Les pharmaciens sont appelés à respecter une grève des gardes ce week-end de Pentecôte du 18 au 20 mai 2024. Ils s'opposent à un projet porté par le gouvernement visant à faciliter la vente de médicaments en ligne. Delphine Lienhardt, pharmacienne en Alsace et présidente de l’USOP 67, explique les raisons de la colère.
Delphine Lienhardt, pharmacienne dans le Bas-Rhin, comptait faire grève des gardes en ce lundi de Pentecôte, ne pas ouvrir son officine pour manifester son mécontentement contre le projet de loi porté par le député de la majorité Marc Ferracci qui prévoit la dérégulation de la vente des médicaments. La présidente de l’USOP 67, réquisitionnée et en colère, a finalement pris le parti d’ouvrir sa pharmacie comme un jour normal. Elle nous confie ses inquiétudes dans un contexte qui bouleverse le travail des pharmaciens et brise leur monopole de vente des médicaments.
Quelle est la plus grande difficulté de votre quotidien ?
Delphine Lienardt: Les pharmaciens se mobilisent pour les patients et contre les pénuries de médicaments. Cette année, on est à 5 000 molécules manquantes et ça ne va pas en s’améliorant. Et pour nous aujourd’hui, ne pas pouvoir traiter un enfant avec le bon antibiotique, c'est inacceptable. Passer douze heures par semaine à chercher des médicaments qu’on n’aura pas pour nos patients, c'est inacceptable. Voir nos patients angoisser, c’est inacceptable. On demande qu’il y ait une transparence par rapport à ces ruptures et on demande que les solutions qu’on a pu apporter pour améliorer notre quotidien soient entendues.
Existe-t-il un risque de déserts pharmaceutiques ?
On est en train de les construire, ces déserts pharmaceutiques ! Il y a une pharmacie qui ferme chaque jour en France, 36 ont été fermées en janvier 2024. Cela met en danger le réseau médico-social que la France a mis en place. Il y a quatre millions de Français qui passent la porte des pharmacies, c’est le réseau de proximité le plus performant. On l’a démontré pendant la période du covid. Aujourd’hui, il faut continuer à garder ce maillage et cette solidarité.
Pourquoi militez-vous contre la vente en ligne des médicaments ?
On est très inquiets du projet de loi du député Marc Ferracci qui prévoit de déréguler notre réseau, notamment avec la mise en ligne de plateformes de vente en ligne de médicaments. Cette financiarisation des choses ne fonctionne pas avec notre culture de solidarité de la santé en France. Vous imaginez si les médicaments étaient en ligne sur une plateforme type Amazon, le mésusage possible de certaines molécules ? La dangerosité que ça peut être pour notre système de soin ? Je suis très inquiète.
Une nouvelle journée de mobilisation aura lieu jeudi 30 mai. Les 20 500 pharmacies de France sont appelées à baisser le rideau toute la journée. Le mouvement est porté par l'Union Syndicale des Pharmaciens d'Officine (USPO) et la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).