Les conditions météorologiques de l'été 2021 ont été mauvaises pour la récolte du blé. Conséquence : son prix a flambé, et avec lui, celui de la farine. Coup dur pour les meuniers, pour les boulangers, et au bout de la chaîne, ce sont les consommateurs de pain qui pourraient en pâtir.
Au moulin d'Hurtigheim (Bas-Rhin), la famille Becker et ses équipes, aux manettes depuis 1929, broient huit à neuf tonnes de blé chaque jour pour produire sa farine. Il faut donc du stock, beaucoup de stock pour tenir toute une saison. Et c'est bien ce qui soucie Raoul Becker en cette sortie d'été catastrophique sur le plan de la récolte de blé : "Il a tellement plu que la moisson a été compliquée pour les agriculteurs. Non seulement la quantité est insuffisante, mais la qualité est très médiocre. Seulement un tiers du blé récolté peut servir pour produire la farine, le reste, c'est du fourrage, et encore... une partie n'est bonne que pour la méthanisation!"
Son inquiétude est d'autant plus grande que 2020 non plus n'avait pas été une bonne année, en raison de la sècheresse cette fois. Ses silos, habituellement pleins d'une partie de la récolte de l'année précédente, sont vides. "D'habitude, pendant 4 mois, nous mélangeons les grains de deux saisons, c'est mieux pour la qualité de la farine, explique le meunier. Là, nous avons dû faire cette transition bien plus vite, en un mois et demi."
Lui qui se fournit chez des agriculteurs au plus proche de son moulin, en Alsace, n'a pu acheter que 70% des 2.000 tonnes de blé dont il a besoin pour tenir jusqu'à l'été prochain. Il va devoir chercher des fournisseurs un peu plus loin, et le prix d'achat, avec le transport, va s'élever un peu plus encore. "La tonne de blé a pris 45% entre juin et septembre. C'est du jamais-vu. Ni mon père, ni mon grand-père n'avaient jamais dû affronter ça, deux saisons médiocres de suite... il va falloir que la prochaine soit bonne!"
Une hausse de 45% de sa matière première que lui-même a en partie reportée sur le prix de vente de sa farine : elle a pris 10 à 12% d'augmentation. A 25 kilomètres de là, à Lipsheim (Bas-Rhin), derrière ses fourneaux, Vincent Didier doit à son tour encaisser cette flambée des prix de ses matières premières. "Il y a la farine, oui, mais aussi le lait, le beurre, le sucre, le gaz, l'électricité... tout augmente!"
Le boulanger a pour l'instant décidé de ne pas augmenter le prix si symbolique de la baguette. "Elle est à 1,05 euros. Quand j'ai commencé il y a 18 ans, elle était à 0,85 euros... 20 centimes en presque 20 ans, c'est peu! Mais nous estimons que c'est un produit de première nécessité, alors..." Il s'est contenté dans un premier temps d'augmenter le prix de ses viennoiseries de 2 à 5 centimes. "Mais c'est sûr que si les énergies ou la farine augmentent encore, nous n'aurons sans doute pas le choix..."
Boulangers comme meuniers guetteront donc avec une dose d'inquiétude la météo de l'été prochain : du ciel dépendront en grande partie les prix de la farine et de tous les produits de consommation qui en découlent.