Le retable "La vie de la Vierge" de Luemschwiller, trésor de l'art sacré rhénan créé vers 1490, nécessite une restauration en profondeur. La Fondation du patrimoine lance un appel à dons à hauteur de 30.000 euros pour contribuer à son financement.
Luemschwiller (Haut-Rhin), petite commune sundgauvienne de 775 habitants, possède un trésor. Son église Saint-Christophe abrite dans la nef un retable de la fin du XVe siècle (ou des débuts du XVIe siècle), encore intact. "C'est le retable le mieux conservé d'Alsace, après celui d'Unterlinden" estime Claude Gasser, délégué départemental adjoint du Haut-Rhin de la Fondation du patrimoine.
Pour ce genre d'objet d'art religieux, être encore complet plus de cinq siècles après sa création relève du miracle. Car trop souvent, les divers éléments qui le composent sont séparés au fil du temps ou des déménagements.
Un témoin rare de l'art religieux du XVe siècle
Mais celui-ci a conservé son aspect d'origine : quatre panneaux de bois couverts de peintures, qui racontent huit épisodes de la vie de la Vierge, de l'Annonciation à l'Assomption. Et une partie centrale, la prédelle, constituée d'une statue en bois polychrome de la Vierge à l'enfant, entourée de bas-reliefs représentant Sainte-Barbe et Sainte-Catherine.
Son auteur n'est pas connu. Mais "tous les spécialistes estiment que ce retable, de belle facture, a été réalisé par un artiste de renom" précise Pierre Goetz, délégué régional de la Fondation du patrimoine. Un artiste qui se serait inspiré du célèbre Hans Baldung Grien pour réaliser ce chef-d'œuvre, entre 1460 et 1520, plus probablement vers 1490.
C'est le retable le mieux conservé d'Alsace, après celui d'Unterlinden.
Claude Gasser, délégué départemental adjoint
L'autre intérêt de ce retable est son histoire, mélange de faits avérés et de légendes. Il aurait été réalisé pour le monastère Saint-Alban de Bâle (Suisse). Puis transféré en 1525, au temps de la Réforme, vers l'ancienne commune haut-rhinoise d'Enschingen (aujourd'hui Saint-Bernard), pour le protéger d'éventuels saccages. Et enfin, transporté à dos d'homme jusqu'à Luemschwiller en 1660.
De gros travaux de restauration sont indispensables
Mais quoique toujours entier, ce chef-d'œuvre nécessite aujourd'hui une restauration d'envergure. Il faut éradiquer les insectes xylophages qui menacent ses panneaux de bois. Puis stabiliser et raviver les différentes couches de peinture. Et enfin, redonner aux peintures polychromes et à l'or des sculptures leur éclat d'origine.
Des travaux estimés à près de 150.000 euros. Impossible, donc, pour la petite commune de Luemschwiller, de porter les coûts seule. Elle a réussi à décrocher des promesses d'aides substantielles de la part de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac Grand Est) et de la Communauté européenne d'Alsace (CEA). Mais il manque encore 30.000 euros.
Le rôle de la Fondation du patrimoine
Et c'est là qu'intervient la Fondation du patrimoine, délégation Alsace. Elle instruit tous les ans une trentaine de dossiers, afin d'aider des porteurs de projet à trouver le financement complémentaire indispensable pour réhabiliter un bâtiment, une œuvre ou autres, témoins du patrimoine régional.
La Fondation présente le projet sur son site, et stimule les donateurs par le biais de reçus fiscaux. Car les dons qui transitent par elle bénéficient de 66% de réduction d'impôts. Autrement dit, si vous donnez 100 euros, vous n'en déboursez que 34 au final.
Sollicité par la commune de Luemschwiller, Claude Gasser n'a pas hésité. Car ce Sundgauvien d'origine connaissait le retable, et avait déjà mené d'autres opérations avec cette commune.
De plus, ce projet correspondait pile au cœur de cible de la Fondation du patrimoine. "On préfère intervenir sur plusieurs dossiers que sur un seul très gros chantier", précise Pierre Goetz. "Et on est très attentifs aux demandes des communes petites et moyennes", celles qui n'ont pas les moyens de mener seules ce type de restauration.
En outre, il s'agissait d'emblée d'un dossier solide. En effet, pour chaque nouvelle demande, la Fondation doit d'abord s'assurer qu'elle est recevable. "Or nous, on est des financiers, pas des architectes du bâtiment" rappelle Pierre Goetz. "Nous devons donc nous appuyer sur l'avis d'experts de la Drac ou du CAUE (conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement)."
Cette œuvre mérite indéniablement notre soutien.
Pierre Goetz, délégué régional - Fondation du patrimoine
Mais ce projet avait déjà obtenu l'aval d'autres financeurs, dont la Drac. "Nous n'avons donc eu aucune hésitation à les aider" confirme Pierre Goetz. "Cette œuvre mérite indéniablement notre soutien."
L'appel à dons, pour un montant de 30.000 euros, soit 20% du financement global, a donc été lancé sur le site de la Fondation du patrimoine depuis le 25 novembre. Les travaux devraient pouvoir débuter au printemps 2022, et se terminer fin 2023.
Si la cible des 30.000 euros n'est pas atteinte, "ce qui n'est pas collecté, la commune devra le payer sur ses fonds propres" précise Claude Gasser. Mais dans certains cas, et si le complément manquant s'élève tout au plus à quelques milliers d'euros, il arrive à la Fondation du patrimoine de mettre elle-même la main à la poche. "On intervient en complément (…), surtout pour de toutes petites communes qui ont fait de gros efforts mais n'y sont pas entièrement arrivées" explique Pierre Goetz.
Une fois restauré, le retable de Luemschwiller nécessitera d'autres égards. "Pour l'instant, il est très peu connu" rappelle Claude Gasser. "Il s'agira de le faire découvrir au grand public", et donc, d'ouvrir davantage l'église Saint-Christophe, "car il attirera du monde." Il faudra aussi prévoir une protection supplémentaire, alarme ou autre, afin d'éviter toute tentative de dégradation ou de vol.