Le blaireau, un mammifère inoffensif méconnu, a droit à sa deuxième journée internationale

Même s'il ne compte pas directement parmi les espèces menacées, le blaireau fait l'objet depuis 2022 d'une journée internationale, le 15 mai. Afin de mieux faire connaître son mode de vie, les dangers qui le guettent et les solutions qui permettent aux humains de mieux cohabiter avec lui.

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Frimousse blanche rayée de deux bandes noires et corps gris-brun court sur pattes, le blaireau est présent sur l'ensemble du territoire alsacien. Malgré un gabarit conséquent, environ 70 cm de long, et sa douzaine de kilos, il se nourrit principalement de petits rongeurs, de vers de terre, de limaces, d'insectes et de fruits tombés au sol.

Discret et inoffensif, il reste assez méconnu. Sauf par ceux, agriculteurs, particuliers ou collectivités, dont il choisit le terrain pour y creuser son terrier. Ce qui peut poser certains problèmes de cohabitation.

La chasse au blaireau est autorisée sur l'ensemble de l'hexagone, sauf dans le Bas-Rhin, et ce depuis 2004. Dans certaines régions, mais pas en Alsace, il est aussi victime de la "vénerie sous terre", une forme de chasse pourtant déjà interdite dans une majorité de pays voisins : à partir du 15 mai, les terriers sont détruits à l'aide de pelles et de pioches, et blaireaux adultes comme petits blaireautins sont traqués par des chiens introduits dans les galeries, puis tués au fusil ou à l'arme blanche.

C'est pour cette raison que depuis 2022, plusieurs associations de défense de la nature lui dédient une journée internationale, précisément à cette date. Le but est de sensibiliser le grand public aux mœurs de ce mammifère pas comme les autres, véritable ingénieur bâtisseur. Et de rappeler qu'en Alsace, il existe un pôle de médiation permettant de trouver des solutions de cohabitation pacifique, si quelques blaireaux construisent leurs galeries trop près des secteurs d'activités humaines.    

Un animal territorial qui vit en famille

Les photographes animaliers le savent bien. Pour apercevoir un blaireau, il faut énormément de patience et de discrétion. Rester des heures sans bouger, et ne pas se mettre dos au vent, car la bestiole a le nez particulièrement fin. "Presque aveugle, le blaireau ne communique pratiquement qu'avec son odorat" confirme Laetitia Duhil, médiatrice faune sauvage pour la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux) Alsace, et spécialiste de ce mammifère qu'elle affectionne. "Son odorat est 800 fois supérieur à celui de l'humain, c'est vraiment son moyen de communiquer et de se diriger dans l'espace."

S'agissant d'un animal nocturne, il est aussi plus difficile à repérer. Fort heureusement pour ses admirateurs, il a ses petites habitudes bien ancrées. "Il ne change pas d'horaire de sortie pour aller se nourrir. En milieu fermé, forestier, où il y a peu de passage, il peut sortir tôt, par exemple vers 20 heures" explique Laetitia Duhil. Autrement dit, en période estivale, on peut espérer l'immortaliser sans trop de difficultés.   

Très sociable, le blaireau vit en famille, généralement le papa, la maman et deux enfants "de l'année précédente ou de l'année en cours." Il est aussi "très fidèle à son territoire et son terrier." Autrement dit, il déteste déménager.

Pour s'établir, il affectionne les terrains couverts d'arbres ou de buissons, avec un sol meuble et bien drainé, de sable ou de loess. Mais il est très sensible à l'humidité. D'où son choix fréquent d'un territoire un peu en hauteur, comme un remblai, ou une digue.     

Un même terrier, agrandi au fil du temps

Au fil des ans, un terrier de blaireau devient un véritable complexe immobilier, qui compte plusieurs dizaines de galeries. Sa taille dépend de son âge, pas du nombre de ses habitants. "Plus le terrier est grand, plus il est ancien, et préservé de génération en génération" précise Laetitia Duhil. "S'il y a 30 ou 40 entrées, ça peut être un terrier vieux de 50 ans" voire plus. Et même s'il est déjà surdimensionné par rapport à leurs besoins, ses quatre ou cinq occupants vont continuer à l'agrandir, "par passion de creuser."

Histoire d'assurer ses arrières, une famille de blaireau s'aménage aussi quelques annexes, où se réfugier en cas de danger : "quelques trous éparpillés sur son territoire", à plusieurs centaines de mètres du terrier principal. Auquel, par mesure de prudence, ils ne sont pas reliés.

Contrairement au renard, le blaireau "est un bon Alsacien qui aime que tout soit très propre" s'amuse Laetitia Duhil. Il tapisse ses galeries de boules de paillis, et "change fréquemment cette litière quand il a des petits, pour éviter les parasites." Il nettoie régulièrement son logis, n'y mange pas "et fait ses crottes très loin, à l'extérieur."

L'Alsace pionnière pour l'intérêt porté au blaireau

Officiellement, l'espèce n'est pas menacée. Mais "le problème, c'est qu'il n'y a pas d'étude faite sur l'état des populations en France. Donc, de manière objective, on ne peut pas vraiment le savoir"  souligne Laetitia Duhil.

Véritable exception en France, l'Alsace s'intéresse de près au blaireau. Dès 2003, le GEPMA (Groupe d'étude et de protection des mammifères d'Alsace) a constitué "un gros réseau de bénévoles spécial blaireau." Depuis vingt ans, ils sont plus de 80 à compter le nombre de terriers alsaciens.

En 2022, 2.177 terriers principaux et secondaires ont ainsi été recensés, dont près de 40% sont suivis de près chaque année, pour savoir s'ils sont toujours habités. D'après ces statistiques, la population de blaireaux alsaciens est restée relativement stable durant ces deux dernières décennies.  

Par ailleurs, le GEPMA a constitué avec la LPO un pôle de médiation – dont fait partie Laetitia Duhil - destiné à répondre aux demandes du public concernant la faune sauvage. "Ce pôle médiation est actif depuis 2008, on a donc déjà un bon retour d'expérience" assure-t-elle.

Concilier les besoins blaireaux-humains

En ce qui concerne les blaireaux, son rôle est de lui permettre de concilier ses besoins avec ceux des humains. Car il existe des endroits de coexistence problématique, "liés à des modifications du territoire dans ces dix dernières années."

En clair : si on enlève une friche pour y planter de la vigne ou du maïs, le blaireau, toujours fidèle au secteur de son terrier initial, va se retrouver en plein milieu d'un vignoble ou d'un champ cultivé. Il ne va pas s'attaquer aux cultures elles-mêmes, mais ses trous et ses galeries risquent de déranger grandement.

"S'il s'agit de grandes cultures, ce n'est pas trop gênant, car les machines agricoles sont grosses" rappelle la médiatrice. En revanche, pour un vigneron, un terrier en plein milieu du passage du tracteur peut s'avérer dangereux.

D'autres situations délicates se rencontrent lorsqu'il s'est établi dans des digues de protection contre les crues, ou des talus longeant des routes ou des rails. Car ses nombreuses galeries souterraines risquent, à terme, de provoquer des affaissements du bitume ou de la voie ferrée.

C'est pourquoi Laetitia Duhil travaille beaucoup avec "la SNCF ou les exploitants des routes" des deux départements alsaciens. A chaque fois, elle se rend sur place, et tente de trouver une solution adaptée. "Il y a plein de méthodes, on adapte toujours la problématique" assure-t-elle.

Différents aménagements peuvent être mis en place, pour préserver la présence de l'animal sans risque pour l'agriculteur, ou les usagers de la route ou du rail. Et si vraiment "le terrier ne peut pas être conservé là où il est", il existe des moyens non violents pour faire comprendre au blaireau qu'il doit s'aménager un nouveau home sweet home un peu plus loin.

"On peut utiliser des répulsifs spécifiquement adaptés. Ou des trappes anti-retour, des genres de grosses chatières, pour qu'il puisse sortir mais ne plus revenir." Rien qu'en 2022, 87 cas de ces médiations blaireau ont été traités en Alsace – et 24 ailleurs.

Les jardins, un refuge durant la sécheresse

Depuis quelques années, certains blaireaux s'invitent aussi chez les particuliers. Selon Laetitia Duhil, cela est dû à la sécheresse. L'été dernier, ils n'ont plus trouvé de vers de terre dans leur milieu naturel. Certains, trop affamés, se sont donc rabattus sur les pelouses encore arrosées, où ils pouvaient encore trouver de la nourriture.

Alors, certes, découvrir un trou au milieu de son jardin ne fait pas forcément plaisir. Mais, la médiatrice l'assure, sauf exception, il n'y a pas de risque qu'une famille de ces mammifères craintifs élise domicile chez vous pour de bon. "Ça ne les intéresse pas de vivre à long terme dans un jardin. Ils ne sont pas fans de rester proches des humains."

En toute logique, cette présence de blaireaux faméliques n'est donc que transitoire. Avec un peu de patience envers cette faune sauvage "qui souffre beaucoup pendant la sécheresse et ne sait plus où se nourrir", tout rentre dans l'ordre dès l'automne. Où les dégâts occasionnés pourront être rebouchés.

A l'occasion de la 2e édition de cette journée internationale du blaireau, beaucoup d'événements de sensibilisation se sont déroulés ce week-end dans toute la France.

En Alsace, il est possible de voter en ligne pour un concours de photos réalisés par les bénévoles du GEPMA.

Et le 15 mai, des animations seront proposées dans deux écoles élémentaires des deux départements, afin de mieux faire connaître ce mammifère pas comme les autres au jeune public.

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