Ardennes : 88 mariages frauduleux, 6 personnes mises en examen "prêtes à tout pour vendre des mariages blancs"

Six personnes ont été mises en examen par un juge d'instruction de Charleville-Mézières (Ardennes) après le démantèlement d'un vaste réseau organisant des «mariages blancs». L'instigatrice de la filière s'occupait de tout pour une somme de 23.000 euros.

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Tous les mariages ne s’apparentent pas à des contes de fées, c’est une évidence. Certains sont même punis par la loi, à commencer par le mariage blanc ou "de complaisance". Visiblement, l'amour n'était pas la motivation principale de ces unions.

Dès le début de la conférence de presse menée par Laurent de Caigny, le procureur de Charleville-Mézières, on sent bien que l'affaire qui va être présentée ce vendredi 19 février 2021 n'a rien d'habituelle. "Ce n'est pas notre quotidien, ce n'est pas le type de délinquance que l'on traite dans notre ressort", ajoute le procureur accompagné du colonel Laurent Le Coq, chef du groupement de gendarmerie départementale des Ardennes et du chef de la section de recherches de Reims. 

C'est un véritable système qui vient d'être mis au jour, "une proportion hors-norme qui a une résonnance dans toute la France". Ce sont 88 unions suspectes qui sont mentionnées dans ce dossier aux mariages frauduleux. Parmi eux, 22 se trouvent dans les Ardennes, le reste dans toute la France, essentiellement en région parisienne et dans la Marne. Mais les 6 personnes mises en examen sont soupçonnées d'avoir empoché un peu plus de 2 millions d'euros grâce à l'organisation de 150 unions illégales environ entre 2016 et 2021. 

"C'était une véritable petite entreprise depuis au moins 10 ans"

"Les officiers d'état civil n'avaient aucun moyen de détecter les fraudes. Ils célébraient les mariages en toute bonne foi", explique Laurent de Caigny, le procureur de Charleville-Mézières. "Car c'était une mécanique fort bien huilée" : faux-papiers, faux-témoins, fausses domiciliations, et même faux-conjoints si cela était nécessaire. Des robes de mariées étaient même proposées. 

Les mariages étaient livrés clés en main. Le tout pour en moyenne 23.000 euros. "Tout avait l'air vrai, c'était un véritable petit manège et cela aurait pu durer encore très longtemps. Le but, c'était de tout dissimuler. Un service vu de l'extérieur qui rendait la fraude indétectable", explique Laurent de Caigny, le procureur de Charleville-Mézières. D'ailleurs, cela durait depuis peut-être une vingtaine d'années. 

Sur les 23.000 euros facturés au ressortissant étranger, l'organisatrice empochait 13.000 euros et le faux époux français 8.000. A cela s'ajoutait le coût des faux documents à fournir, livrés en kits, pour prouver la prétendue communauté de vie, comme des fausses factures de téléphone.

En bande organisée

En fait, c'est Maria qui est à la manoeuvre. "Elle organise tout, elle se prend au jeu et au fil des années, la fraude prend une ampleur insoupçonnée". Elle habite au sud de Charleville-Mézières, dans une commune de l'agglomération. Ses deux enfants l'aident régulièrement. L'un d'eux devient même faussaire. Et quand Maria doit purger une peine de prison pour une autre affaire, une de ses amies la remplace sans la moindre hésitation. "Elle sait parfaitement ce qu'elle doit faire. Elle fait partie du système. C'est vraiment la cheville ouvrière", ajoute le procureur. En tout, 6 personnes sont mises en examen : organisation frauduleuse en bande organisée, aide au séjour irrégulier en bande organisée, usage de faux, falsification de papiers ... "Cette affaire représente une atteinte grave à l'autorité de l'Etat, une forme de remise en cause de notre logique républicaine. Il en va même de notre équilibre social", affirme le magistrat. 

 

Ces mariages blancs visaient à l'obtention de titres de séjour, à bénéficier d'une protection contre une mesure d'éloignement ou tout simplement à acquérir la nationalité française.

Laurent de Cagny, procureur de Charleville

 

Le fruit d'une longue enquête

Après plusieurs mois d'enquête, "presque un an", les interpellations ont eu lieu le 16 février 2021. Elle a nécessité la présence de 30 enquêteurs. "C'est une opération pensée au millimètre", détaille Laurent de Cagny, "une méthodologie de haut vol menée sous l'autorité de la juge d'instruction. Les perquisitions se sont produites simultanément. Rien n'était laissé au hasard, car c'est une infraction économique, financière et de dignité humaine." La principale protagoniste est en détention provisoire. 

L'enquête n'est pour autant pas terminée. Elle va prendre encore de longs mois. Le volet financier doit être éclairci, seul 13.000 euros ont été retrouvés lors de la perquisition. Il s'agit aussi de mettre un nom sur toutes celles et tous ceux qui ont bénéficié de ces mariages blancs. "Et il faut que les mariages soient annulés", conclut le procureur. Les différentes préfectures concernées ont été informées pour qu'elles puissent lancer des procédures d'annulations des unions.

 

 

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