Biodiversité : une nouvelle espèce de crustacé découverte dans un marais au nord de l'Alsace

Un petit crustacé de la taille d'une lentille, jusqu'alors inconnu en Alsace, a été découvert dans un marais de la commune de Seltz, dans le Bas-Rhin. Les naturalistes souhaitent pouvoir assurer l'avenir de cette espèce, classée en danger critique d'extinction, par une gestion écologique du site.

Sur le front de la biodiversité, les nouvelles ne sont pas toujours alarmantes. La preuve, s'il en était besoin, avec la découverte toute récente d'un petit crustacé, le lynceus brachyurus, dans un marais de la commune de Seltz, dans le nord du Bas-Rhin (carte ci-dessous). Le naturaliste colmarien, Thibaut Durr, à l'origine de la découverte de cette espèce jusqu'alors inconnue en Alsace, se réjouit de ce qu'il considère comme une grande première: "Je suis naturaliste dans l'âme depuis que je suis gamin et aujourd'hui, à 36 ans, après douze années en tant que professionnel, découvrir une nouvelle espèce, même à l'échelle régionale, reste très enthousiasmant."

 

 

"C'est en regardant dans l'eau que j'ai vu"

Pour un néophyte, ce petit animal, de la taille d'une lentille, n'a pourtant rien d'extraordinaire et pourrait même passer inaperçu. Il faut avoir l'oeil exercé et attentif d'un spécialiste pour sortir un crustacé comme le lynceus brachyurus de son anonymat. Thibaut Durr raconte comment le hasard et sa curiosité naturelle ont permis cette rencontre: "Je me suis arrêté dans ce marais, repéré depuis longtemps sur des cartes, pendant ma pause casse-croûte et quand on est au bord de l’eau, on regarde ce qu’il y a dedans." Tout simplement. Et Thibaut, en regardant dedans, a repéré ce fameux crustacé, décrit pour la première fois en 1776 par un certain Müller.

 

 

L’adulte ne mesure pas plus de 4 millimètres. De couleur jaunâtre tirant sur le vert ou le brun, la forme du lynceus évoque un petit mollusque bivalve, complètement enfermé dans une carapace globuleuse et lisse. Quasiment deux siècles et demi plus tard, le 25 décembre 2020, la Société d’histoire naturelle et d'ethnographie de Colmar publie dans son bulletin la description de la découverte de Thibaut Durr, en association avec un autre naturaliste, François Thiery (document ci-dessous). "C'est une très jolie découverte qui montre que l’inventaire du vivant à l’échelle régionale est loin d’être finie", se félicite Jean-Michel Bichain, le directeur de la publication et président de ladite société.

 

 

Un fossile vivant

Le lynceus brachyurus fait partie d'un groupe de crustacés qui ont "les pieds en branchie", les branchiopodes. Certaines espèces de ce groupe très ancien, répandu dans le monde entier, sont considérées comme des fossiles vivants. Elles n'ont quasiment pas évolué depuis l'ère primaire. "Ce qui me fascine le plus chez cet animal, c'est sa résistance qui lui permet de survivre pendant les périodes d'assèchement à l'état d'oeuf jusqu'à la remise en eau, puis d'éclore à la bonne date, comme une graine", ajoute Thibaut Durr. 

 

 

Les vestiges d'un grand marais originel

Le marais, alimenté par la nappe phréatique et mis en eau en période hivernal, est situé sur un ancien méandre du Rhin. "La particularité de ce marais est qu’il s’assèche en été. Cela trie les espèces qui vivent dedans. Les poissons  ne peuvent pas s’y installer par exemple, contrairement aux espèces qui ont besoin d’un assèchement. Parmi elles, ce fameux crustacé", explique Thibaut Durr. Cette zone humide temporaire, localisée sur une partie de la commune de Seltz, faisait partie d'un ensemble marécageux plus important, de dimension européenne. Dans cette bande rhénane, ne subsistent par endroits que quelques marais résiduels. "La quasi totalité de ce grand marais initial a été anéanti par la canalisation du Rhin dans les années 1960-70 et par la mise en culture des prairies originelles".

Durant cette période d'aménagement du territoire qui a touché toute l'Europe de l'ouest, 50 à 80% des zones humides ont disparu et avec elles la dynamique des crues. Aujourd'hui, avec l'abandon progressif des pratiques agricoles, le site se couvre de forêts, tandis que les trous d'eau et les mares disparaissent. "La fermeture du milieu, s'il se poursuit, pourrait conduire à la raréfaction des plantes et des invertébrés, dont le lynceus brachyurus qui a besoin d’ensoleillement".

Il suffit de peu de choses pour pérenniser le site

L’espèce est en danger critique de disparition dans la région, car elle n'existe que sur un seul site, "mais on n’a pas trop d’inquiétude", tempère le naturaliste. Pour éviter au site de se refermer, il suffirait d’un peu d’entretien, comme la suppression des buissons par exemple. Et pour cela, il faudrait mettre sur pied des actions, en concertation avec la commune de Seltz, propriétaire des lieux, et l’ONF, chargé de sa gestion. Thibaut Durr a bon espoir que son appel soit entendu.

 

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