Ardennes : 19 millions de dépenses supplémentaires pour le département, "l'Etat nous étrangle"

Le débat sur les orientations budgétaires a eu lieu vendredi 17 novembre dernier au Conseil départemental des Ardennes. Un vote dans une ambiance morose. Le budget, identique à celui de l'an passé, fait face à 19 millions de dépenses supplémentaires. De quoi donner le vertige aux élus ardennais de la majorité de droite mais aussi de l'opposition.

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Des mois qu'il alerte. Noël Bourgeois président du Conseil départemental des Ardennes depuis 2001 s'époumone pour tenter d'alerter le gouvernement face aux problèmes financiers rencontrés par les départements, dont le sien. 

Le 1er août 2022, il écrit à François Sauvadet, Président des Départements de France. "Après la succession de mesures et annonces gouvernementales de revalorisation de nombreux dispositifs sociaux, je souhaite vous alerter sur le risque budgétaire très grave auquel les Départements déjà en difficultés, comme le mien, se trouvent aujourd'hui exposés", écrit Noël Bourgeois.

Le 16 novembre 2022, il rencontre le Cabinet de Gabriel Attal alors Ministre délégué chargé des comptes publics. Le 6 décembre suivant, il voit, dans les Ardennes, le président Sauvadet, à qui il a écrit quelques semaines plus tôt. Le 21décembre 2022 toujours, Noël Bourgeois rencontre Gérard Larcher, président du Sénat. Et il continue l'année suivante. En février 2023, il a rendez-vous à la commission des finances du Sénat, puis en avril il rencontre le cabinet de la Première Ministre Elisabeth Borne.

Autant de démarches pour si peu, voire aucun résultat. Personne n'entend l'impossible mission du département des Ardennes. Et ce 17 novembre 2023, lors du débat autour des orientations budgétaires, le constat est amer : 19 millions de dépenses supplémentaires et obligatoires imposées par l'Etat, sont inscrites pour 2024. "Le budget ne va pas augmenter, explique Noël Bourgeois, président DVD du département des Ardennes. Il est ce qu’il est, avec les difficultés financières que l’ensemble des départements connaissent. Face à toutes ces mesures qui nous sont imposées, aujourd’hui c’est extrêmement compliqué d’équilibrer un budget". 

340 millions et pas un centime de plus

Dans les chiffres clés donnés par le Conseil départemental, l'impact des mesures supplémentaires prises par l'Etat sur le budget départemental ardennais s'établit ainsi : en 2022 +8,5 millions d'euros, en 2023 +16,3 millions et en 2024 +19 millions soit une augmentation des dépenses obligatoires, en trois ans, de 43,8 millions d'euros. Le budget du département ardennais, lui ne bouge pas, il stagne à 340 millions d'euros. "Ces 19 millions d’euros qui nous sont imposés par rapport aux mesures que l’Etat a pris de manière unilatérale, on les compense en faisant moins sur autres choses, tout simplement, dit encore Noël Bourgeois. Les dotations sont loin d’être à la hauteur. Les compensations également donc ces 19 millions d’euros, c’est au détriment d’autres actions que nous devrions mener. Ces économies, on ne peut pas les faire sur la politique sociale, donc, malheureusement, c’est au détriment de l’investissement. Ce sont nos routes, nos bâtiments départementaux, nos centres d’exploitations, ce sont les collèges. C’est l’ensemble des bâtiments, propriétés du Conseil Départemental qui connaîtront moins de travaux et de rénovations". 

Côté fonctionnement, le président du département des Ardennes explique qu'il est sensiblement à la même hauteur. "Nous n’avons pas de ressources supplémentaires".

On se pose la question : quid du département d’ici 2 à 3 ans.

Dominique Ruelle, conseillère départementale d'opposition sur le canton de Revin

Pour Dominique Ruelle, conseillère départementale du canton de Revin et porte-parole du groupe d’opposition de gauche, difficile de voir une issue favorable. "Il n’y a pas de solutions. Cela fait plusieurs années qu’on soulève le problème. Le département des Ardennes devient très difficile à gérer au niveau des finances. Et à partir de ce moment-là, il faut faire des choix. On a des choses obligatoires qu’il faut suivre, en particulier le social et on rééquilibre derrière. Concernant la diminution des investissements, on n’a pas beaucoup le choix non plus. Il faut les maintenir et on les dose en fonction de nos capacités. On est obligés d’emprunter systématiquement pour en avoir. Quand on a un fonds de roulement qui diminue et qui d’ici 2026 risque de disparaître, on se pose la question : quid du département d’ici 2 à 3 ans ? Il faut être réaliste. On ne peut pas être dans la posture : non non il faut faire. Ce n’est pas notre positionnement". Un groupe d'opposition qui ne votera pourtant pas le budget d'orientation, mais qui s'abstiendra. Car si les élus de gauche comprennent la situation, "avec les mêmes sommes, nous ne ferions pas toujours les mêmes choix, explique encore Dominique Ruelle.  Après sur les orientations qui sont faites là, elles ressemblent beaucoup à celles de l’année dernière avec des ajustements et des recentrages. Il n’y a rien de révolutionnaires sur ces orientations budgétaires. Nous, nous investirions davantage dans les collèges". 

Les hausses les plus importantes

Le conseil départemental des Ardennes a bien sûr chiffré très clairement les plus importantes augmentations. Et elles apparaissent, dès 2023, au niveau des salaires des salariés du médico-social. Le Ségur de la santé a permis une revalorisation des salaires, imputés au département. Pour exemple, l'impact du Ségur médico-social entre 2022 et 2023 équivaut à une augmentation de plus d'un million. Tout comme le Segur des personnels de la fonction publique territoriale et hospitalière entraîne une hausse budgétaire de 663 000 euros. La loi Taquet revalorise aussi les salaires des assistants familiaux, c'est près de 700 000 euros à trouver. Quant à la hausse de 4% du RSA, revenu de solidarité active, il double de budget et atteint 2,4 millions d'euros. Et pour 2024, la hausse continue.

Il faut qu’il y ait une réforme profonde de tout ce système de péréquations et de dotations parce que nous sommes financièrement étranglés par l’ensemble des dispositifs qui sont pris par l’Etat et qui nous sont imposés.

Noël Bougeois, président du conseil départemental des Ardennes

Réunis à Stransbourg pendant trois jours lors du congrès des élus des départements de France, les conseillers départementaux n'ont rien appris, ou presque, du discours de clôture de la Première Ministre, Elisabeth Borne.

Le gouvernement est-il vraiment sensible aux alertes des élus, comme à celles de Noël Bourgeois président du département des Ardennes ? "On se le demande, dit-il. En tout cas, il n’y a pas grand chose qui bouge. Les annonces faites par la Première Ministre sont loin d’être à la hauteur. 52 millions pour un fond de sauvegarde pour une quinzaine de départements c’est très nettement insuffisant. Ce qui a été annoncé pour les mineurs non accompagnés (MNA), 100 millions d’euros pour l’ensemble des départements, on est extrêmement loin du compte. Pour nous en 2023, les MNA c’est 3,3 millions d’euros, avec une dotation de l’Etat de 157 000 euros. Donc on voit bien que le compte n’y est pas et ce ne sont pas les annonces faites à Strasbourg par la Première Ministre qui vont venir arranger la situation. Nous n’avons plus aucune autonomie financière. On ne lève plus l’impôt. Nous sommes aujourd’hui sous dotations complètes de l’Etat. Ce qu’il faut c’est qu’il y ait une réforme profonde de tout ce système de péréquations et de dotations parce que nous sommes financièrement étranglés par l’ensemble des dispositifs qui sont pris par l’Etat et qui nous sont imposés". 

La mort des départements ?

Noël Bourgeois n'est plus le seul président à alerter. "Aujourd’hui c’est 40 ou 50 départements qui commencent à s’inquiéter fortement pour leur avenir, explique le président ardennais. Ils font comme nous. Il y a quelques années j’avais tiré la sonnette d’alarme sur la difficulté des départements. Je ne dis pas qu’on était les seuls mais presque". Aujourd'hui, c'est donc la moitié des élus des départements français qui se posent des questions. Quel est l'avenir réservé aux conseils départementaux ? Que souhaite le gouvernement en les étranglant financièrement d'année en année?

"Je pense que le vrai sujet aujourd’hui, c’est de savoir si l’Etat veut conserver l’échelon départemental, reprend Noël Bourgeois. Et quand on voit que le président de la République a lancé une étude, et a chargé Eric Woerth de la mettre en œuvre, sur le nombre de strates en France. On peut s’interroger et s’inquiéter de l’avenir des départements dans les situations que l’on connaît aujourd’hui, si on ne nous donne plus les moyens d’exister et d’assumer les grandes responsabilités qu’on nous confie". 

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