"Couvreur-zingueur, c'est un métier délicat, on n'est pas des bourrins", la filière peine à recruter

La couverture-zinguerie est l'une des professions pour laquelle les candidats sont les plus rares, selon Pôle emploi. Près de 15 % des salariés du secteur ont moins de 25 ans, comme Valentin Gounet. Il apprend son métier depuis trois ans, à travers un tour de France des entreprises, avec les Compagnons du devoir. Depuis avril, il est formé dans l'Aube. Reportage.

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"L'air est toujours plus frais en haut. T'es content de monter, tu respires. Il y a un petit vent frais qui arrive sur ton visage. Clairement, c'est une sensation de liberté." Valentin Gounet, 20 ans, couvreur-zingueur, résume avec amour son métier. Perché à une dizaine de mètres au-dessus du sol, il rénove la lucarne d'un toit d'une ancienne ferme, un matin ensoleillé, à Meurville, un village près de Bar-sur-Aube. "Les gens voient très souvent notre travail comme un gros métier de bourrin, alors que pas du tout. Ça reste un boulot dans lequel il faut être précis et délicat", explique le jeune homme, alors qu'il scelle avec du ciment une tuile locale faite main.

Trois ans de tour de France

Depuis cinq ans, il est en formation avec l'association ouvrière des Compagnons du devoir et du tour de France, qui apprend entre autres les métiers du bâtiment en alternance. A la suite de deux ans d'apprentissage à Toulouse et le passage du concours du meilleur apprenti de France, l'aspirant compagnon réalise un tour de France des entreprises depuis trois ans. Il est dans l'Aube depuis le printemps 2022. Avant, il est passé par les Pays de la Loire, la Suisse, et la Lorraine.

Valentin Gounet se souvient de la première fois qu'il est monté sur un toit, lors d'un chantier dans le centre-ville de la Ville rose, à 15 ans, à 15-20 mètres de hauteur. "Mon patron m'a dit : "Tu prends le perfo et tu montes !" J'étais là et je montais les marches, je passais les trappes, je me voyais monter peu à peu, une sensation impressionnante. Je m'en souviendrai toute ma vie."

Il se remémore sa situation de l'époque : "J'avais besoin de sortir, de prendre l'air, de me dépenser physiquement, d'avoir un objectif, un cap". Il ne regrette pas du tout ce choix de vie : "Les chantiers changent de semaine en semaine, ce n'est jamais pareil ! On fait tellement de rencontres. Et puis on travaille une diversité de matériaux : le bois, la brique, le ciment... Bien sûr, c'est un métier dur, surtout quand il y a de la pluie, du vent, mais tu le fais pour les jours où il fera meilleur."

"Les couvreurs font partie des métiers où les entreprises peinent à recruter des employés qualifiés, alors qu'il y a plein de travail dans ce secteur", constate Nicolas Emirgand, le prévôt (directeur) d'une Maison des Compagnons du devoir du Grand Est. Ce métier est en effet la deuxième profession où les recrutements sont les plus difficiles, après les charpentiers, selon l'enquête Besoins en main d'oeuvre de Pôle emploi.

Finesse du trait

Après une journée de travail haut perché, Valentin Gounet arrive à la Maison. La Maison des Compagnons. Direction les dortoirs pour prendre une douche et s'habiller convenablement pour le dîner servi à 19 heures. "Avant de venir dans la salle à manger, il faut mettre au moins un polo ou une chemise, qui doit être rentré dans le pantalon, et des chaussures fermées. Cette tenue nous permet d'être tous égaux et propres à table", met au point le couvreur-zingueur.

Toucher des matériaux, c'est la meilleure façon pour ces jeunes-là de savoir ce qui leur plaît.

Valentin Gounet

apprenti compagnon

La journée n'est pas encore terminée à la Maison des Compagnons. A 20 heures, c'est l'heure des deux heures quotidiennes de révision. Les professeurs sont les compagnons les plus expérimentés qui épaulent les plus jeunes. Alors que ses cadets s'exercent à la main aux dessins préparatoires aux chantiers, Valentin Gounet évoque l'importance de cette étape avant de passer sur des logiciels sur ordinateur. "Bien sûr, les entreprises font leurs dessins sur écran ; mais nous, on préfère apprendre la base au crayon et à la règle, à l'équerre, pour être plus sereins ensuite sur le numérique. Ça nous apprend la finesse du trait, le sens du détail."

Huit portes ouvertes à son actif

En plus de l'apprentissage, une des valeurs importantes chez les Compagnons, c'est la transmission du savoir. Valentin Gounet ne raterait pour rien au monde les Journées portes ouvertes de la Maison des Compagnons, qui ont lieu deux fois par an. Il en a déjà huit au compteur ! Très à l'aise, il enchaîne les visites guidées avec des parents et leurs enfants. De salle en salle, il présente les différents métiers que l'on peut apprendre : menuisier, ferronnier, charpentier, plombier... Sans oublier sa spécialité, couvreur-zingueur.

Dans l'atelier, il fait tester à un jeune intéressé par la couverture la coupe de l'ardoise. "Ton petit doigt, tu le poses contre ton enclume, il te sert de guide par rapport au trait que je t'aurai tracé", indique Valentin Gounet au visiteur. "Toucher des matériaux, c'est la meilleure façon pour ces jeunes-là de savoir ce qui leur plaît. Tu prends une cisaille, tu coupes un morceau de zinc. Tu prends le marteau et l'enclume, tu tailles une ardoise. Et, si ça se trouve, le jeune que j'ai initié, ce sera un futur couvreur, tout simplement."

Les yeux de Valentin Gounet se mettent à briller. "Ce qu'on peut donner pour un jeune, on ne l'imagine pas. C'est très agréable pour la personne qui transmet, comme pour la personne qui reçoit ce savoir." Le jeune couvreur-zingueur, qui finit son tour de France des entreprises, va poursuivre ce rôle d'ambassadeur de son métier. L'aspirant compagnon va devenir compagnon l'an prochain, après la réalisation d'un travail de réception (une oeuvre d'art). Il sera alors formateur chez les Compagnons. A lui d'assurer la relève !

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