Alors qu'une manifestation est organisée demain, jeudi 18 juillet, par le collectif IEF (Instruction en famille), nous avons contacté une de ces mamans qui fait l'école à la maison et qui ne souhaite pas scolariser son fils à la rentrée prochaine comme la loi l'y oblige. Coûte que coûte.
Marie souhaite rester anonyme pour "protéger son fils et ne pas créer chez lui un sentiment d'anxiété pour la rentrée prochaine."
Son fils, six ans, bientôt sept, n'a jamais été scolarisé. Ou si peu. Deux mois en tout et pour tout en petite section de maternelle. "Un traumatisme." "Moi, je n'avais rien contre l'école, j'ai moi-même été professeure des écoles. Ce qui comptait, c'était plus la bienveillance et l'ambiance, plus que les résultats scolaires ou les contenus. Quand j'ai vu comment la maitresse leur criait dessus, comment mon fils ne dormait plus la nuit et pleurait tous les matins, je me suis dit c'est plus possible."
Le revers de la médaille
Marie se met en disponibilité de l'éducation nationale pour s'occuper de l'instruction de son fils. Elle fera école à la maison. "On avance en fonction du rythme de notre enfant, on doit respecter les attendus du socle commun, on s’organise comme on veut, on utilise les pédagogies qu’on veut. On organise des visites de musées avec d'autres familles qui font l'instruction à la maison, on a des activités extrascolaires. Tout pour favoriser la sociabilisation." Un contrôle pédagogique annuel est organisé avec les familles pour évaluer le niveau des enfants. "Selon nos sources, un sondage mené par notre collectif IEF Alsace auprès des familles alsaciennes, 98% de ces évaluations seraient positives."
Je vois les limites de l'école et je n'ai pas du tout envie de ça pour mon fils.
Marie
Marie est désormais à mi-temps dans un établissement hors contrat. Enseignante dans un lycée professionnel, maîtresse d'école à la maison. "Ce n'est pas du tout paradoxal, non. J'ai face à moi des élèves complètement démotivés. Je vois le revers de la médaille, l'école inclusive, pour tous, ce n'est pas possible. Des classes de 30 ce n'est pas possible non plus. Je vois les limites de l'école et je n'ai pas du tout envie de ça pour mon fils."
Son fils, justement, devrait rentrer en CE1 à la rentrée prochaine. Il devrait y être obligé. La loi du 24 août 2021, dite loi "séparatisme", qui renforce l'encadrement de l'IEF (Instruction en Famille), s'applique à présent à Marie. Pour rappel, jusqu’à cette nouvelle loi, l’instruction obligatoire pour tous les enfants commençait à l’âge de six ans. Le seuil a été abaissé à trois ans. Entrée en vigueur à la rentrée 2022 pour les "nouvelles familles", elle s'applique en septembre 2024 à toutes, même à celles qui pratiquaient l'IEF avant cette loi.
Ainsi, les demandes d'autorisations d'IEF sont beaucoup moins évidentes. En 2023 déjà, les saisines reçues par les médiateurs de l’Éducation nationale ont été multipliées par dix par rapport à l’année précédente, passant de 30 à 302. Plus de la moitié des sollicitations (54%) sont liées à des refus de l’IE.
Nuits blanches
La demande d'autorisation d'instruction dans la famille de Marie a été refusée le 1ᵉʳ juillet. "Toujours selon notre sondage, nous estimons qu’à ce jour, sur 88 familles qui nous ont répondu, nous en sommes à 76% de refus d’IEF concernant les demandes d’autorisation relevant du motif 4, situation personnelle de l'enfant, au sein de l'académie de Strasbourg." Alors Marie prépare la suite. "Cela fait des nuits que je ne dors plus, je travaille sur mon RAPO (recours administratif préalable obligatoire) que je dois déposer au Rectorat aujourd'hui. Le délai de réponse sera sûrement très long, c'est encombré, et en attendant, c'est l'angoisse".
On ne fait rien de mal, nos enfants sont épanouis, ils ont de bons résultats.
Marie
Si son Rapo est refusé, Marie devra aller plaider sa cause au tribunal administratif, "prendre un avocat, encore du stress pour rien..." Pour rien, car selon Marie, faire l'école à la maison, "c'est juste un droit, une liberté, celle de vouloir le meilleur pour nos enfants. On ne fait rien de mal, nos enfants sont épanouis, ils ont de bons résultats. Mon fils n'a pas envie de retourner à l'école, il a une très bonne mémoire, vous savez. En septembre, quoiqu'il advienne, il n'ira pas. Je ferai un référé suspensif, j'irai au tribunal, je ferai tout mon possible."
Jeudi 18 juillet, Marie, membre du collectif IEF Alsace, maman angoissée, participera évidemment à la manifestation devant le rectorat pour défendre l'instruction en famille. Une délégation sera reçue par la secrétaire générale d'académie.