Ce lundi 15 mai 2023 s'ouvre le procès en appel de l'immense affaire Helvet Immo, ces prêts toxiques que la BNP Paribas a vendu à des milliers de Français entre 2008 et 2009. Treize ans après, la banque demande encore des sommes supérieures au montant emprunté.
Léonard Pizzato fait partie des plus de 4.000 Français et Françaises qui ont souscrit un prêt dit "Helvet Immo", proposé par la BNP Paribas entre 2008 et 2009. Un prêt considéré comme toxique et pour lequel la banque a été condamnée en 2020. Le procès en appel s'ouvre ce lundi 15 mai 2023.
Cet habitant d'Obernai, dans le Bas-Rhin, avait emprunté 220.000 euros en décembre 2008. "Depuis que j'ai souscrit ce prêt, je leur verse chaque mois 1.424,68 euros. Je n'ose même pas calculer combien ça fait au total", souffle-t-il. Après une petite multiplication, la calculatrice affiche 222.250 euros, soit plus que le montant emprunté au départ.
Son prêt devrait être donc totalement remboursé. Mais non. Treize ans plus tard, la BNP Paribas demande encore 229.000 euros à Léonard Pizzato. Les prêts Helvet Immo étaient à l'époque alignés sur le franc suisse, une monnaie stable par rapport à l'euro en 2008. Sauf que la crise financière est passée par là et l'euro s'est fortement dévalué par rapport à la monnaie helvétique. Résultat, les clients doivent rembourser le double de ce qu'ils avaient emprunté.
On ne nous a pas prévenus du potentiel risque.
Léonard Pizzato
"C'est un conseiller en patrimoine qui m'a vendu ce prêt. Avec ma femme, il nous l'a vendu comme un taux fixe. Le projet était sympa, je comptais utiliser cet argent pour louer une résidence secondaire dans le Vaucluse. Mais on ne nous a pas prévenus du potentiel risque, comme la banque doit le faire au moment de proposer un prêt", continue Léonard Pizzato.
Des centaines de clients lésés
Dans les mois qui suivent, le taux de change s'envole au profit du franc suisse. "Je ne suis pas féru en économie. Mais quand en 2010, je vois qu'on me demande de rembourser une somme supérieure à ce que j'ai emprunté, je comprends vite qu'il y a quelque chose qui cloche."
L'agent d'accueil du lycée agricole d'Obernai se renseigne et contacte le conseiller en patrimoine pour lui signaler l'anomalie. "Il me dit qu'il ne comprend pas, ou alors fait mine de ne pas comprendre. Je me rapproche ensuite de Charles Constantin-Vallet, un avocat parisien." Et il ne sera pas le seul. Le docteur en droit reçoit des centaines de cas similaires.
La BNP coupable en première instance
S'ouvre alors l'immense volet judiciaire de la désormais « affaire Helvet Immo ». En 2013 s'ouvre une information judiciaire qui aboutit à la mise en examen deux ans plus tard de BNP Personal Finance, la filiale de la banque qui a vendu ces prêts. Puis en 2020, victoire : la filiale est reconnue coupable de « pratique commerciale trompeuse ».
Léonard Pizzato s'était rendu à Paris pour témoigner devant le tribunal correctionnel. "L'argument de la BNP, c'était que nous, les clients, étions parfaitement au courant des risques que nous encourions en souscrivant au prêt. Mais si on nous avait dit à l'époque qu'il s'agissait d'un taux variable exponentiel, jamais on ne l'aurait pris !"
Le contrat, je l'ai lu. Mais je ne l'ai pas compris.
Léonard Pizzato
Pendant le procès, plus de 2.000 emprunteurs s'étaient constitués partie civile, ainsi que plusieurs associations de consommateurs. "Se sentir entouré, de savoir qu'on n'était pas les seuls, ça nous a fait du bien. Parce que pendant longtemps, c'était une vraie souffrance ! Il fallait que chaque mois, je lâche ces 1.400 euros. J'arrivais presque à m'en sortir avec les 700 euros de loyer que je touchais, et autant de ma poche. Mais les mois où il n'y avait pas de locataire, c'était juste horrible", se souvient l'homme de 59 ans.
"Je me suis senti bête ! C'est ce que j'ai dit à la juge lors du procès : le contrat, je l'ai lu. Mais je ne l'ai pas compris. J'ai juste fait confiance. Une fois signé, c'était trop tard. Donc pendant des mois, il y a eu des pleurs, on a même failli divorcer à cause de cette histoire. Se dire qu'on ne peut sûrement pas payer d'études, ça vous mine", se remémore Léonard Pizzato alors les larmes lui montent aux yeux.
Je ne vois pas avec quels nouveaux arguments la banque va venir.
Léonard Pizzato
Après le jugement, la BNP fait appel de la décision. Les clients devront encore patienter pour retrouver leur argent. "Ils jouent la montre, ils utilisent tous les moyens pour nous épuiser ! Mais moi, je respire encore. Le combat m'a permis de tenir. On est toujours debout sur le ring", continue l'Alsacien, déterminé. Depuis le procès de 2020, la justice européenne a d'ailleurs reconnu que le contrat comportait des « clauses abusives ». Une nouvelle victoire.
Léonard Pizzato se dit confiant et pense enfin voir le bout du tunnel, plus de 13 ans après le début de ce feuilleton. "Ce que j'attends de ce procès en appel, c'est que la décision de 2020 soit confirmée. Vraiment, je ne vois pas avec quels nouveaux arguments la banque va venir. Je suis très confiant envers la justice et mes avocats."
"La lumière arrive. C'est fini pour eux ! Je sens que tout va bientôt s'arrêter et que l'avenir est radieux. Vraiment, je suis serein parce que la vérité vaincra !" Le procès doit durer trois semaines. La décision est attendue le mercredi 7 juin 2023.