Les conclusions d'une nouvelle expertise demandée il y a plusieurs mois par le juge d’instruction sont accablantes pour la SNCF et pour Systra, sa filiale. France 3 Alsace a pu les consulter. Le 14 novembre 2015, le déraillement d'une rame d'essai de TGV avait fait 11 morts et 42 blessés.
Après l’accident d'Eckwersheim, le 14 novembre 2015, la SNCF et Systra ont abondamment communiqué sur le professionnalisme du personnel sélectionné pour piloter le TGV, fleuron de l’industrie ferroviaire française. Le 19 novembre 2015, Guillaume Pépy, le PDG de la SNCF déclarait: "ils étaient tous de grands professionnels, experts dans leur domaine, car aux essais, ce sont souvent les meilleurs d'entre nous." Or, un nouveau rapport remis le 16 janvier aux deux juges d'instruction en charge de l'affaire met à mal cette communication officielle. France 3 Alsace a pu consulter les conclusions de ce rapport, elles sont accablantes pour Systra et SNCF Mobilités.
Une chef de projet qui avait recu une formation générale de culture ferroviaire, mais avait une compétence insuffisante en matière d'essais dynamiques et de risques ferroviaires
Les experts qui ont rédigé ce nouveau rapport pointent d’abord une lourde responsabilité de Systra. L’entreprise, filiale de la SNCF en charge des essais, a ignoré toute la littérature existante en matière d’essais en survitesse, a négligé les briefings et débriefings, et a aussi désigné un personnel qui n’avait pas les compétences pour cela.
Manque de préparation et incompétence
Le rapport met en avant la compétence insuffisante de la cheffe de projet "une chef de projet qui avait recu une formation générale de culture ferroviaire, mais avait une compétence insuffisante en matière d'essais dynamiques et de risques ferroviaires". Même constat pour le chef d’essai: "un chef d'essai qui n'avait pas de connaissances techniques ferroviaires, n'avait pas d’expérience d'essais dynamiques et n'avait reçu aucune formation dans ces domaines". D’où des choix inappropriés notamment pour les vitesses, excessives, mises en œuvre.SNCF Mobilités n’est pas épargnée. Selon ces mêmes conclusions, cette branche de la SNCF n’a pas fourni les documents nécessaires à Systra ni formé l’équipe de conduite, notamment en ce qui concerne les calculs de distances de freinage.
Le manque de préparation des essais a conduit l’équipe à effectuer, par manque de compétence et de réactivité, des actions inappropriés qui sont à l’origine de l’accident.
En conclusion, les experts enfoncent le clou par rapport à la responsabilité des entreprises: "le manque de préparation des essais a conduit l’équipe à effectuer, par manque de compétence et de réactivité, des actions inappropriés qui sont à l’origine de l’accident."
Pour l’avocat strasbourgeois Me Claude Lienhard, qui représente une famille de victimes de l’accident, le tableau dressé par les experts est désastreux. "C'est un travail d'amateurs de Systra et de la SNCF. Il y a eu des incompétences lourdes. On a vraiment l'impression en lisant ce rapport qu'on allait vers une catastrophe annoncée."
Trois personnes sont mises en examen dans cet accident mortel ainsi que la SNCF et Systra en tant que personnes morales.