De plus en plus d'espèces d'oiseaux disparaissent. En cause, les pesticides... et les chats ! Pour sauver un oiseau menacé d'extinction, les chats sont interdits dans les rues et jardins d'un quartier de Walldorf, en Allemagne. La polémique enfle Outre-Rhin.
C'est l'histoire de David et Goliath. Où David est une alouette de taille moyenne, amatrice de sauterelles, de fourmis et d'araignées : le cochevis huppé. Et où Goliath est un chat friand d'oisillons tombés du nid (ou prélevés dans le nid) : le chat domestique. Jusque là, rien de très étonnant, ni d'inhabituel.
Mais l'Homme est intervenu. Appauvrissant et détruisant l'habitat de l'un et l'empêchant de se reproduire. " Il y a un siècle, le cochevis était encore abondant du fait de la présence des chevaux qui apportaient de l’espace et une nourriture bénéfique au cochevis. Mais avec l’invention de la voiture et sa banalisation, le cheval a été oublié et le cochevis avec", explique Ornithalsace.
Dans le même temps, les populations de chats prospères n'ont pas diminuées. Le cochevis huppé est désormais très rare voire en train de s'éteindre, des deux côtés du Rhin.
Et l'Homme est encore intervenu. Pour sauver l'alouette. C'est l'arrondissement du Rhin et du Neckar (chef-lieu Heidelberg) qui a pris le taureau par les cornes, ou plutôt le chat par la peau du cou, pour le confiner à l'intérieur de sa maison ou de son appartement avec défense d'en sortir avant fin août. Le temps pour le cochevis huppé de se reproduire dans des nids au sol (ce qui rend difficile sa protection) et d'apprendre à ses petits à voler bien loin des prédateurs.
Le confinement des chats
L'histoire ne s'arrête pas là. Elle commence tout juste le 14 mai 2022, jour de publication de l'arrêté de l'arrondissement du Rhin et du Neckar. Depuis cette date, et dans une zone précise, les propriétaires de chats n'ont plus le droit de laisser sortir leurs matous, sous peine d'une amende de 500 euros. La période de confinement s'arrêtera au 31 août. Et sera reconduite chaque année du 1er mars au 31 août jusqu'en 2025, précisent les autorités.
Arrêté du 14 mai, arrondissement du Rhin et du Neckar by Florence Grandon on Scribd
Le confinement, le mot agace et inquiète depuis la pandémie de coronavirus. Est-ce pour cette raison que la polémique a pris ? Sur internet, les défenseurs de la nature et les propriétaires de chats s'expriment en grand nombre. L'association de défense animale, responsable d'un refuge, croule sous les messages agressifs, les questions inquiètes des propriétaires ou les demandes des médias.
"Je ne veux pas que notre situation devienne un cas d'école, cité en exemple partout", explique Volker Stutz, président de l'association de défense des animaux de Walldorf par mail. " Et pour éviter cela, j'ai mis toute mon énergie en rencontres et en recherches avec des biologistes, des spécialistes des droits des animaux et de gestion de l'environnement pour trouver une solution qui puisse convenir à tous, et surtout aux chats, à leurs propriétaires et aux animaux à protéger. Mais tout le monde ne cherche pas cela. Nous, en tant qu'association de défense des animaux, sommes aux antipodes des autorités qui cherchent la solution la plus rapide : fermeture de passages, captures de chats, tirs sur les pies... Pour moi, aucune de ces solutions n'est intelligente."
Il y a bien trois solutions pour sortir son chat : l'équiper d'un GPS qui prouve que l'animal ne va jamais dans la zone de reproduction du cochevis huppé (mais cette solution sera possible à partir de 2023...), le mettre en pension de mars à août, ou le promener avec une laisse de deux mètres maximum. Des propositions que le maire de Walldorf juge "complètement hors de la réalité et pas acceptables moralement pour les propriétaires de chat", juge Matthias Renschler. Mais le maire est impuissant, il ne peut rien faire contre une mesure décidée à Stuttgart et à Karlsruhe. "Vu d'ici on a surtout l'impression que cette mesure n'est pas réfléchie jusqu'au bout."
C'est en effet le Land du Bade-Wurtemberg qui a décidé de protéger cette espèce menacée, en ordonnant la mise sous cloche de ce quartier de Walldorf à l'arrondissement du Rhin et du Neckar. Une quarantaine de couples de cochevis huppé vivent dans ce land frontalier avec l'Alsace. Seule la ville de Walldorf est concernée par une mesure de confinement des chats, pour trois couples de ces petites alouettes.
Le rejet de la protection de la nature
Pour éviter "des confinements allant contre les règles de base de la défense des animaux", le refuge Tom-Tatze, géré par l'association de défense des animaux de Walldorf a décidé de ne plus donner de chats à l'adoption pour tous les habitants de Walldorf. "Devoir complètement fermer son jardins avec des grillages pour éviter que son chat s'en échappe est une aberration et va à l'encontre du droit à avoir un animal de compagnie", argumente l'association.
Les défenseurs des animaux ont décidé d'aider les propriétaires de chats à porter l'affaire devant les tribunaux. Ils ont mis au point une lettre type à destination du ministère de l'environnement du Bade-Wurtemberg, dans un premier temps. Ils examinent avec ces juristes les recours qui peuvent exister.
Cette mesure risque en plus d'être inutile : nous avons seulement trois couples de cochevis huppé à Walldorf.
Mattias Renschler, maire de Walldorf
"Le risque avec cette mesure que personne ne comprend, c'est d'attiser la colère et l'incompréhension chez beaucoup de gens, qui risquent ensuite d'être opposés à toute mesure de protection de la nature." Matthias Renschler est inquiet. "L'acceptation n'est pas là, et les conflits vont être nombreux. Cette mesure risque en plus d'être inutile : nous avons seulement trois couples de cochevis huppé à Walldorf. Toutes les mesures mises en œuvre jusqu'ici n'ont pas empêcher sa disparition progressive. Le confinement des chats ne va sans doute pas suffire à les sauver."