Le petit village d'Autruche dans les Ardennes porte bien son nom : depuis plus de 23 ans, Claude Lambert y élève des émeus, des autruches et des nandous, mais il souhaite désormais passer la main. Il cherche un nouveau papa pour ses protégés.
Sur la carte routière du département des Ardennes, le nom d'un village attire souvent l'attention au premier regard : il s'agit d'Autruche, 73 habitants, à proximité de Vouziers. Dès qu'on dépasse le panneau d'entrée de ce petit hameau bien singulier, on se met, instinctivement, à chercher à l'horizon d'éventuels grands cous et de petites têtes qui dépasseraient d'un grillage.
Il y aurait donc des autruches à Autruche, une information bien connue des Ardennais depuis 23 ans. C'est Claude Lambert, un passionné d'élevage devenu maire d'Autruche en 1989 qui eut l'idée de surfer sur l’originalité du nom de son village. Mais faire venir des animaux originaires d'Afrique et d'Australie dans ce petit coin de France n'a pas été facile. Ce fut un long voyage dans les méandres de l'administration, des autorisations et des contraintes sanitaires, avec au passage quelques milliers d'euros d'investissement personnel.
Sortir la tête du sable
Se rendre à Autruche, c'est déjà une aventure à travers l'Argonne ardennaise. Les 50 kilomètres au départ de Charleville-Mézières en font un lieu qui se mérite et oblige le visiteur à sortir des grands axes routiers.
Claude Lambert l'avait très vite compris en 1989 quand il regardait son village de la colline d'en face : il fallait attirer les curieux et faire connaître le village.
En cette mi-février 2022 encore glacée et enveloppée des brouillards humides de la fin de l'hiver, le maire nous reçoit dans ses écuries et fait le point sur cette belle idée.
"Au départ, maire de la commune en 1989, j'ai souhaité créer une activité qui fasse venir le visiteur à Autruche. Ici, on n'est pas sur un axe de communication, il faut y venir spécialement. Il fallait trouver une idée originale qui fasse venir les touristes. Moi, j'étais passionné d'élevage, alors pourquoi ne pas élever des autruches. Ensuite, il a fallu tout un processus pour arriver à ce projet et obtenir mon certificat de capacité."
En tout, 10 années de démarches ont été nécessaires pour réussir en 1999 à faire venir ici, à Autruche, des autruches. Depuis, nous avons des centaines de visiteurs par an.
Claude Lambert, maire et éleveur de ratites dans le village d'Autruche
L'éleveur poursuit son constat, le bonheur dans le regard. "L'objectif était de faire découvrir le village, d'y développer des activités avec les particuliers, les groupes, les associations de passage. Je pense avoir réussi, le village est connu désormais. On a intégré un petit peu le tourisme du secteur, c'est très bénéfique pour Autruche, mon investissement est récompensé."
Sur Facebook, on peut suivre le quotidien des animaux : Les autruches d' AUTRUCHE.
Dans ses différents enclos verdoyants séparant les trois espèces de ratites, Claude est toujours aussi motivé pour soigner ses pensionnaires. À ce jour, il lui reste un couple d'autruches africaines, un couple d'émeus d'Australie et trois nandous d’Amérique du Sud, un mâle et deux femelles.
Ce matin, équipé de ses bottes et d'un chapeau à l'Indiana Jones, Claude fait la tournée des mangeoires et discute avec Zoom, l'émeu dominant.
Depuis quelques mois, une grande allée ouverte au public longe tout l'élevage et invite le public à venir au plus près des grands oiseaux. C'est là tout le bonheur de Claude, 70 ans, mais une seconde retraite s'impose désormais dans cette belle aventure avec ses autruches : il veut trouver un repreneur, un passionné comme lui.
Qui veut mes Bip Bip ?
À l'image de Bip Bip la célèbre autruche des dessins animés de Chuck Jones en 1948, la course est lancée pour un futur changement de propriétaire. D'autant plus que ces grandes dames de 50 à 150 kg ont bon appétit. Tous les jours, ce sont pas moins de 30 kg de nourriture qui sont avalés pour le groupe.
Devant l'enclos des autruches, Claude détaille son travail au quotidien et tous les soins de confort qu'il faut apporter aux animaux. "La nourriture, c'est le poste le plus important. Je prépare la nourriture moi-même, donc ça revient moins cher, mais c'est tout de même une dizaine d'euros par jour. Quand on voit l'évolution des cours du céréale et aucun retour sur investissement, c'est un poste budgétaire qui peut effrayer un repreneur, sans compter l'entretien au quotidien des animaux."
Quand on lui demande quel avenir il voit pour son élevage, le bilan est sans appel : Claude Lambert est à la recherche d'un successeur, mais l'offre n'est peut-être pas si attractive que cela aux regards des retombées.
Il confirme son analyse avec de l'émotion dans la voix. " L'enjeu, c'est que ça fait 23 ans que l'élevage existe, mon souhait, c'est d'envisager d'arrêter un moment ou un autre. La difficulté, c'est de trouver quelqu'un qui reprenne l'activité. Un élevage qui ne fait pas de reproduction, qui n'a pas de but lucratif ou commercial, qui coûte de l'argent, mais qui n'en rapporte pas, sauf la vente de quelques œufs durant l'année, ce n'est pas une activité très prometteuse pour quelqu'un qui voudrait se lancer dans les affaires.
Pour l'instant, je n'ai pas de date fixée, pas de délai, mais je prendrai la décision d'arrêter si je n'ai pas de repreneur. Je pense aussi à l'avenir de mes bêtes."
Du neuf avec des œufs
La vente d’œufs de ses ratites constitue pour l'éleveur sa seule source de revenus. Pour un œuf d'autruche plein (environ 1,5 kg à 1,9 kg) destiné à la consommation, il faut compter 20 euros. Le même, vide pour la décoration, ne coûte que 14 euros. L’œuf de nandou, plus petit, est vendu 10 euros plein et 5 euros vide.
Claude garde bon espoir et veille avec bienveillance sur ses autruches. L'espérance de vie de celles-ci peut atteindre 25 ans. Il n'attendra pas indéfiniment la relève, mais, pour l'instant, les visites vont pouvoir reprendre des vacances de printemps à la Toussaint, tous les jours de 8h30 à 19h. Pour avoir le privilège de profiter d'une visite commentée, il faut prendre rendez-vous sur sa page Facebook.