Depuis le mois de juin, le parquet de Saverne place des auteurs présumés de violences conjugales dans un appartement. Cette solution d'éviction, qui a déjà fait ses preuves à Colmar et à Strasbourg, a pour objectif d'éviter la récidive et de protéger l'entourage du mis en cause.
Un lit, une cuisine, une machine à laver, l'appartement ressemble à n'importe quel autre logement du centre-ville de Saverne (Bas-Rhin). Mais celui-ci reste rudimentaire et est spécialement dédié aux auteurs (présumés) de violences conjugales. Depuis le mois de juin, 15 mis en cause ont été placés par le tribunal correctionnel pour les éloigner de leur entourage et de leur domicile avant d'être jugés.
Cette solution d'éviction est possible dans deux cas de figure. Pour les primo-délinquants auteurs de violences dites "légères" (une gifle ou une bousculade par exemple), un placement de 15 jours leur est proposé comme alternative aux poursuites. Les auteurs placés sous contrôle judiciaire sont quant à eux écartés pour une durée de deux à trois mois, selon la décision du juge des libertés et de la détention.
"On veut éviter la récidive"
"L’impact est évident car vous imposez à ces personnes de sortir du cadre qui est le leur. C’est une forme de violence aussi. Le but est de faire qu’elles ressortent en ayant compris les raisons de leur action. On veut éviter la récidive", explique Aline Clérot, procureure de la République du tribunal de Saverne. Jusqu'à trois personnes, homme ou femme, peuvent loger dans ce même appartement de 74 m². Si les occupants ont le droit d’aller et venir librement en journée, ils sont tenus de dormir sur place. "Ici on prend notre mal en patience. Ça fait partie de notre peine. Là, j’avoue que je prends une baffe. En sortant, je vous jure que je ne reproduirai pas ma bêtise", lance un occupant de 54 ans.
Pour "le service de contrôle judiciaire et d’enquêtes", l'association en charge du logement, l'objectif n'était pas de rompre les relations sociales des mis en cause en les isolant complètement. "Chacun a son intimité, mais le fait d’être à plusieurs permet aussi de verbaliser certaines choses. Ils s’écoutent mutuellement, s’entraident. C’est ce que nous voulons. Que ces personnes soient surveillées et en même temps aidées. Cela les fait réfléchir et ça permet de mieux anticiper la récidive."
Une politique volontariste
En plus de les sortir de leur vie quotidienne, cet éloignement permet aux auteurs présumés d'être accompagnés par des travailleurs sociaux, comme des psychologues. Un accompagnement bénéfique qui vient en soutien au dispostif d'éviction. La procureure de la République du tribunal de Saverne mène une politique de lutte contre les violences conjugales particulièrement volontariste. La garde à vue et le déferrement au parquet sont désormais systématiques.
La mise en place de ce logement d'éviction arrive alors que le parquet enregistre une recrudescence des violences intra familiales. Entre 2019-2021, la gendarmerie a recensé une augmentation de 72 faits par rapport aux années précédentes.
Si c'est une première pour Saverne, le dispositif existe déjà à Strasbourg et à Colmar, où cinq logements sont disponibles. A Saverne, le nombre de places devrait doubler avant la fin de l’année 2021. Dans le Bas-Rhin, deux nouveaux logements devraient ouvrir, dont un dans la Vallée de la Bruche.