Après deux ans d'ouverture, leur salle de spectacle placée en liquidation judiciaire : "on se retrouve à la rue"

Ouverte en 2022 dans un village de l'Aube, une salle de spectacle, l'Usine de Bernon, a été placée le 4 juin en liquidation judiciaire. Les gérants avaient investi toutes leurs économies dans ce projet. Ils se retrouvent à la rue, mais veulent garder espoir.

La voix est triste, les larmes ne sont pas loin, mais l'espoir reste présent, malgré le gros coup au moral. La liquidation judiciaire de la salle de spectacle du petit village de Bernon dans l'Aube, l'Usine, a été prononcée le 4 juin par le tribunal de commerce. Rideau sur l'établissement situé en zone rurale entre l'Aube et l'Yonne, ouverte en 2022. Sur leur page Facebook, les gérants ont écrit "merci", en guise d'adieu aux habitués. 

"On est passé au tribunal mardi, confirme Victor-Emmanuel Valère, qui avait ouvert la salle de spectacle avec sa femme. La période d'observation n'a pas été reconduite. La mandataire et le juge étaient pour, le procureur et le président étaient contre. On perd tout. C'est beaucoup d'argent et de travail, des sacrifices dans tous les sens, des politiques qui n'ont pas suivi. On n'a pas été aidé. Cela faisait quelques semaines, qu'on nous appelait pour savoir la suite de l'histoire. Il y avait de l'activité, il aurait fallu investir"

Le cœur lourd, le passionné de spectacle vivant raconte la longue descente aux enfers. "La banque nous prêtait 300 000 euros au départ du projet, et une fois les travaux commencés, elle ne nous prêtait plus. Ils ont eu peur de la sortie du covid, et de la ruralité. Pour les indépendants, c'est compliqué. Il y a eu un enchainement de mauvais sort, notre associé s'est séparé pendant les travaux. Il a rejoint quelqu'un ailleurs, il est parti. Le lieu était beau...".

Ce lieu, une ancienne usine d'électronique rénovée par la communauté de communes, propriétaire des lieux avait subi une totale cure de jouvence. Aujourd'hui, l'heure n'est plus aux paillettes et à la musique. "On démonte. C'est désastreux. On avait refait des travaux, pour une remise aux normes ERP (pour recevoir du public), on a fait neuf mois de travaux. Et on avait notre public, on a signé avec une grosse société récemment, pour 13 000 euros, ça prenait". 

Le couple dormait sur place

Amer, le seul salarié de l'établissement est abattu. "On ne prenait plus d'acompte, mais pour ceux qui ont des cartes-cadeaux, la mandataire va s'en charger, avec la vente des biens. On espère une solution, on a rendez-vous ce vendredi 7 juin avec la mandataire". La trésorerie n'étant plus à la hauteur, l'avenir était compromis depuis quelque temps. Des difficultés à régler le loyer ont envenimé la situation. 

La situation était telle que le couple porteur du projet avait élu domicile dans la salle de spectacle depuis un an. "On dormait sur place, car on avait mis tout notre argent dedans, on ne pouvait pas se payer un loyer. Dans quelques jours, on sera à la rue. On a des amis, mais on ne sait rien sur la suite. On a tout fait, pendant deux ans, on a remué ciel et terre et finalement rien, les députés, n'ont jamais répondu. Ils sont capables d'aider pourtant... On ne rentrait pas dans les cases. Le maire n'est jamais venu. On était le seul commerce du secteur". 

En début de semaine encore, l'heure était à l'espoir. "Une fabrique d'émotion", qui se transforme en mauvais rêve. La fête de la musique du 21 juin devait être un moment fort. Il n'en sera rien. 

Il ne cache pas une situation financière difficile. "On n'en vivait pas encore, on se versait un petit salaire, ma femme et son associé ne se versaient rien du tout. Mais avec la progression qu'on avait, on aurait pu en vivre, déplore Victor-Emmanuel Valere. C'est un lieu culturel qui meurt dans le monde rural, il faisait plaisir aux Aubois et aux gens de l'Yonne, avec les soirées années 80, la soirée Ricard de fin juillet était complète". Un crève-cœur. 

"On est dégoûté"

Ce mercredi 5 juin, le couple tente de faire le point. "On reprend le matériel qui nous appartient, la salle restera vide. Peut-être qu'un repreneur reviendra, on avait ouvert en mai 2022. On n'a pas eu de chance. Nos difficultés étaient souvent évoquées dans la presse, et lors du redressement. Cela ne nous a pas aidé". 

Victor-Emmanuel a travaillé 15 ans dans l'événementiel, il en connaît les difficultés. Sa femme était danseuse dans une autre vie. "On est dégoûté. Nos réservations ont plongé avec cette spirale". Pourtant, selon lui, la jauge de 199 personnes était fréquemment pleine. "On estime avoir perdu au minimum 300 000 euros dans l'histoire. Ma femme a eu deux héritages pendant la covid, ils sont passés dedans. On va voir ce qu'on nous dit. On attend des réponses, mais elles ne sont pas arrivées à temps. On allait attaquer la saison septembre janvier qui s'annonçait bonne. On a même reçu la plaquette ce matin"

Seul l'espoir le fait vivre désormais. "Le concept de cette usine va renaître très vite. On ne lâchera pas l'affaire. On a adoré faire passer des bons moments aux gens. Un médecin qui connaissait la salle, nous a dit qu'il pourrait même prescrire notre spectacle comme antidépresseur ! On a des appels de clients déçus en nombre". Les commentaires postés sous l'annonce de fermeture évoquent la tristesse. "Vous pouvez être fiers de ce que vous avez fait pendant deux ans. Je pense très fort à vous tous et à bientôt". 

Les passionnés n'ont peut-être pas dit leur dernier, mot. Ils veulent croire à un entracte, pas à un épilogue.

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