Disparition de Denis Becker, journaliste à France 3 Alsace pendant 38 ans

Denis Becker a été notre collègue pendant 38 ans, et notre ami au moins autant. Caméra sur l'épaule, il a filmé et raconté ses passions, avec talent et sensibilité. Il est décédé ce lundi 18 février après avoir combattu le cancer pendant deux ans et demi. 

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"Mais qu'est-ce que t'as foutu?" Une de tes expressions favorites, Denis. Et la question qu'on a tous envie de te poser ce lundi, et cette fois, ton rire ne nous répondra pas.

Denis et ses petites phrases, distillées par ci par là, toujours à propos, pour détendre l'atmosphère de la salle de rédaction ou mettre à l'aise un interlocuteur lors d'un tournage. Son humour, sa curiosité des autres, sa bienveillance, son sens du contact. Les plus anciens, à France 3 Alsace, l'ont toujours connu ainsi, et il a accueilli les plus jeunes, au fur et à mesure de sa longue carrière, avec la même recette.

Denis était architecte de formation, diplômé de l'école d'architecture de Strasbourg, "pour faire plaisir à papa", disait-il. En 1977, il décide de se faire plaisir à lui aussi, en tapant à la porte de ce qui était encore FR3. Pendant sept ans, il fait ses gammes à la caméra, à Reims notamment, tout en poursuivant son activité d'architecte. En 1983, il est définitivement embauché à la 3, à Strasbourg, et ne quittera plus la place de Bordeaux.
 

Une interview de Jean Paul II

Et c'est donc avec sa caméra qu'il racontera petites et grandes histoires de l'Alsace, ici, et bien plus loin. De ses voyages dont il aimait se souvenir, il revenait souvent sur son périple dans la Roumanie post-Caucescu en 1989 et en 1990, il y avait suivi des convois humanitaires. Il se souvenait être allé à Madagascar, pour tourner un magazine sur les lémuriens, dans le sillage de scientifiques strasbourgeois et allemands. 

Mais ce qui faisait sa fierté plus encore, c'était ses rencontres avec des grands hommes. Le dalaï lama, en visite à Strasbourg. Le pape Jean Paul II, dont il racontait si souvent l'interview qu'il avait réussi à "arracher" au Vatican, au nez et à la barbe des plus proches collaborateurs et gardes du corps du souverain pontif, avec sa collègue Françoise Erb. "Nous étions entourés par un service de sécurité impressionnant, se souvient-elle. Denis, dont la caméra avait eu des problèmes techniques le matin, surveillait tout : avait-il bien appuyé sur le bouton marche, le son était -il bon? Après le départ du pape, nous nous sommes embrassés, tremblants, heureux de ce moment inattendu, car interviewer un pape n’arrive pas souvent dans notre métier."  


La tête dans les étoiles

La spiritualité l'intéressait, il avait ainsi tourné de nombreux reportages sur le bouddhisme, se souvient Marie Heidmann, l'une de ses plus fidèles collègues sur le terrain. Avec elle, il s'est également intéressé aux nombreux lieux telluriques de la région, où se mêlent le sacré et les forces énergétiques, dans la tradition de la culture celte.

Il y a quelques mois, il avait eu le grand plaisir de voir enfin aboutir un projet de film consacré aux druides, documentaire qu'il a écrit et qui a été tourné en Bretagne, Franche-Comté et en Alsace. Réalisé par Jean-Michel Dury, alors que Denis luttait déjà contre son cancer, il a été rediffusé ce 11 février sur France 3 Bourgogne-Franche-Comté.
 
Ce film, ainsi que sa "Leçon de cathédrale", seront rediffusés sur France 3 Alsace le 25 mars prochain.

Des passions, il en avait plein, et il avait pris l'habitude de les partager, par ses reportages, ses magazines, ses documentaires. Le ciel, l'espace, tenaient une grande part dans sa vie. Avec un moment fort, l'éclipse du 11 août 1999. "Il était incollable en astronomie et savait déjà exactement ce qu'il faudrait faire pour intéresser le grand public, détaille Marie Heidmann. "Laisse faire Denis, je m'occupe de tout" était une de ses phrases fétiches. Et en effet, il a pris les choses en main, il avait un carnet d'adresses impressionnant et a calé "aux petits oignons" nos tournages à venir, au planétarium, au Bastberg, dans les écoles comme dans les offices du tourisme. Sous des dehors taquins, Denis était aussi très organisé et rigoureux. Et le 11 août 1999, au moment où la terre d'Alsace s'est assombrie, ce fut un moment fort dans la vie de Denis, nous en avons souvent reparlé."


La passion des avions mythiques

Et s'il pouvait monter dans un avion, c'était encore mieux, lui, le fondu d'aviation. Presque chacun d'entre nous a tourné un sujet sur ce thème avec Denis. Il en avait fait un film documentaire, "Avions de légende", en 2012.
 
Claire Peyrot s'en souvient en particulier, puisque l'engin volant dans lequel était monté Denis, un "Bugst'air", avait fini... dans un champ de maïs. "Dans les rushes, on entend bien cette phrase, avec ce ton bien particulier : "Mais qu'est-ce qui s'est passé?"... Il n'avait évidemment pas coupé sa caméra... et moi, je suis arrivée en courant derrière! A chaque fois qu'on reparlait de ce tournage, il se marrait encore..."
 
Pour prendre de la hauteur, c'est au sommet de la cathédrale de Strasbourg qu'il aimait grimper. Il en connaissait tous les recoins, toutes les anecdotes, et y passait du temps chaque fois qu'il avait besoin de se ressourcer. La force et l'énergie qui s'en dégagent l'impressionnaient et l'inspiraient, au point qu'il a consacré à Notre-Dame deux de ses films : une Leçon de cathédrale, en 2011, et L'Oeuvre, en 2006, qui propose une plongée dans les ateliers de l'oeuvre Notre-Dame, en charge de la préservation et de la restauration de l'édifice.
 
A la fin de sa carrière, qui l'avait mené à devenir grand reporter, Denis prenait toujours autant de plaisir à mettre sa caméra dans la voiture de reportage, mais il avait décidé de diversifier ses compétences : chef d'édition, il supervisait la fabrication des journaux télévisés. Au service web, il défrichait les premiers pas du traitement numérique de l'information régionale. 

C'est en décembre 2015 qu'il avait pris sa retraite, après 38 années au service de la télé régionale. Il voulait voyager, avec son épouse Christine. Profiter de ses deux fils, Nicolas et Antoine, de sa petite-fille, Pauline. La maladie lui a laissé quelques mois de répit, puis l'a obligé à lutter. Il l'a fait courageusement, pendant deux ans et demi, encaissant avec courage opérations et chimiothérapies. Avec un seul but toujours, celui qui l'a toujours fait avancer : pouvoir rencontrer des gens, ses amis, ses proches, discuter, échanger, se souvenir, raconter.

Tous ces gens aujourd'hui sont dans la peine. La sensibilité, la finesse d'esprit et la grande culture de Denis vont beaucoup nous manquer.
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