Les sages-femmes de Strasbourg se sont données rendez-vous à l'aube ce jeudi 7 octobre. Direction Paris et la grande manifestation nationale. Elles entendent bien défendre leurs revendications : plus de personnels, une refonte de leur statut professionnel et une vraie revalorisation salariale.
Elles sont parties un peu avant huit heures, remontées comme des pendules. Les sages-femmes strasbourgeoises en ont ras la cup et ont décidé que cela devait se savoir à Paris. Les voilà en route pour la capitale, point de ralliement d'une grande manifestation nationale.
Cela fait des années que les sages-femmes ressassent les mêmes revendications sans être entendues. Dernière roue du carrosse des professions médicales, la covid a mis en exergue cet état de fait. Dernières à recevoir des masques, oubliées quand il a fallu trouver des bras pour vacciner : on a fait appel aux soignants, aux vétérinaires, aux pharmaciens et même aux pompiers mais pas aux sages-femmes.
Des femmes formidables
Pourtant, elles jouent un rôle crucial à un moment déterminant de la vie : la naissance. Anna Guerken a accouché au CMCO en mars de cette année d'un petit garçon. Il meurt quelques minutes après l'accouchement, victime d'une malformation rénale. "Sans les sages-femmes, le travail de deuil aurait été beaucoup plus difficile, témoigne Anna. Elles sont tellement douces, bienveillantes, d'une humanité rarement rencontrée. Et puis elles ont une expertise qui vient du terrain, de ce qu'elles ont vécu avec les jeunes mamans."
Ainsi Anna a pu passer un peu de temps avec son bébé avant qu'il ne soit emmené. "Parce que les sages-femmes savent que ce moment là est important pour enclencher le parcours de deuil." La jeune maman et son mari ont pu repartir avec les empreintes des pieds et des mains de leur bébé. Une petite boîte aussi contenant son nom, son bracelet de naissance, un livre de témoignages de parents. Et puis il existe au CMCO un groupe de paroles dédié aux parents en deuil auquel Anna a pu participer.
"Lors de l'accouchement j'ai eu des complications, j'ai perdu beaucoup de sang, mais je suis restée sereine parce que je savais que j'étais entre de bonnes mains, Diane, ma sage-femme a su me rassurer par sa douceur. Ce sont des femmes formidables, alors je ne comprends pas qu'elles soient si mal payées et si peu reconnues", se désole-t-elle enfin.
"On est une petite corporation, en France, il y a 230.000 médecins, 750.000 infirmiers et 23.000 sages-femmes, on n'a pas de poids", avance Eve Rizzotti, sage-femme au CMCO et élue FO aux hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) comme début d'explication. Et leur mouvement ne date pas d'aujourd'hui. Ni d'hier. Les sages-femmes ont fait grève régulièrement toute cette année.
Une refonte totale de leur statut
Leurs revendications? Plus de personnels, pour qu'une sage-femme puisse accoucher une femme et non pas trois en même temps. Pour ne pas penser à Justine en salle 3 dont le travail vient de commencer quand elle tient la main d'Isabelle qui accouche de son premier enfant. D'autant que leurs prérogatives ont augmenté : suivi gynécologique, frottis, IVG médicamenteuse.
"On demande plus de monde pour des conditions de travail meilleures, martèle Eve, qui répète son discours en boucle, on demande une revalorisation de notre statut à l'hôpital et en ville, on demande une meilleure considération salariale, on demande que les études soient réparties sur 6 ans (et non plus 5, NDLR), pour que les étudiantes n'aient plus cette sensation d'être en burn-out comme 70 % d'entre elles".
Aujourd'hui une sage-femme suit cinq ans d'études dont la première en commun avec les étudiants en médecine. Elle touche 1.700 euros nets par mois en début de carrière. C'est évidemment peu au regard du niveau d'études et du rythme de travail : les nuits, les week-ends, les gardes de 12 heures. Olivier Véran, le ministre de la Santé a bien annoncé le 16 septembre une revalorisation d'un peu plus de 180 euros par mois.
J’ai annoncé hier la revalorisation des sages-femmes hospitalières de près de 4400€ net/an, la pleine reconnaissance de leur profession médicale à travers une filière dédiée, la revalorisation des actes de ville, leur meilleur accès à la formation & la recherche.
— Olivier Véran (@olivierveran) September 17, 2021
Loin d'être suffisant pour les sages-femmes, qui souhaitent une remise à plat complète de leur statut et donc de leur rémunération. Elles ont prévu de le faire savoir à leur ministre ce jeudi 7 octobre. Départ de la manifestation à midi à Montparnasse, le cortège se rendra au pied du ministère de la Santé. Mot d'ordre : code noir pour des femmes en rose. Pas sûr qu'Olivier Véran goûte cette journée acidulée.