Le projet était ambitieux : réaliser intégralement un clip afin de dénoncer les violences faites aux femmes. La ville de Saverne l'a porté, les jeunes l'ont fait. "Elles ont mal" vient d'être posté sur les réseaux sociaux. Résultat : 5600 vues en une journée sur YouTube.
"Etre une femme c'est pas facile, tu t'en rends bien compte tous les jours, tu peux plus rentrer seule la nuit, les hommes en ont après tes courbes". Ce n'est pas de la grande littérature mais les mots sont efficaces. Des mots de jeunes pour parler, à tous, des violences que peuvent subir les femmes. "Elles ont mal" frappent là où ça fait mâle.
Un des auteurs de cette chanson engagée s'appelle Blackfloow "avec deux O parce que Blackflow c'était déjà pris". Le jeune homme de 27 ans habite à Strasbourg mais a grandi à Saverne. Alors, quand le centre socio-culturel de la ville lui a demandé s'il voulait participer à un projet pour dénoncer les violences faites aux femmes, il n'a pas hésité une seconde. Il y mettrait tout son cœur et son flow, avec un seul O.
Des mots et du flow
Car Merved Nkewa, c'est son vrai nom, est un musicien dans l'âme à défaut de l'être dans la vie. "Je suis électricien mais je fais de la musique tous les jours. Je suis d'origine congolaise il faut dire. Là-bas on se réveille en musique, on mange en chantant. Ma mère elle chantait toute la journée, même en faisant le ménage et les repas, avec moi sur le dos alors forcément." Visiblement chez Merved, la répartition des tâches domestiques était joyeuse mais pas très équitable.
Mixeur, "bidouilleur de console et de son", Blackfloow a participé à l'écriture et au mixage de Elles ont mal. "On était une cinquantaine de jeunes : certains ont bossé sur la réalisation du clip, d'autres sur le scénario et nous, on était quatre, sur l'écriture des paroles en s'inspirant des idées de tous."
Des idées que tous ces jeunes partagent: "C'est un sujet qui nous parle. On voit bien dans les rues ce qui se passe, les filles qui se font emmerder. On voit bien aussi que les femmes ne sont pas appréciées à leur juste valeur, toujours sous-estimées, sous-payées."
Changer les mentalités
Glodi, animateur jeunesse au Centre socio-culturel de Saverne, qui a accompagné le projet, va dans le même sens. "Au cours des ateliers, on s'est rendu compte que même si ces jeunes venaient de cultures différentes, ils partageaient le même constat : la place disons dégradée de la femme dans notre société." Pour tenter de faire bouger un peu les choses, ces jeunes ont donc choisi la musique et le rap en particulier "On veut toucher notre génération avec une musique de jeunes même si on est bien d'accord, ils n'écoutent pas tous du rap, c'est cliché de dire ça" ajoute Blackfloow.
Il faut changer les mentalités
Blackfloow
"Les mentalités changent trop doucement. Quand tu vois sur les réseaux sociaux, sous couvert d'anonymat, des commentaires affreux sur les femmes, c'est désespérant. C'est comme si les gars ils vivaient tous dans un monde virtuel avec ses propres règles. Faut revenir à la réalité, à la vraie vie où les femmes sont mal traitées au sens propre et au sens figuré. Faut changer les mentalités." J'entends à côté de lui une voix, féminine, qui acquiesce. "C'est ma copine, elle est avec moi dans la voiture." Je lui demande alors si à la maison, le travail est bien réparti, ça commence par là non le progrès ? "Oui oui bien sûr t'inquiète".
Le clip a été posté il y a deux jours et comptabilise déjà près de 5700 vues. Pas mal. "Je suis pas trop là-dedans moi, les followers et tout ça, mais on est vachement fier du projet, on a eu beaucoup de retours positifs. Certaines filles m'ont dit qu'en écoutant les paroles elles avaient pleuré. Moi ça m'a beaucoup touché." Et Blackfloow de rajouter dans un sourire : "Et puis le plus important, c'est que le clip a plu à ma copine."