La biodiversité, ça vous parle ? Peut-être, pensez-vous abeilles, fourmis et coccinelles ou encore oiseaux. Mais les animaux un poil plus grands sont aussi nos alliés au jardin. Voici un quatuor de talent qu'il faut réunir dans votre jardin. Comment faire pour que votre jardinet soit pour eux, the place to be ?
Les jardiniers le savent bien : certains insectes et petits animaux, parmi la macrofaune, sont leurs alliés au jardin. Eric Charton, notre expert jardinier, présente quatre petites bêtes qu'il fait bon voir dans son jardin : le hérisson, le crapaud, l'orvet et la fouine. Oui, la fouine, même si elle est décriée parfois.
Nos quatre amis précités sont tout d'abord de très bons indicateurs naturels de la bonne santé de votre jardin. Si l'un d'eux s'est établi chez vous, ou mieux encore, s'il y passe régulièrement son chemin pour grignoter, c'est que la place est bien notée dans son palmarès gastronomique. Un bon spot. Soyez-en fiers.
Quel régal pour quel animal ?
Le hérisson, omnivore, est avant tout insectivore. Il saura vous débarrasser, bien mieux qu'un insecticide, des cloportes, mille-pattes, et autres scarabées. Il est friand aussi de petits mammifères et vous délestera des campagnols et des souris. Enfin, il raffole des limaces et des escargots et c'est là une qualité à ne pas négliger. Cela dit en passant, lors de ce printemps 2024, les jardiniers auraient apprécié qu'ils soient plus nombreux ! le hic du hérisson, c'est qu'il consomme aussi parfois des oiseaux passés trop près de lui.
À peu de choses près, l'orvet goûte aux mêmes plats que le hérisson : au menu, limaces, escargots et cloportes.
Le crapaud, batracien terrestre (et oui !), contrairement à la grenouille — qui est un batracien aquatique —, se nourrit d'insectes. Il fait de temps en temps quelques entorses à son régime en attrapant des vers de terre, des araignées ou des mille-pattes.
On dit de la fouine qu'elle est un animal "opportuniste", c'est-à-dire qu'elle ne joue pas la difficile et se contente de ce qui lui tombe sous la main. Idéale donc en cas d'invasion de n'importe quoi. Même si elle n'a pas bonne presse, car elle peut également manger des œufs d'oiseaux. Elle est ainsi placée sur la liste des animaux "nuisibles". Eric Charton tient à nous rappeler que cette liste est instituée par la Commission départementale de la chasse. Cette commission est composée :
- d'un représentant des piégeurs,
- d'un représentant des chasseurs,
- d'un représentant des intérêts agricoles,
- d'un représentant d'associations agréées au titre de l'article L. 141-1 du Code de l'environnement, actives dans le domaine de la conservation de la faune et de la protection de la nature,
- et de deux personnalités qualifiées en matière scientifique et technique dans le domaine de la chasse ou de la faune sauvage.
Ce qui doit nous inciter à regarder cette liste des animaux "nuisibles" sous un nouveau jour.
Quel habitat pour ces petites bêtes ?
Comme ces gentilles créatures terrestres n'ont pas pour habitude de manger là où elles se couchent, mieux vaut donc qu'elles nichent chez votre voisin et se nourrissent chez vous. D'autant que là où elles nichent, elles se reproduisent et peuvent alors occasionner quelques désagréments.
Cependant, si vous avez la chance de posséder un grand jardin avec un espace que vous pouvez laisser à l'abandon, n'hésitez pas à les accueillir chez vous. Ils sauront vous en être reconnaissants. Et s'ils se sentent bien dans leur refuge, ils se reproduiront et vous verrez la famille s'agrandir et revenir chaque année dans la place, tout comme les chauves-souris ou les hirondelles le font dans les endroits sécures.
Eric Charton estime qu'il faut leur dédier environ 10 % de votre jardin.
La toute première des conditions pour retenir dans votre espace naturel ces petits amis, c'est le calme. Mais si vous êtes du genre amoureux des jardins, tout autant que des chiens ou des chats, adieu l'hôtel à hérisson. Les compagnons de maison font de bien mauvais amis pour les compagnons du jardin. Comme pourrait dire le fabuliste : adieu crapauds, hérissons, fouines, martres et autres orvets.
Notre expert jardinier sous-entend même, avec son espièglerie habituelle, que les jeux d'extérieurs de nos galopins ne font pas non plus bon ménage avec cette petite faune. Au diable les tables de ping-pong, les trampolines et les piscines qui génèrent cris et rires à foison. Mon conseil malgré le bruit qu'ils génèrent : gardez les enfants quand même. (Sic).
Si vous ne cochez pas toutes ces cases, (conditions, il est vrai, difficiles à réunir),
- avoir un grand jardin,
- n'avoir aucun animal de compagnie,
- n'avoir ni jeunes enfants ni adolescents bruyants à la maison
il vous sera difficile de prétendre héberger ces charmantes petites bêtes au jardin.
Quatre conseils à suivre
Mais pour les "chanceux" qui remplissent les conditions préalables, voici quelques conseils. Commencez par créer une zone de quiétude, au moins pour toute la période hivernale. Un déménagement de cette zone de quiétude en hiver pourrait être fatal à tous ces animaux.
1. Consacrez 10 % de la surface de votre jardin à l'habitat de la petite faune, soit au minimum un mètre², pour les jardins les plus petits. Ne vous rendez dans cette zone que le plus rarement possible. Laissez-la vivre sa vie, même vos voisins poussent des cris d'orfraies sur l'état de votre jardin. Faites-en fi. Mieux, faites les taire.
2. Entassez là vos pierres, vos branchages, vos vieilles tuiles et vos planches rongées. À la limite de cet espace, vous pouvez aussi y installer votre composteur, si vous ne vous y rendez pas trop souvent. (Pour cela, pensez à vous munir d'une poubelle de cuisine suffisamment grande, pour n'aller la vider qu'une fois par semaine). Et laissez-y sécher votre bois de chauffage pour les années à venir. Un espace suffisant laissé entre deux bûches basses fera le bonheur d'une fouine. Un simple cageot retourné, recouvert de branchages, se transformera en une cache propice au hérisson. Et des tuiles, posées sur une toile de jute et rehaussées par des tasseaux, feront la part belle à l'orvet.
3. Vous pouvez aussi creuser quelques trous qui serviront de refuge.
4. Dernière chose : afin de garantir le plus grand espace de liberté à toutes ces bestioles, pensez à créer des passages entre votre jardin et ceux de vos voisins. Installer des clôtures à 15 cm du sol, ou prévoyez de petites ouvertures ici ou là dans les murets.
Évidemment, ces petits aménagements risquent d'attirer des partenaires du jardin, mais aussi quelques bébêtes moins désirables. Soyez prudents lors du vidage de votre composteur, ou de la collecte de bois pour le feu. Un dernier petit conseil pour la route : jamais de graines ni de céréales dans votre composteur, cela risque d'attirer les rats.
Tant pis pour l'esthétique, la biodiversité est à ce prix. Eric Charton évoque avec un brin de nostalgie la disparition des jardins familiaux, "à l'ancienne" faits de bric et de broc, véritables sanctuaires de la biodiversité locale. Elle trouvait là de nombreux recoins pour se camoufler, des petites zones humides propices à l'accueil des crapauds par exemple. Les nouveaux jardins avec les abris sur dalles de bétons et récupérateurs d'eau fermés sont beaucoup plus pimpants, mais laissent moins la part belle à la microfaune.
Où retrouver Eric Charton et ses bons conseils ? Sur toutes les plateformes avec son podcast "On sème fort ! le podcast du jardinage bio et de la permaculture".
Article initialement publié le 04 mars 2023