Le cahier des charges de l'AOP munster est épinglé par une étude de l'UFC Que choisir, parue ce mardi 28 septembre, parce qu'il ne garantirait pas la typicité de terroir. Entre production fermière et industrielle, le consommateur n'aurait pas les moyens de faire la différence.
Dans une étude parue ce mardi 28 septembre, l'UFC Que choisir épingle le munster, ce fromage emblématique du massif vosgien. L'association de consommateurs met à l'index le cahier des charges de son AOP (appellation d'origine protégée). En gros, il ne serait pas assez strict et le consommateur s'y perdrait. Il faut dire que dans les rayons des supermarchés celui-ci n'a que l'embarras du choix. Difficile, bien souvent, de s'y retrouver dans ces conditions. Qu'il soit fermier ou industriel, le cahier des charges du munster, qui a évolué ces derniers mois, est le même pour tous.
Et c'est bien là que le bât blesse. "L'AOP ne joue plus son rôle de repère pour le consommateur", affirme Olivier Andrault, le spécialiste de la question AOP à l'UFC Que choisir. Les logos, très visibles, garantissent normalement un produit de qualité supérieure, un produit typique et de terroir, par rapport aux productions industrielles. "Sauf que là, on montre que derrière un même label AOP on peut avoir des productions de terroir exigeantes et des productions industrielles standards", pointe Olivier Andrault.
L'AOP, un lien fort au terroir
Avant d'en arriver à ces conclusions, Olivier Andrault dit avoir épluché avec l'aide de l'INRAE (l'Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) le cahier des charges de huit fromages qui bénéficient de l’AOP. Dont le munster. Ce signe officiel de la qualité (l'ancienne AOC française), défini au niveau européen, dit que toutes les étapes de fabrication d’un produit doivent avoir un lien fort au terroir, le distinguant de la production standard.
L'étude de l'UFC sur les labels de qualité type AOP ou Label rouge by France3Alsace on Scribd
Sur les productions fromagères, les experts de l’INRAE mettent en avant trois critères essentiels: une fabrication à base de lait cru plutôt que pasteurisé, une alimentation des animaux privilégiant l'herbe et le fourrage, excluant l’ensilage, une proportion significative de races locales de vaches, en l'occurrence la vosgienne pour le munster.
"Pasteuriser le lait conduit à tuer la flore bactérienne à l’origine du goût typique du fromage. L’ensilage, mode de conservation de l’alimentation pour le maïs, est un marqueur de l’agriculture industrielle à l’origine du mauvais goût. Les races de vaches locales sont des vaches rustiques qui vont avoir un lait plus dense plus gras, qui aura un impact sur le goût du fromage", explique Olivier Andrault. Pour lui, les productions industrielles qui se calent sur des exigences minimalistes au niveau des cahiers des charges, ne méritent pas le label AOP.
"Ils ont oublié d'où on vient"
Tout cela est très bien mais ne tient pas compte de l'histoire et du contexte local, lui rétorquent les producteurs de munster qui ne décolèrent pas. "Ils ont oublié d'où on vient", fait remarquer Claude Schoeffel, producteur à Fellering, dans le Haut-Rhin, à la tête d'une exploitation laitière traditionnelle avec troupeau de race vosgienne. "L’histoire de l’AOP commence en 1969. Elle a été créée autour d’une zone regroupant tous les producteurs. Dans les années 2010, on a commencé à réfléchir à des critères comme la réglementation des animaux, le choix de la race, les schémas de fabrication, le pourcentage d’herbe dans l’alimentation, etc. Aujourd’hui on a des critères un peu plus conséquents".
Pour Claude Schoeffel les fameux trois critères ne sont pas pertinents. "Les fromages à pâte molle ont des températures de travail difficiles à tenir au niveau sanitaire. Le lait cru est quasiment réservé aux fermiers car on transforme et on affine sur place. L’industriel prendrait des risques. Le lait pasteurisé lui garantit une qualité sanitaire".
Concernant l'ensilage, l'éleveur affirme que l'évolution des pratiques va dans le bon sens. "On est parti de zéro pourcent d’herbe dans les rations à aujourd’hui 25%".
"La vosgienne n’a pas sa place dans toute l’AOP"
Pour le choix de la race de vache, Claude Schoeffel déplore que la Hosltein soit retenue mais là encore, les critères doivent tenir compte du contexte. La race vosgienne est adaptée à la montagne, pas à la plaine. "Elle n’a pas sa place dans toute l’AOP. Il faut peut-être tendre vers des races un peu plus rustiques mais la vosgienne ne fera pas tout le lait à munster demain".
En conclusion, Claude Schoeffel milite pour laisser le temps au temps. "L’AOP Munster est parti de rien, il faut laisser le temps au cahier des charges de se mettre en place et d'évoluer". Et voir ce qui peut encore être amélioré.