Fabrice Reithofer est tombé dans le cambouis qu'il ne savait même pas encore marcher. Les vieilles voitures, c'est son dada. Pour réunir autour de lui un maximum de passionnés, il a créé l'association Rétrorencard le 5 mai 2002. Il y a vingt ans.
Cherchez la voiture. Vous trouverez Fabrice Reithofer. La semaine, Fabrice est chauffeur de l'ambassadeur d'Irlande à Strasbourg. Derrière le volant d'une BMW. Le week-end, finis GPS et direction assistée, c'est Bugatti ou Renault 4. Cheveux aux vents et mains dans le cambouis.
Fabrice Reithofer est passionné, il a le sang chaud. Il a pourtant du liquide de refroidissement dans les veines. Rencontre avec le président de l'association Rétrorencard Alsace qui fête ce mois-ci ses vingt ans. Pouet pouet.
20 ans, le bel âge
En vingt ans, que de routes parcourues. Parfois sinueuses, en cul-de-sac, mais le résultat est là. On débouche à la sortie du virage sur une vaste plaine .. d'avenir. "Rétrorencard vient de passer l'adolescence, l'âge ingrat, ouf, le plus beau nous attend maintenant c'est sûr."
Au départ, le 5 mai 2002 exactement, Rétrorencard n'était rien d'autre qu'un rassemblement de doux dingues de vieilles mécaniques. Au Parc du Rhin, malgré une météo maussade, trente mémères cylindrées sont alignées. On est pas à l'Anneau du Rhin mais, tout de même, ça a de la gueule. Et sur les visages justement, la satisfaction s'affiche. Rutilante.
"Il n'y avait pas ce genre d'associations en Alsace, je me suis dit qu'il fallait y remédier, on s'est retrouvés avec des copains : un voiture, puis quatre, puis 20 et là on s'est dit il faut faire quelque chose. Je suis allé à Paris, à Vincennes, voir comment ils organisaient leur évènement. J'ai copié quoi. J'ai crée l'association pour formaliser les choses."
A la différence de leurs homologues parisiens, Rétrorencard sera ouvert à tous et totalement gratuit. Seule condition : posséder ou s'intéresser aux voitures antérieures à 1992. C'est la limite d'âge. "Toutes marques confondues, on fait pas les difficiles."
Ce sera chaque premier dimanche du mois. La messe est dite. L'évènement ne tarde pas à réunir des fidèles, de plus en plus nombreux. "Dès le mois suivant, il y a eu environ 55 voitures et plus de 70 lors de la 5eme édition."
Aujourd'hui, Rétrorencard compte une centaine de membres dont 15 bénévoles et réunit près de 400 voitures de collection. "C'est le rendez-vous des copains, vient qui veut. Comme une grande communauté qui vit et s'anime autour d'une même passion et des échanges autour des voitures. On est le plus grand rendez-vous mensuel automobile de France. Devant Vincennes."
L'élève a dépassé le maître. "Maintenant rien qu'en Alsace, outre Rétrorencard, y a huit rendez-vous mensuels automobiles le dimanche. En fait, y a plus de rendez-vous que de week-ends c'est fou. On a semé de petites graines, ça me fait plaisir."
Atavisme familial
Pour Fabrice, l'histoire est encore plus ancienne. Elle remonte à 53 ans. Son âge. Le petit ne marchait pas encore qu'il était déjà au volant d'une Rolls Royce. Un luxe.
"Mes parents étaient de grands collectionneurs de voitures anciennes. Déjà. J'ai toujours voyagé avec eux dans des voitures de collection, on a fait 70.000 km avec la Rolls Royce à travers l'Europe. Ils s'en sont séparés ensuite pour une décapotable. Mon père a ensuite eu le goût des voitures ouvertes. Les voitures ouvertes, c'est la liberté."
Le fruit ne tombe jamais loin de l'arbre de transmission. "Il les a toujours. Il en a une douzaine qu'il entretient encore. Ils m'ont refilé le virus oui. Mais moi voyez-vous je ne suis pas sectaire, j'aime autant les voitures fermées qu'ouvertes."
Fabrice possède une douzaine de voitures anciennes. Sa compagne six. Sa compagne, besoin est-il de le préciser, qu'il a rencontré en 2010, au Rétromobile de Vincennes dans le coin des 2CV. "Les gens qui roulent en 2CV ne sont jamais mauvais."
Sa première voiture, une Renault 4 chevaux de 1959, c'est son grand-père qui lui a offerte. Fabrice avait 13 ans. "Je ne voulais pas de mobylette. Je l'ai conduite à 16 ans, 18 officiellement. Autant dire que j'ai bien eu le temps de la restaurer jusqu'à ma majorité. Elle est toujours là. Elle m'attend. Elle roule plus mais je vais la reprendre en main, elle est un peu usée, elle a subi quelques avaries de jeune conducteur."
Les gens qui roulent en 2CV ne sont jamais mauvais
Fabrice Reithofer
De sa première à sa dernière acquisition, une Citroën traction de 1948, Fabrice n'a jamais fait de sortie de route. Il les aime émoussées. Patinées. " L'auto elle vit, elle est pas aseptisée, elle est rustique. C'est ça qui me plait, la simplicité. Avec un tournevis et du ruban adhésif, on se bat mais on peut y arriver ce qui n'est plus possible avec les voitures informatisées. C'est même du durable, je les répare, j'en ai qui ont presque cent ans et qui roulent, je suis écolo quoi, enfin presque."
De ses mémères qui en ont encore sous le capot, Fabrice en chérit une tout particulièrement." Pour moi, elles ont toutes une histoire. Je suis multi marques, multi modèles. Chaque voiture a traversé une époque, des routes, ça se sent. Allez mais oui la Bugatti, c'est ma préférée, ça fait un peu élitiste de dire ça mais c'est la vérité. Mon père était un des membres fondateurs du club Bugatti en 1979, ça doit venir de là. Encore."
Jour anniversaire
Ce dimanche 1er mai, alors que le muguet pointe le bout de ses cloches et les manifestants leurs drapeaux, Fabrice va réunir toutes ses voitures, son trésor. "J'en ai un peu partout, un seul garage n'y suffirait pas. L'argent ? J'ai jamais osé compter combien ça m'a coûté tout ça. Toutes mes vacances probablement, toutes celles que je n'ai pas eu depuis 20 ans. Entretien, essence, assurance .. ça chiffre oui mais c'est tabou."
Pour les 20 ans de Rétrorencard, ils se retrouvent tous, accompagnés de leurs vieilles amantes dispendieuses. A la zone de loisirs du Trèfle à Dorlisheim (67)."On a même fait pour l'occasion une plaque Rallye." La matinée seulement hein. "Oui parce qu'ensuite ben on prend la voiture et on roule. C'est ça le plaisir."
Pas potiches les vieilles. Fabrice, lui, taillera bientôt la route à l'anglaise. Son prochain projet ? Retaper un cabriolet quatre places pour ses deux enfants : "faut bien que je les amène aussi quand même parfois". Histoire que la courroi de transmission soit bien huilée. Et la flamme de la passion allumée, comme les bougies d'une Triumph.