Coronavirus : vers une reconnaissance du covid-19 en maladie professionnelle pour tous ?

La question fait débat depuis trois semaines. L'académie de médecine le recommande, reconnaître le covid-19 en maladie professionnelle pour les soignants mais aussi pour les métiers exposés. Où en est le débat et qu'est-ce que cela change? Eléments de réponse.

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Audrey Zahm-Formery est avocate dans le cabinet strasbourgeois Juris-Dialog, intervenante en droit du travail et plus spécifiquement de la sécurité sociale. "Je suis en télétravail actuellement et je me penche beaucoup sur la possibilité pour les salariés de faire reconnaître le covid-19 comme maladie professionnelle. Parce qu'Olivier Véran, le minsitre de la Santé l'a garanti pour les soignants mais c'est tout.
 


Il y a tous les autres! Les caissières, les éboueurs, les salariés des boulangeries, ceux des laboratoires d'analyse et j'en passe. Beaucoup ne savent pas qu'ils peuvent intenter une action en justice mais je commence à avoir des appels. Une salariée d'un labo m'a contactée, elle a été infectée par le covid-19 très probablement sur son lieu de travail et s'interroge sur ses droits. L'idée est de faire reconnaitre le caractère professionnel de leur affection par la sécurité sociale, voire en cas de refus, par une action en justice. Pour les soignants , le gouvernement semble le garantir, mais il n’est pas exclu que leur Caisse de sécurité sociale leur oppose quand même des refus (pour raison administrative ou médicale), et pour les autres salariés exposés, l’action en reconnaissance a de grande chance de ne pas être reconnue d’emblée par la Caisse et d’être portée devant le pôle social du Tribunal judiciaire, mais ce sont ce type d’actions qui font avancer les choses", explique encore Audrey Zahm-Formery.

La nécessité d'un décret

Audrey Zahm-Formery reconnaît que l'idéal serait que l'Etat fasse entrer par décret le covid-19 dans le tableau des maladies professionnelles. Mais elle sait aussi que cela coûterait très cher à la sécurité sociale. Pour autant, la question fait débat. Après Olivier Véran, c'est Christophe Castaner, le ministre de l'Intérieur qui aimerait obtenir une reconnaissance pour les personnels du ministère. L'académie de médecine, dans un communiqué du 3 avril, elle, recommande que "les professionnels de santé et les personnels travaillant pour le fonctionnement indispensable du pays (alimentation, transports en commun, sécurité…), qui ont été exposés et ont subi des conséquences graves du fait de Covid-19, soient pris en charge au titre des maladies professionnelles dues à des virus, en analogie avec différents tableaux de maladies professionnelles liées à des agents infectieux (tableaux 80, 76, 56 ou 45)".
 

Les syndicats en ordre de bataille

Les syndicats évidemment montent eux aussi au créneau, dans un contexte où il est encore difficile de connaître les séquelles de ce virus. Ils aimeraient que le covid-19 soit reconnu maladie professionnelle pour tous les salariés qui ont dû continuer à travailler, le plus vite possible. "On travaille sur deux axes actuellement, explique Jacky Wagner, de la CGT du Bas-Rhin, faire reconnaître le covid-19 en maladie professionnelle mais c'est un combat qui s'annonce difficile, la CGT a écrit au ministère de la Santé dans ce sens. On travaille aussi localement sur la reconnaissance du préjudice d'anxiété (qui a été reconnu il y a un an par la cour de cassation) pour obtenir des dommages et intérêts pour les salariés".

Pour la reconnaissance en maladie professionnelle en effet, cela passe par un décret du gouvernement après consultation du conseil d'orientation des conditions des travail qui réunit syndicats et patronat. Une réunion devrait d'ailleurs avoir lieu le 24 avril prochain, l'occasion ou jamais. En attendant les syndicats recommandent de faire reconnaître la coronavirus en accident du travail.
 

Prise en charge des soins à 100%

Mais au fait qu'est ce que cela change cette classification en maladie professionnelle? Beaucoup de choses en réalité. "Les soins sont pris en charge à 100%, explique Audrey Zahm-Formery, les indemnités journalières sont aussi plus élevées, de même que la prise en charge patronale. Et puis en fonction du taux d'incapacité, le salarié ou ses ayant-droit peuvent bénéficier d'une rente ou disposer d'un capital et en cas de manquement de l’employeur à ses obligations de prévention, le salarié victime pourra engager sa responsabilité afin d’obtenir réparation des préjudices subis : il s’agit de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ( terme fort qui cache en réalité une faute en terme de manquements aux obligations de prévention). Que les employeurs ne prennent pas peur pour autant : la plupart sont assurés contre ce risque et ils peuvent se retourner contre l’Etat si leurs manquements sont dus au manque de moyens fournis par l’Etat comme par exemple pour la pénurie de masques.

 

Peu de réponses médicales pour l'instant sur les séquelles du virus

L'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) rappelle qu'une maladie est considérée "comme professionnelle si elle est la conséquence directe de l'exposition plus ou moins prolongée d'un travailleur à un risque physique, chimique ou biologique, ou résulte des conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle". Et c'est bien là toute la question. Quelles séquelles respiratoires, neurologiques ou cognitives? Pas de réponse pour l'instant tandis que nombre de salariés continuent d'être contaminés en exerçant leur activité.
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