’intéresse beaucoup : il y a tout un langage dans l’architecture, autour du végétal, de l’animal", confie-t-il.
Avant de peindre, Edgar Mahler aime respirer le lieu où il agitera ses pinceaux. Sélestat, où il a déjà imprimé sa marque sur neuf façades, inspire le peintre. Sa vocation est en partie née en Suisse, le pays de sa mère, qui a vu le jour à Schaffhouse. "Je me suis souvent baladé dans le coin quand j'étais gamin, pour aller voir les chutes du Rhin entre autres. Tout près, à Stein-am-Rhein, sur les bords du lac Constance, il y avait beaucoup de maisons peintes et je pense que tout est parti de là. J'ai eu envie de faire revivre cela en Alsace car l'architecture est la même. Ce n'est pas pour rien que j'ai beaucoup travaillé à Sélestat", explique-t-il.
L'artiste maîtrise tous les styles. À Pfaffenhoffen, où la ville regorge d'illustrations dont il est l'auteur, il a aussi opté pour des motifs très contemporains.
Mais à chaque fois, dans ses peintures volontiers allégoriques aux niveaux de lecture multiples, Edgar Mahler glisse quelques messages. Ici, un ange gardien, qu'il appose sur tous les immeubles frappés dans leur histoire par des épisodes de souffrance. Là, des lapins qui s'imposent face à des chasseurs : "Les plus fragiles prennent le pouvoir, c'est l'inversion des rôles, se marre-t-il. Je suis convaincu que la "renaissance" passe par les artistes, on est en plein dedans". Ailleurs encore, un personnage adossé à une colonne tire la langue : "C'est pour montrer le poids qu'on a sur nos épaules."
Edgar Mahler défend ses convictions, pinceau à la main, depuis près de quarante ans. "Ça fait longtemps que je fais du street-art, moi, lâche-t-il. Sauf que moi, j'aime que ça dure. Je rejette ce monde de l'éphémère, du rapide". Le peintre réalise d'ailleurs aujourd'hui encore la grande majorité de ses dessins à la main, dans son atelier d'Engwiller, avant de les reproduire à taille réelle.