VIDEO. Réchauffement climatique : il invente l'héliodome, une maison révolutionnaire qui suit les trajectoires du soleil

Ébéniste devenu designer, fasciné par la géométrie de la nature. Eric Wasser a imaginé et réalisé une maison durable qui épouse les trajectoires du soleil : l'héliodome. Une initiative écologique qui pourrait être une des réponses au réchauffement climatique (première publication en juin 2020).

Fils d’agriculteurs, né à Cosswiller dans le Bas-Rhin, à une trentaine de kilomètres de Strasbourg, Eric Wasser est resté ancré dans la nature. Ébéniste de formation, il bascule très vite dans le design de mobilier. Et se découvre une passion pour l’architecture.

A l’âge de 20 ans, une idée originale naît dans son esprit: "J’ai eu l’idée de concevoir un bâtiment avec les trajectoires du soleil. J’avais envie de trouver un accord architectural avec la nature, construire quelque chose de juste, qui a inspiré toutes les civilisations. Je me suis demandé pourquoi nous ne pourrions pas trouver une réponse à tous nos besoins, nos besoins thermiques, acoustiques et lumineux."

Dans  un livre sur les cadrans solaires, il découvre et étudie les trajectoires mathématiques du soleil, avec une amie professeure de maths. En 1992, il sculpte la forme de sa maison du futur. En 2000, il dépose son brevet. Sa première maquette a du succès. En 2003, il remporte le premier prix du concours Lépine.

Entièrement vêtu de noir, chevelure et barbe grise, derrière ses lunettes ovales, quand il parle de la maison de ses rêves, Eric a le regard illuminé et convaincu.

Né de son incroyable imagination, l’heliodome (étymologiquement "maison solaire"), émerge dans son jardin il y a une dizaine d’années. "On l’a construit nous-mêmes, en un an, avec l’aide et la complicité de ma fille maçonne et compagnon du devoir, de mon fils et d’un ami charpentier."

Entre mon idée abstraite de départ et la réalisation de la forme, il m'a fallu 20 ans.

Eric Wasser

L’héliodome a un volume de 200 mètres carrés sur 3 étages et 10 mètres de hauteur globale, qui semble se fondre dans le paysage rural.

Vu de l’extérieur, l’héliodome ressemble à un coquillage de bois et de verre. Un volume dont les grandes baies vitrées sont toutes inclinées. Pour façonner la géométrie de son habitation, Eric Wasser a pris le soleil comme architecte.

Les trajectoires du soleil donnent l’architecture. Je les ai suivies pour dessiner les lignes de l’héliodome.

Eric Wasser

"J’ai calculé les inclinaisons des parois et les surfaces des baies vitrées pour qu’en hiver, le vitrage soit complètement ensoleillé du premier au dernier rayon de soleil, lorsqu’ils sont au plus bas. Et inversement, en été, la maison, dont la façade est exposée plein sud, est protégée des rayons lorsque le soleil est au plus haut dans le ciel. Donc, on est à l’ombre et on reste au frais quand il fait chaud dehors."


Le bâtiment est composé de montants en bois, mais aussi de béton : une alliance très stratégique, selon l’inventeur de cette maison solaire. "Le bois est un matériau simple à travailler qui fait partie de notre entourage. Je suis complètement entouré de forêts. Les bois qu’on a utilisés, du sapin essentiellement, viennent d’une scierie qui est à 10 kilomètres d’ici."

"Mais le bois n’a pas assez d’inertie thermique. La pierre, elle, apporte de l’inertie. L’ensoleillement durant l’hiver va réchauffer les dalles, qui absorbent la chaleur et la restituent. Elles nous permettent de gagner de la température pour les jours sans soleil. Et en été, comme le soleil ne rentre pas, la pierre qui par elle-même est fraîche, va garantir la fraîcheur gratuite du bâtiment."

"Aujourd’hui, 
explique Eric, il fait moche dehors, il fait frais dehors. Mais hier et avant-hier on a eu du soleil. Comme le soleil avait pénétré à travers les vitrages, ce bâtiment garde la chaleur pendant 3 ou 4 jours. Et si le soleil brille à nouveau un peu, on passera les prochains jours sans le moindre besoin de chauffage supplémentaire."

L’hiver, explique  Eric Wasser, "comme l’ensoleillement de l’héliodome est optimisé, on couvre à peu près 70 à 80 % des besoins thermiques du bâtiment." Cette  estimation est confirmée, selon l’inventeur, par une étude d’experts allemands. Idem au printemps et en automne.

Pour un bâtiment de 200 mètres carrés, Eric et sa femme Caty consomment seulement 2 à 3 stères (mètres cubes) de bois par hiver. "Et l'héliodome affiche des températures allant de 19 à 22 degrés."

Quand il fait un peu frais l'hiver, Eric fait des flambées dans sa cheminée. Il a installé des panneaux solaires thermiques, seulement pour l’eau chaude. "Quand j’ai construit cette maison, je voulais qu’elle puisse tenir un siècle, voire des siècles. Une technologie comme celle des panneaux solaires a une durée de vie de vingt ou trente ans. Et il faut être très riche pour vivre avec des technologies. Et ce n’est jamais un acquis. Alors qu'une une maison, quand on la construit, si elle est bien faite, c’est un acquis."  

Je n’ai jamais cherché l’autonomie complète. J’ai simplement cherché à voir comment m’accorder à la nature, et prendre ce que la nature veut m’offrir.

Eric Wasser

Eric aurait rêvé de monter une éolienne, mais ici, à Cosswiller, le vent est quasiment toujours absent.

Eric vit avec sa femme Caty. Artisane verrière, elle utilise aussi l'héliodome comme galerie. Cette maison solaire lui apporte un confort extraordinaire : "En hiver, on se sent au Maroc sur une plage, on se sent pénétré par cette chaleur solaire."

Eric nous confie qu’il vit dehors et dedans en même temps : "On profite de cette relation entre l’intérieur et l’extérieur, avec ce rythme du temps et des moments différents, selon les saisons."  

Six maisons réalisées en dix ans

Eric Wasser s’efforce de commercialiser son invention. Mais difficile de percer dans un marché de l’immobilier très concurrentiel. Le coût d’un héliodome atteint environ 2.500 euros le mètre carré. Alors qu'en moyenne, le coût d’une maison classique se situe entre 1.500 et 2.000 euros le mètre carré.

En dix ans, il a réalisé seulement six maisons entre l’Alsace, la Suisse et l’Allemagne. "Pour l’instant, cela reste très difficile d’en vivre, avoue le pionnier, car  je me retrouve un peu seul et porter des projets c’est long. Je passe des semaines à faire de la recherche et développement, chaque chantier est unique, je ne me fais pas payer. Cela coûterait trop cher à l’acheteur."
 
Mais pour lui, l’héliodome, c’est la maison de demain : "On peut accorder les trajectoires du soleil à tous types de bâtiments, du plus petit au plus grand. Et aucun héliodome ne se ressemble. Tous sont différents selon leur exposition, et leur environnement. Il faut juste avoir une exposition au soleil en hiver. Sur des versants nord qui n’ont pas de soleil en hiver, cela n’a aucun intérêt."


Actuellement Eric Wasser fait construire un mini héliodome. Chaque chantier est un parcours du combattant. Il faut trouver un charpentier compétent et partant pour réaliser une œuvre unique, avec aucun angle droit, et quasiment aucune vis. Didier Kautsmann, charpentier à Bischwiller, s’est lancé dans ce pari fou : "C’est deux mois de travail, et une opération blanche financièrement, mais je suis heureux de l’avoir fait… C’est beau." 

Bâti au sec, dans son hangar, ce futur gîte atterrira bientôt dans le jardin d’un propriétaire d’Oswald dans la banlieue de Strasbourg. Sa terrasse, double de la surface au sol, sera entièrement végétalisée. Coût de cette construction de 40 mètres carrés répartis sur deux étages: 100.000 euros.  

Une des réponses au réchauffement climatique?

Pour Eric Wasser, "il est temps qu’on remette la nature au centre de notre planète et l’architecture fait partie de ce chemin-là." L’inventeur estime que l’héliodome est une des réponses au réchauffement climatique.

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