Peu de femmes continuent d'allaiter quand elles reprennent le travail. Stress, manque d'informations, horaires irréguliers, plusieurs raisons expliquent cette situation. Vanessa Bauer explique comment elle a poursuivi l'allaitement de ses filles tout en reprenant son activité à leurs 4 et 6 mois.
Vanessa est maman de trois enfants. Elle a allaité ses deux premières filles "jusqu’au sevrage naturel, à quatre ou cinq ans". Là, elle allaite encore Lise, la plus petite, qui a deux ans. "Souvent, juste après la crèche, dès que je m’assoie, elle demande. J’ai toujours donné le sein à la demande, c’est plus simple."
Vanessa est infirmière en milieu hospitalier, elle travaille à 80%. Quand sa première fille Lily est née, il y a huit ans, elle a repris assez vite le travail. "Lily avait quatre mois, et ça m’a beaucoup stressée de reprendre en continuant l’allaitement. J’avais peur de ne pas avoir assez de lait, donc j’ai fait beaucoup de réserves avant ma reprise, même si en fait le corps s’adapte à la demande."
Pour avoir du lait maternel à donner à la nounou, Vanessa tire du lait en avance, et le congèle. "La nounou n’avait qu’à décongeler mon lait pour lui donner. Mais finalement, Lily ne buvait presque rien la journée, c’est assez courant chez les bébés allaités. Elle se rattrapait énormément le soir et la nuit, donc j’ai vite été rassurée. Par contre, c'était très fatigant parce qu’elle tétait beaucoup la nuit. Le cododo m’a sauvée : il m’a permis de rester allongée la nuit. Pour les deux autres, j’ai repris le travail quand elles avaient six mois, c’était déjà plus facile."
Au travail, le bonheur
Tant que les enfants sont petits et pour que la lactation se mette bien en route, Vanessa doit tirer son lait en journée. "Je faisais un temps calme avant de tirer, pour arriver à me faire ma petite bulle, et puis je m’isolais et je regardais des photos de Lily pour stimuler la lactation. Ce n'est pas facile parce que j’ai un métier stressant. J’étais en réanimation à l’époque."
"Le matin, je l’allaitais d’un sein et je tirai de l’autre côté en même temps, avant de partir travailler. J’ai trouvé l’allaitement très pratique, nos histoires d’allaitement avec chacune de mes filles sont superbes. Mais la reprise du travail, c’était vraiment dur, la fatigue était très présente à chaque fois."
Sur son lieu de travail, Vanessa a eu des collègues bienveillants et compréhensifs. Personne n’a fait de remarques déplacées, de ce côté-là pas de problème. "Comme j’ai beaucoup de médecins autour de moi, certains me proposaient leurs bureaux, pour que je puisse tirer mon lait et m’isoler. Sinon j’utilisais la salle de pause quand elle était inoccupée, il y avait plusieurs endroits où je pouvais fermer à clef et me poser."
"Dans mon service, ça c’est vraiment bien passé. J’arrivais avec ma grosse mallette, mon tire-lait était très volumineux, tout le monde rigolait en me voyant passer. Les collègues étaient ok, et moi j’étais très à l’aise avec ça. Après moi, d’autres collègues l’ont fait en réanimation. J’ai donné quelques conseils à certaines."
"Lors d'un tirage, le lait vient, puis se tarit un peu, puis revient. Ça peut durer plus longtemps, ça dépend de chacune. Ce qui m'a aussi beaucoup aidé, c'est d'être entourée, informée. Comme je n'aimais pas le tire-lait, je faisais le minimum, en fonction de moi et de notre rythme. Si on est bien informée, ça joue beaucoup : on sait comment faire pour ne pas perdre le rythme."
Informations, conseils et soutien
"Mais dans mon entourage et de ce que j’ai entendu, dans l’ensemble, les femmes arrêtent quand elles reprennent le travail. C’est stressant pour beaucoup de faire les deux. Je pense qu’il faut être à l’écoute de son enfant, faire un allaitement à la demande à la maison, et au bureau, il faut simplifier au maximum, juste pour stimuler et avoir du lait. Moi, j'arrivais à faire 20 min de tirage par journée de travail, ça me faisait une pause. Finalement, ce n'est pas beaucoup dans une journée."
Vanessa s'est beaucoup informée aussi sur l'allaitement. Elle est allée aux réunions mensuelles de la leache league (LLL). Et sa sage-femme est diplômée en allaitement IBCLC : "c'est un diplôme qui coûte cher et qu'il faut renouveler sans cesse, mais c’est le nec plus ultra de l’allaitement. Ma sage-femme m’a beaucoup aidée et elle m'a donné énormément d’informations."
"Forcément, pour les deux plus petites, j'étais plus cool, donc c'était encore plus facile. Ça aide aussi de s'entourer de personnes qui ont allaité. Souvent, ce sont les mauvais conseils qui font qu'on arrête même quand on veut continuer."
"Pour moi, le plus important finalement, ce sont les personnes-relais : tous les proches qui aident à leur manière. Quand on accueille un bébé, le plus important, c'est le village autour : à nous de le créer avec nos personnes-ressources et nos amis."
Quand on accueille un bébé, le plus important, c'est le village autour : à nous de le créer.
Vanessa, maman qui a allaité ses trois enfants
"Quand Agathe est née, elle était prématurée, j'ai continué d'allaiter Lily. J'étais très fatiguée, et une amie m'a apporté des repas à congeler : ça m'a sauvé. C'était ça de moins à faire, comme c'étaient des grands plats, ça nous a fait la semaine, c'était tellement appréciable !"
"Du coup, pour l'arrivée de la troisième, j'ai dis qu'on ne voulait aucun cadeau, et qu'on ne souhaitait que des plats. Mes tantes, mes amies, ma belle-mèret ont joué le jeu : elles passaient nous voir régulièrement avec des plats à congeler, c'est le meilleur cadeau de naissance à faire."
Selon la législation, une femme peut allaiter son enfant 1h par jour sur son temps de travail et jusqu’au premier anniversaire de l'enfant, répartie en deux pauses de 30 minutes. À partir de 100 salariés, un local d’allaitement doit être mis à la disposition des salariées.