La commission d'enquête sur les abus sexuels dans l'Eglise a rendu son rapport ce 5 octobre, après deux ans et demi de travail : les prédateurs sexuels de l'Eglise ont fait 330.000 victimes depuis 1950. En Alsace, il y en aurait entre 6.500 et 7.000. Le diocèse a pu identifier 169 victimes.
C'est l'un des dossiers sur lequel monseigneur Ravel, archevêque de Strasbourg depuis 2017, met beaucoup d'énergie : libérer la parole des victimes d'abus sexuels dans l'Eglise. Alors que la CIASE - commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise - fait état de 216.000 victimes de prêtres et religieux depuis 1950 - chiffre qui s'élève à 330.000 si l'on inclue les personnels laïcs de l'institution -, le diocèse de Strasbourg communique sur le travail mené en Alsace depuis 2018.
Ce travail a permis de recenser 169 victimes, mineurs ou jeunes majeurs en situation de fragilité. A la différence des recherches menées par la Ciase, qui se base sur un travail statistique et de projection, les dossiers constitués par le diocèse alsacien identifient victimes et agresseurs. Contact a pu être pris, lors de rencontres ou par téléphone, avec 86 victimes. 11 d'entre elles font l'objet d'un suivi psychologique, et 8 sont "en demande d'accompagnement spirituel".
En adaptant la méthode employée par la Ciase, on peut estimer à 6.500 à 7.000 victimes possibles en Alsace, depuis 1950. Des chiffres qui ont ébranlé toute la communauté religieuse, à commencer par monseigneur Ravel, qui a fait part de "son ahurissement devant les chiffres. Je reçois comme un tsunami la masse de ces vies traumatisées. Je vois ce rapport comme un signe de la providence, un signe de tempête absolument nécessaire."
Un rapport qui incrimine au niveau national 3.000 prêtres auteurs d'abus sexuels. En Alsace, 110 personnels de l'Eglise sont mis en cause selon les chiffres communiqués par le diocèse, soit 82 prêtres, 9 religieux non prêtres, 2 diacres et 17 personnes parmi les sacristains, organistes, chefs de choeur ou enseignants. 46 plaintes ou signalements ont été déposés pour enclencher, pour certains dossiers, le travail de la justice, et pour d'autres des sanctions des autorités religieuses. 52 mis en cause sont décédés et n'ont donc pas fait l'objet de poursuites.
Quatre nouveaux témoignages ces dernières 24 heures
Dans son rapport (à lire ci-dessous), la Ciase détermine des territoires particulièrement concernés par ces abus sexuels, qu'elle met en lien avec les diocèses où la pratique religieuse est la plus forte. L'Alsace en fait partie. "Les diocèses les plus catholiques sont ceux dans lesquels les agresseurs signalés, en valeur absolue, sont les plus nombreux", relève le rapport. Qui note que ce sont aussi sur ces territoires qui concentrent le plus de prêtres, et donc "un nombre conséquent d’auteurs de violences sexuelles".
CIASE - Rapport Général, 5 Octobre 2021 by France3Alsace on Scribd
Depuis l'Alsace, l'archevêque lance un appel à tous les religieux : "chacun doit aujourd'hui clairement et individuellement prendre position : soit on dit "oui mais...", soit on dit "oui, ok, allons-y ensemble" pour éradiquer ce fléau." Ce rapport, espère-t-il en tout cas, peut favoriser plus encore la libéralisation de la parole des victimes : dans le diocèse, quatre nouvelles affaires ont été portées aux oreilles des instances à la veille des conclusions rendues par la Ciase, alors que toute l'attention médiatique était tournée vers cette actualité.