Les buvettes servant de l'alcool vont être plus rares à Colmar, on vous explique pourquoi

Le maire de Colmar, Eric Straumann, a décidé d’appliquer la loi concernant les autorisations de buvettes avec alcool pour les associations : cinq par an pour les associations culturelles et 10 pour les clubs sportifs. Une décision motivée par sa condamnation pour inéligibilité en mars dernier. Un coup dur pour toutes ces associations qui dépendent souvent de ces buvettes pour vivre.

En France, la loi stipule qu’une association est autorisée à ouvrir une buvette temporaire lors d’une manifestation cinq fois par an. Dix fois quand il s’agit d’un club sportif. Ces autorisations sont délivrées par la mairie. À Colmar, la municipalité a décidé d’appliquer cette loi à la lettre. Eric Straumann admet que jusqu’ici, ses services n’étaient pas en conformité avec la réglementation: "Et pourtant, ces cinq limitations, ça a toujours existé. Mais avec le développement du juridisme, on devient prudent. S’il arrive un malheur, ça retombe sur le maire."

Qu’est-ce qui lui a fait changer d’avis ? " Notre vie associative est dense, il y a une réglementation, ma responsabilité personnelle est engagée. Donc je suis prudent au sens juridique du terme."

Si le maire devient tout d’un coup aussi prudent, c’est parce qu’il a été condamné en mars dernier à six mois d’inéligibilité avec sursis dans l’affaire dite des indemnités de l’ancien directeur de cabinet de la mairie. Eric Straumann a fait appel de cette décision. Ainsi dans sa ville, il ne laisse plus rien passer qui pourrait lui causer des problèmes avec la justice.

 

Un problème pour les finances des clubs

 

Ce respect stricto sensu de la réglementation prend de court les associations. Comme le Colmar Rugby Club. Emma Fournier, sa manager général, tombe des nues quand je lui annonce la règle des 10 autorisations de buvettes par an. Elle n’était pas au courant et a d’ailleurs du mal à me croire. "Ça sera un problème pour nous. Dans le calendrier fédéral, on est largement au-dessus des dix événements annuels, toutes sections confondues, au moins trois fois plus. Limiter à 10 buvettes ? Ça n’est pas possible. Les recettes représentent 30% de notre budget".

Le prochain grand événement du club, c’est un tournoi le 8 juin au stade de l’Europe. Et Emma Fournier note qu’elle n’a pas encore obtenu d’autorisation pour la buvette. Elle compte aborder le problème avec le comité directeur du club mais pour l’heure, la seule solution serait une buvette sans alcool qui ne requiert pas d’autorisation. Et pour l’avenir, "nous avons quatre sections. Et on priorisera la section adulte qui attire le plus de monde. Il y aura de la perte. Car la bière c’est ce qui rapporte le plus d’argent."

Culturellement aussi, c’est un coup dur. Le rugby est particulièrement connu pour sa troisième mi-temps… à la buvette : "ça fédère, on ne va pas se le cacher", confirme laconiquement la manager. L’autre solution serait d’avoir un club-house avec une licence, comme Emma Fournier l’a connu au club de rugby de Lyon. Mais à Colmar, les infrastructures ne sont pas adaptées : "Le club house est en face du stade, il faut traverser la route et donc rater le match, et une licence, c’est coûteux".

 

Vent de panique aussi pour les associations culturelles

 

Comme Hiéro Colmar, une fédération qui organise près de 70 spectacles et concerts dans la ville chaque année. La buvette représente un tiers de son budget et lui permet d’être à l’équilibre. "On dégage plus d’argent avec la bière et le vin que sur des softs. On est à deux ou trois verres par personne en soirée", explique son administrateur, Franck Richard.

Depuis que le maire a décidé d’appliquer ces règles, un autre problème de taille vient s’ajouter à la limitation des 5 buvettes par an pour les associations culturelles. Dans la salle du Grillen où Hiero programme une vingtaine de concerts chaque année, il est désormais interdit de vendre de l’alcool. En cause, un gymnase construit juste à côté, en 2019. Un arrêté préfectoral du Haut-Rhin de 2011 stipule que les débits de boissons ne peuvent pas être établis autour des terrains de sport à moins de 125 mètres dans les communes de plus de 20 000 habitants. Or, le gymnase est à 60 mètres de la salle de concert. Beaucoup trop près pour proposer une buvette avec boissons alcoolisées.

Le Grillen installé à Colmar depuis 25 ans se trouve donc désormais dans une zone de protection. Cette salle qui appartient à la mairie et accueille une centaine d’événements par an a été informée il y a un mois par courrier de cette interdiction de vendre de l’alcool à cause du gymnase construit il y a 5 ans. Un arrêté qui jusque-là n’avait jamais été respecté. En tant que service municipal, le Grillen n’a aucune marge de manœuvre et est soumis aux décisions de la ville.

Quand on a des groupes américains et des touristes, on n’a pas envie de leur proposer un lait fraise

Franck Richard, administrateur de Hiéro

Philippe Uhl, le responsable du Grillen regrette "cette loi obsolète qui entrave le fonctionnement de pas mal d’associations locales." II ne craint rien de moins que "la mort culturelle dans la ville".

Le Grillen travaille étroitement avec le service juridique de la ville de Colmar. Car les solutions sont à trouver dans l’urgence. Les concerts s’enchaînent à cette saison et il n’est pas question de ne pas proposer de buvette sans alcool.

Pour les concerts du week-end prochain, Franck Richard, l’administrateur de Hiéro, a trouvé une solution validée par le service juridique : "Une licence en cercle privé. C’est une adhésion temporaire à l’association qu’on facturera 2 euros. On pourra ainsi continuer à servir de la bière brassée du coin et du vin de viticulteurs locaux. Car quand on a des groupes américains et des touristes, on n’a pas envie de leur proposer un lait fraise."

 

Règles absurdes et obsolètes

 Le maire de Colmar, Eric Straumann est bien conscient qu’en appliquant la réglementation à la lettre, il soulève un problème de société : "La réglementation est absurde. Mais au bout de la chaîne, c’est toujours le maire le dindon de la farce. Alors soit on supprime ces règles, soit on les laisse en place."

Concernant la zone de protection du Grillen, la mairie a saisi la préfecture, seule capable de modifier l’arrêté des 125 mètres de distance entre une buvette et un gymnase. Les associations culturelles attendent avec impatience que le préfet assouplisse cette règle pour continuer à faire fonctionner leurs buvettes. Et le maire aussi :"À proximité des établissements sportifs et de santé pour moi la réglementation est obsolète. Pourquoi interdire une buvette à 60 mètres d’un gymnase fermé le soir ? À l’époque c’était pour éviter les personnes en état d’ébriété sur la voie publique mais cela ne se voit plus aujourd’hui."

Si la société a évolué sur ses comportements vis-à-vis de l’alcool, les réglementations, elles, n’ont pas bougé d’un iota. Le problème est national mais pour l’instant, c’est à Colmar qu’il soulève un vent de panique.

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