Incarcéré depuis 40 ans pour le meurtre du petit Philippe Bertrand à Troyes, l'un des plus anciens détenus de France va sortir de prison. Atteint d'un cancer, Patrick Henry, 64 ans, a obtenu vendredi une suspension de peine pour raisons médicales.
Patrick Henry pourrait sortir dès samedi, a indiqué Béatrice Angelelli, la procureure de Melun (Seine-et-Marne), où Patrick Henry est incarcéré. Au vu de son état de santé, le parquet s'était dit favorable à sa requête et ne fera pas appel, a précisé la magistrate.
Condamné en 1977 à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de Philippe Bertrand, sept ans, Patrick Henry, est régulièrement pris en charge depuis le 15 mai dans une unité hospitalière sécurisée.
Plusieurs médecins ont considéré que son état de santé était "durablement incompatible avec la détention", selon le jugement du tribunal de l'application des peines (TAP) de Melun.
Une décision salué par son avocat Hugo Lévy, qui l'a jugée "conforme à la loi, nécessaire, tant il est inconcevable que les lieux de privation de liberté soient aussi des lieux où les hommes meurent".
Symbole en son temps de la lutte contre la peine de mort, Patrick Henry avait échappé de peu à la guillotine lors de son procès à la fin des années 1970, grâce notamment à la plaidoirie de son avocat Robert Badinter. Il était ensuite devenu un visage de la réinsertion, obtenant en 2001, après 25
ans de détention, une libération conditionnelle. Mais il avait très vite cassé son image d'ex-détenu modèle: interpellé avec près 10 kilos de cannabis en Espagne en 2002, il était retourné derrière les barreaux.
Patrick Henry avait depuis présenté plusieurs demandes de libération conditionnelle, sans succès jusque-là.
Pas une "faveur" judiciaire
Le TAP a cette fois estimé que "la motivation financière, qui a toujours guidé les passages à l'acte de Monsieur Patrick Henry, semble pouvoir être écartée", car sa "sortie sera entièrement prise en charge sur un plan matériel et financier par un couple d'amis qui le soutient depuis 25 ans". Le tribunal a "tenu compte du soutien moral et amical" de Martine Veys, visiteuse de prison, qui "s'est engagée à l'accompagner au cours de cette ultime et brève période de liberté", a précisé son avocat, qui tiendra à 17H30 une conférence de presse à son cabinet avec elle.Parmi les conditions de sa suspension de peine, Patrick Henry a interdiction d'entrer en relation avec les parties civiles et de se rendre dans le département de l'Aube, où il avait enlevé à la sortie de l'école de Pont-Sainte-Marie, près de Troyes, le petit Philippe Bertrand.
Le chantage à la rançon puis la découverte du corps de l'enfant, mort par strangulation, sous le lit du jeune VRP Patrick Henry, avait eu un retentissement énorme en France à la fin des années 70.
"La France a peur", avait lancé le soir de la découverte de son corps le présentateur du JT, Roger Gicquel. Au vu des "quarante années d'enfermement", souligne son avocat, et "compte tenu de la maladie mortelle dont il souffre, nul ne peut raisonnablement considérer cette décision comme une faveur judiciaire injustifiée".
Archives INA - JT TF1 - 18 février 1976