Alsace : face au défi du vieillissement de la population, l'avenir incertain des métiers du grand âge

Un rapport remis ce mardi 29 octobre 2019 à la ministre de la santé préconise de mobiliser 825 millions d'euros par an dans le secteur de l'aide aux personnes âgées, pour mieux embaucher, rémunérer et former. En Alsace, des acteurs du secteur réagissent entre désillusion et espérance.

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L’ex-ministre du Travail, Myriam El-Khomri, a remis ce mardi 29 octobre 2019, à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, un rapport de 80 pages sur l’attractivité des métiers du grand âge et de l’autonomie . Myriam El Khomri recommande : «les pouvoirs publics devront mobiliser 825 millions d'euros par an dans les années à venir pour embaucher des milliers de salariés supplémentaires dans le secteur de l'aide aux personnes âgées, mais aussi pour mieux les rémunérer et les former». A Strasbourg une assistante de vie aux familles, à Mulhouse, une aide à domicile et un directeur d'association de l’économie sociale et solidaire témoignent.

 

L’attractivité des métiers du grand âge et de l’autonomie


Le rapport sur "l'attractivité des métiers du grand âge" détaille : « Pour garantir aux salariés des conditions décentes d'intervention, il faut augmenter de 20% le taux d'encadrement des seniors » .

Myriam El-Khomri pointe le manque d'effectifs et une forte pénibilité ainsi que des métiers peu attractifs, peu considérés, mal payés. La rapporteure désignée par la ministre de la santé, Agnés Buzin, prône une augmentation des salaires, via une modification des conventions collectives :  « Il s'agit de mettre un terme à des situations qui voient certaines salariées rester au SMIC pendant 9, voire 13 ans ».

Selon elle : « Le remboursement des frais de déplacements des aides à domicile, souvent beaucoup trop faible, doit également être revu».

Dans les cinq ans à venir, le secteur devra par ailleurs former deux fois plus de professionnels qu'à l'heure actuelle.

 

"Mon plaisir c’est de rendre service c’est aussi bête que ça"


Laurence Helm, 53 ans, est aide à domicile à Mulhouse, elle livre des courses ou des médicaments et fait quelquefois des ménages. Elle peut commencer à 8h 30 et finir à 20h, mais ne presque pas travailler au milieu de la journée. L’aide se déplace chez seulement cinq ou six clients par semaine. Elle a choisi le statut d’auto-entrepreneur car elle y trouve plus de motivations que d’être salariée même si elle ne gagne que 1.000 euros nets par mois.

Elle y croit : «J’ai choisi de faire ça et il faut que ça avance. Je fais des livraisons pour beaucoup de personnes âgées, de malades, de handicapés, mon plaisir c’est de rendre service c’est aussi bête que ça. Etre livré en courses pour quelqu'un c’est vital

C’est le contact humain qui prévaut à ses yeux: « Certaines personnes ne voient presque que moi. Ils sont reconnaissants. De mon côté je dois savoir doser ma proximité. A être trop proche, je pourrais avoir des problèmes avec les familles. »

 

"Ce qui se passe dans les EHPAD, c’est du travail à la chaîne. Nous, on prend le temps de la vie"


A 52 ans Muriel Rafalo est en arrêt maladie pour des douleurs aux cervicales qui pourraient être liées aux charges de son métier. Elle s’est reconverti, Elle travaillait encore il y a huit ans dans la restauration puis elle a suivi une formation d’assistante de vie aux familles, obtenant, après six mois d’études, son contrat de compétence professionnelle.

La quinquagénaire est salariée par ceux qu’elle aide, pour la plupart des personnes âgées. Elle fait des courses, des repas, des démarches administratives, des transferts en fauteuil roulant ou encore des toilettes au lit. Le tout pour 1.250 euros nets par mois.

Elle trouve qu’il faudrait porter plus de considération pour ce métier difficile : «Il n’y a pas que les gestes professionnels ou les soins qui comptent, il faut être à l’écoute, ressentir les choses, éprouver plus de l’empathie que de la compassion.»

L’assistante pense jouer un rôle social important : « Nous les assistante de vie nous apportons ce qu’ils n’ont plus, un lien avec l’extérieur. Il va falloir que la société revoit les choses. Ce qui se passe dans les EHPAD, c’est du travail à la chaîne. Nous, on prend le temps de la vie.»


Des métiers d’humanité qui ont du sens


Pierre Tasseti, directeur général adjoint du réseau APA, un regroupement d’associations de l’économie sociale et solidaire à Mulhouse, mesure la situation des métiers du grand âge en Alsace : «Tout comme en France, il y a des problèmes de recrutement mais il sont plus importants à cause des frontières car l’attractivité salariale de la Suisse et de l’Allemagne est supérieure. On trouve jusqu’à 20 % de postes vacants dans certaines structures en Alsace, en revanche la densité urbaine favorise la prise en charge. Les déplacements des personnels aidants et soignants en sont réduites. Ce qui n'est pas le cas dans les Vosges par exemple»  

Il se félicite : «Le rapport dit que ce sont des métiers d’humanité qui ont du sens ou encore on peut évaluer une société à sa capacité d’accompagner dignement les personnes fragiles, le texte dit encore qu'il est urgent d'agir. Mais maintenant, on attend la traduction en moyens et en lois».

L'associatif se prend à rêver : "90% des personnes vieillissent dans leur domicile. C'est ça vivre dignement. Les métiers du grand âge sont de beaux métiers à imaginer, à recréer, il faudrait proposer des parcours professionnels, des évolutions de carrières possibles, passer d'aide à infirmière par exemple, car ce sont des métier qui ont du sens".

 
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