Le bateau de ravitaillement de force Jacques Stosskopf a été mis à l'eau à Saint-Nazaire, le 13 septembre 2024. Il porte le nom d'un grand résistant alsacien qui fut également chef des constructions neuves de l'arsenal de Lorient entre 1939 et 1945. Un moment particulièrement émouvant pour son petit-fils, qui porte le même nom que son grand-père.
Le 13 septembre 2024, à Saint-Nazaire, en Loire Atlantique : le bâtiment de ravitaillement de force (BRF) de la marine nationale, baptisé Jacques Stosskopf a été officiellement mis à flot. Un nom en hommage à celui qui fut chef des constructions neuves de l'arsenal de Lorient de 1939 à 1944, mais aussi un grand résistant d'origine alsacienne.
Son petit-fils porte le même nom que son grand-père. Mais il ne l'a jamais connu, puisqu'il est né seize ans après sa mort. "J'étais là le 13 septembre, ça a été un moment bouleversant. Je suis l'aîné de ses petits-enfants et je m'appelle comme lui. J'étais très ému. Le Jacques Stosskopf est un beau et grand bateau qui pèse 31 000 tonnes. Un navire très imposant. C'est un beau geste de reconnaissance de la marine nationale envers mon grand-père."
Une reconnaissance qui vient se poser sur une histoire de famille douloureuse. "Mon père n'avait que 12 ans lorsqu'il a perdu son père, poursuit Jacques Stosskopf. Cette absence l'a brisé. Il n'y a pas longtemps, j'ai retrouvé, dans la maison familiale, un violon. J'ai demandé à mon père à qui il appartenait. À son père, m'a-t-il répondu, de façon très laconique. Mais il n'en avait jamais parlé car ils jouaient du violon ensemble, et lorsque son père est mort, il a tout arrêté, il n'y a plus jamais retouché." Mort le 19 août 2024, il n'a malheureusement pas pu assister à la mise à flot du navire qui porte le nom de son père décédé.
Samedi 31 août 2024, le centre européen du résistant déporté a commémoré sur le site du Struthof l'assassinat par les Nazis de 107 résistants dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944. Parmi eux: Jacques Stosskopf. Pendant cinq ans, de 1939 à 1944, tout en étant ingénieur à l'arsenal de Lorient, il a renseigné la Résistance. "Mon père me disait toujours : et nous à sa place, qu'aurions-nous fait ? poursuit Jacques Stosskopf. Je me pose souvent la question. Ce don de soi, à la patrie, mon grand-père l'a payé de sa vie. Ce navire, c'est quelque chose qui nous projette enfin vers l'avenir après ce terrible décès qui a marqué toute la famille."
Récupérer des informations auprès des Allemands
Le commandant du nouveau navire, le capitaine de frégate Sébastien Fajon, est venu au Struthof à l'occasion de cette commémoration. "Jacques Stosskopf était Alsacien et parlait allemand, raconte-t-il. Donc ça lui a permis de récupérer, en tant que chef des constructions neuves de l'arsenal, des informations auprès des Allemands et de les redonner au réseau Alliance. Il a notamment pu collecter des informations importantes sur la construction des U-Boot, des sous-marins allemands, leurs emplacements et leurs sorties."
Deux des enfants de Jacques Stosskopf poursuivent aujourd'hui la voie que leur a ouverte leur grand-père : Benoît est enseigne de vaisseau à l'école navale en deuxième année, à Brest. Mathieu est ingénieur à la direction générale de l'armement. "Dans la famille, on a le sens de l'Etat chevillé au corps."
Le Jacques Stosskopf, deuxième des quatre nouveaux bâtiments ravitailleurs de forces, poursuit donc sa route. Son achèvement se poursuit désormais à flot en vue de ses premiers essais en mer au printemps prochain puis de sa livraison à l'été 2025. Le Jacques Stosskopf est le premier jumeau du Jacques Chevallier, livré par les Chantiers de l'Atlantique et Naval Group en juillet 2023.