Les élections municipales de Nogent-sur-Seine ont été annulées le 17 juillet dernier suite à des irrégularités dénoncées par l’opposition. La maire Estelle Bomberger-Rivot ne fait pas appel. Les deux listes concurrentes repartent donc pour une campagne électorale tendue.
La maire DVD de Nogent-sur-Seine, Estelle Bomberger-Rivot, avait un mois pour faire appel de la décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les élections municipales du 15 mars dernier, élections durant lesquelles elle avait été élue dès le 1er tour avec sa liste "Servir les Nogentais et agir pour Nogent". Ce vendredi 28 août, elle a annoncé avoir renoncé à faire appel et déclare préférer se représenter devant les Nogentais plutôt que devant le juge.
On a pesé le pour et le contre, faire appel ou ne pas faire appel. On s'est rendu compte que dans les deux cas, cela pénalisait à la fois la ville de Nogent et le quotidien des Nogentais. Donc, comme l'honneur d'un élu c'est d'être choisi par les électeurs, on a décidé de ne pas faire appel et de resolliciter la confiance des Nogentais.
Pour l'ex-candidat désormais conseiller municipal d'opposition Richard Journet, cette décision sonne comme une reconnaissance de responsabilité de la part de la maire. Il ne mâche pas ses mots :
Je prends bonne note de cette décision qui arrive bien tard compte tenu de toute cette période pendant laquelle Estelle Bomberger-Rivot s’est arrangée avec la vérité. [...] En acceptant le jugement du tribunal, elle reconnaît enfin, face aux Nogentaises et aux Nogentais, son unique responsabilité dans cette annulation qui plonge la ville de Nogent-sur-Seine dans une instabilité politique inédite.
Repartir en campagne
Difficile désormais, tant l'hostilité semble prégnante entre les deux candidats, d'envisager une campagne des municipales sereine et apaisée. Tous deux seront évidemment candidats, avec leur liste, pour le nouveau scrutin, et tous deux déclarent être dans un état d'esprit combatif, malgré le bouleversement qu'a pu représenter cet épisode. "Nous avons une bonne équipe, soudée et compétente, un bon programme sur lequel nous travaillons depuis deux ans avec les Nogentais et les Nogentaises, explique Estelle Bomberger-Rivot. On a vraiment eu ce temps de construction et de maturation avec eux. Donc on ne change pas d’équipe, on ne change pas de programme, on garde les valeurs qui nous habitent".
Du son côté, Richard Journet, se dit prêt à construire un nouveau projet en concertation avec les habitants : "Nous avons pris le temps d’écouter les gens, d’écouter ce que voulaient précisément les habitants et nous avons un petit peu amendé notre programme. Nous l’avons retravaillé, et là, nous allons donc proposer des choses toutes nouvelles, voire inédites pour Nogent-sur-Seine". Les premiers tracts de la liste devraient d’ailleurs être prochainement distribués dans les boites aux lettres.
Nouvelle campagne, nouvelle polémique
Les deux candidats à peine déclarés, déjà pointe une première polémique. Richard Journet demande officiellement des comptes à Estelle Bomberger-Rivot sur l’utilisation des services de la mairie depuis la décision du tribunal d’annuler l’élection : "Dans la mesure où elle savait qu’elle ne pouvait pas faire appel, je demande solennellement à Estelle Bomberger-Rivot de s’expliquer sur son utilisation répétée des moyens de la ville de Nogent-sur-Seine (réseaux sociaux, site Internet et courriers à la population avec enveloppes et papiers à en-tête de la ville signés sans ambiguïté de sa fonction de maire) pour annoncer sa candidature et celle de ses colistiers, organiser sa défense, diffuser sa propagande et manipuler l’opinion publique".
Estelle Bomberger-Rivot réplique : "Je m'exprime en tant que maire. Cet individu aime créer des polémiques inutiles. Il oublie que notre mandat est toujours en cours. Je ne rentrerai pas dans ces polémiques stériles". Le ton de la campagne est donné.
Un doute sur la sincérité du scrutin
Alors comment en est-on arrivés là ? Le 15 mars dernier, la liste DVD "Servir les Nogentais et agir pour Nogent", menée par Estelle Bomberger-Rivot recueille 1.123 voix, soit 60,18% des suffrages exprimés, lors du 1er tour. Vingt-quatre sièges de conseillers municipaux et dix sièges de conseillers communautaires sont donc attribués à cette liste. La liste DVD "Nogent-sur-Seine, ville innovante et active", menée par Richard Journet, recueille quant à elle 743 voix, soit 39,82% des suffrages, obtenant ainsi cinq sièges de conseillers municipaux et deux sièges de conseillers communautaires. La messe semble dite.Mais cinq jours après ce 1er tour, Richard Journet dépose un recours au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Le principal opposant d’Estelle Bomberger-Rivot dénonce alors des irrégularités dans le scrutin. Selon lui, la candidature au conseil communautaire de l’un des colistiers de la maire élue est infondée et la liste élue le 15 mars a donc été modifiée après la clôture officielle des dépôts de candidature, entrainant par la suite d’autres irrégularités.
Pour Richard Journet, ces éléments remettent alors en question la sincérité du scrutin. Il demande à ce titre au tribunal administratif l’annulation du vote, la proclamation de la victoire de sa liste aux élections municipales et l’inéligibilité pour Estelle Bomberger-Rivot et quatre de ses colistiers.
Des irrégularités en cascade
La maire élue le 15 mars et ses adjoints plaident quant à eux la bonne foi et pointent du doigt les services de la préfecture qui auraient commis une erreur informatique lors du dépôt de liste, entrainant ensuite l’ensemble des irrégularités.Dans son jugement, le tribunal administratif souligne en effet que c’est "à la suite d’une erreur d’enregistrement informatique commise par les services de la préfecture" que "l’ordre des candidats [avait été] aléatoirement modifié". Il poursuit : "Le préfet, souhaitant rectifier cette erreur, s’est toutefois aperçu que la liste initialement déposée, qui indiquait que M. Michel Meny, candidat n°18 au conseil municipal, était candidat aux élections communautaires, [allait à l'encontre] du code électoral, et que cette irrégularité aurait dû le conduire à refuser de délivrer le récépissé de déclaration de candidature" Au regard de ces éléments, le juge du tribunal administratif conclut donc que les votes émis en faveur de la liste d'Estelle Bomberger-Rivot sont nuls, et que l'élection doit être tenue pour non-avenue.
Néanmoins, si le juge invalide les votes en faveurs de la liste d’Estelle Bomberger-Rivot, il n’y pas lieu selon lui, de proclamer élus les candidats de la liste concurrente de Richard Journet au vu de "la nature et des effets de l’irrégularité".
Pas d’inéligibilité prononcée non plus à l’encontre des cinq colistiers emmenés par Estelle Bomberger-Rivot, le juge ayant constaté qu’ "il ne résulte pas de l’instruction que Mme Estelle Bomberger-Rivot, Mme Sylvie Taprest, Mme Pascale Corteel, M. Laurent Levasseur et M. Michel Meny auraient accompli des manœuvres frauduleuses ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin". Une erreur invalidant les élections donc, mais non commise volontairement.
Dès le 1er septembre, la maire de Nogent, tout comme le conseil municipal dans son ensemble, ne seront donc plus considérés comme élus. La préfecture prendra le relais et désignera une déléguation qui aura en charge l'organisation de nouvelles élections ainsi que les affaires courantes de la commune. Le nouveau scrutin devrait se tenir dans un délai de trois mois.