Cet été, très chaud et sec, a mis à mal beaucoup de cultures, et celle des sapins n’y échappe pas. Pour Noël 2022, les récoltes seront inégales. Tout dépend des lieux de plantation, on vous explique pourquoi.
Y aura-t-il des sapins à Noël ? Oui, bien sûr, mais la question est loin d'être absurde, car selon les producteurs, la culture de notre traditionnel arbre de Noël n'a plus rien à voir avec celle d'il y a vingt ans.
En ce mois d'août, certains producteurs d'épicéas, Nordmann et autres sapins bleus, ont constaté avec tristesse la perte de la totalité de leurs jeunes plants, brûlés par le soleil et séchés sur pied par manque d'eau. "Chez nos voisins lorrains, certains ont déjà perdu la moitié des cultures, les images sont impressionnantes" confie Alphonse Acker, producteur dans le Bas-Rhin.
A Weyersheim, Alphonse et son épouse Fernande sont producteurs de sapins depuis quarante ans. Sur un rayon de cinq kilomètres, ils possèdent des terrains composés de différents types de sols et ils sont conscients que c'est une chance pour leur exploitation de sapins. "Nous avons des sols plutôt lourds, à l'est du loess, au sud-ouest de l'argile et au nord de la tourbe. Nous avons même une parcelle de 7 hectares avec huit sols différents. Autrefois, c'étaient des terres sur lesquelles le Rhin débordait quand il était en crue et il y déposait ses alluvions."
Mais ils ont aussi des terres plus sablonneuses qui ne retiennent pas l'eau. Là, même l'arrosage ne sert à rien, car l'eau s'infiltre. C'est un gros problème pour ceux qui ont des terres légères de ce type. "Cette année, je n'ai planté aucun jeune plant dans ces zones et je n'y couperai pas de grands sapins. Ils ont été fragilisés par la sécheresse et le manque de pluie, donc je les laisse reprendre des forces jusqu'à l'année prochaine."
Cette année je ne récolterai pas les sapins qui poussent dans mes sols les plus sablonneux, je les laisse reprendre des forces
Alphonse Acker, producteur de sapins à Weyersheim
Près de Haguenau, les sols sont réputés sablonneux. Valentin Spieler, paysagiste et producteur de sapins a perdu beaucoup de ses petits épineux. "Sur les 2000 jeunes pousses que j'ai plantées au printemps, j'ai une perte de 20 % environ. Les plus anciens par contre ont résisté et ils ont bien passé l'été."
Sur ses 4 hectares de sapins, il compte heureusement aussi des parcelles bien dotées. "Entre Niederschaeffolsheim et Batzendorf, les terres sont argilo-limoneuses, elles gardent donc l'eau et sont riches en nutriments pour les arbres."
Mais cet été, le déficit de pluie a failli être lourd de conséquences pour lui. "Dans notre dizaine de rangées de Nordmanns et d'épicéas (chaque rangée compte cent arbres), il a fallu arroser deux fois par semaine durant la nuit. Heureusement nous avons un puits, ça nous a permis de sauver 95% de notre production. "
Plus au sud, chez les Acker aussi, il a fallu faire appel à tout un savoir-faire et arroser un peu. "Nous fumons nos terre avec de l'engrais mélangé de cheval, de mouton et de vache, qui a au moins un an d’âge avant de le poser. J'éclaircis les arbustes tous les ans, pour qu'ils ne se fassent pas de concurrence et trouvent les nutriments pour bien pousser. Et les tout petits sont irrigués la première année."
Cette année, exceptionnellement, leurs arbustes âgés de deux ans ont aussi été arrosés : "Les tout petits, on les a irrigués de nuit, à trois reprises avec 60 millimètres d'eau par arrosage, et ils sont tirés d'affaire." Un soulagement pour ce producteur. Tous n'ont pas eu cette chance.
A Geudertheim, Stéphane Schwartz est catégorique : "80% des plants de ce printemps sont morts et ce n'est pas fini ! On va encore en perdre malgré les pluies annoncées. Les arbustes qui ne sont pas morts ont été stressés et sont affaiblis. Il suffira d'un petit contre-temps météo supplémentaire et comme ils n'ont pas pris de force, ni faire de réserves, ils vont dépérir."
Si certains producteurs perdront quarante, cinquante, voire plus de pour cent de leurs cultures de sapins cette année, d'autres mesurent leur chance. Outre les précipitations, leur sort dépend pour beaucoup des terres dont ils disposent pour leur exploitation.