Après le retour en cours d'un enseignant accusé de harcèlement sexuel, silence et discrétion à la faculté de théologie de Strasbourg

Interdit d'enseigner par l'université de Strasbourg en 2023 après de multiples témoignages d'étudiantes pour "harcèlement moral et sexuel", Michaël Langlois donne de nouveau des cours depuis la rentrée, conformément à ce qu'a décidé la juridiction administrative habilitée.

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Aux côtés d'autres annonces plus classiques annonçant des événements à venir, cinq ou six feuilles A4, visiblement récemment imprimées, sont affichées dans les couloirs de la Faculté de théologie de Strasbourg. "Harcèlement sexuel : lieux ressources et adresses utiles à l'Unistra". S'en suivent une série d'interlocuteurs potentiels sur le campus, pour d'éventuels étudiants ou étudiantes en détresse. 

S'agit-il d'une simple coïncidence ? Depuis début septembre, Michaël Langlois enseigne de nouveau. Ce maître de conférences avait été suspendu pendant trois ans en août 2023, notamment en raison d'une suspicion de harcèlement moral et sexuel sur des étudiants, sur la base de dizaines de témoignages reçus concernant des faits survenus entre 2009 et 2019.

Entretemps, Michaël Langlois, qui nie "tout comportement répréhensible", a saisi le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser), la juridiction administrative du monde universitaire en France. Celui-ci a bloqué la sanction disciplinaire rendue par l'Université en raison de vices de procédure, selon les Dernières Nouvelles d'Alsace. Conséquence : l'université de Strasbourg (qui s'est pourvue en cassation devant le Conseil d'Etat) n'a eu d'autre choix que de laisser Michaël Langlois conduire ses cours, alors que l'enseignant fait actuellement l'objet d'une enquête pénale pour "viol aggravé et agression sexuelle par personne ayant autorité". 

Des élèves qui hésitent à s'exprimer

Une pétition a été lancée en ligne le 15 septembre par le syndicat Alternative étudiante Strasbourg (AES). "Les étudiants ne comprennent pas qu'il puisse reprendre les cours alors qu'il n'a pas été innocenté, estime Simon Levan, du syndicat. Le Cneser n'a pas statué sur le fond du dossier !" La pétition demande explicitement "l'exclusion, sinon la démission" de Michaël Langlois. Elle a réuni au 3 octobre plus de 800 signatures sur l'objectif des 1 000.

Mais ces soutiens ne viennent pas forcément des élèves de théologie, les premiers concernés. Qu'en pensent-ils ? Difficile à dire. Les rares que nous avons pu rencontrer dans les couloirs ont rechigné à prendre la parole. "C'est une affaire qui est en cours, et dans l'intérêt des étudiants concernés, on préfère ne pas s'exprimer", explique l'un d'entre eux, qui assure faire partie des représentants d'étudiants. "On en parle beaucoup entre nous, c'est vrai" souffle une étudiante en première année, avant de s'éloigner, visiblement pressée. Le doyen de la Faculté, qui nous a rapidement repéré, a refusé de s'exprimer et a renvoyé vers la communication de l'université "tant que les choses ne se tassent pas". 

Contactée, l'Université de Strasbourg renvoie "à la décision du Cneser" et précise que les enseignements de Monsieur Danglois peuvent être suivis "aussi bien en présentiel qu'en distanciel via une application de classe virtuelle en direct, ce qui permet aux étudiant.es qui le souhaitent de ne pas être présent.es dans les locaux de la faculté".

Une communication minimaliste

Interrogée sur une éventuelle communication à l'égard des étudiants à propos de la situation, l'Université assure qu'une "présentation de la décision du Cneser a été faite par la présidence de l'université devant le Conseil de la faculté de théologie protestante où siègent notamment les représentants élus des étudiants", des faits également présentés dans un communiqué publié le 19 mai 2024, "toujours accessible à la consultation". 

Une communication minimaliste qui ne passe pas auprès des syndicats.  "C'est quelque chose qu'on regrette vraiment : ok, l'Université n'a pas le choix que de le laisser enseigner, mais on les trouve bien silencieux autour de tout ça, estime Simon Levan. Les étudiants qui vont en cours sont en droit de savoir ce qui se passe." Certains étudiants rencontrés semblaient en effet ne pas être au courant de la situation avec Michaël Danglois.

Les seuls à véritablement donner leur opinion étaient des étudiants d'autres facultés, situées également au sein du Palais universitaire : "C'est un scandale qu'il puisse de nouveau donner cours alors qu'il y a eu autant de témoignages d'étudiants concordants", affirme cette étudiante en 2e année de philosophie. Les témoignages concordants évoqués sont ceux réunis par la section disciplinaire de l'Université de Strasbourg après un premier signalement par un collectif national en 2021, puis une enquête publiée sur le site d'investigation en ligne Rue89 Strasbourg en février 2023.

"Les motifs de poursuites disciplinaires (...) concernent notamment l'exercice de sa mission d'enseignant en théologie protestante hors du cadre strictement académique (...), les relations de proximité suscitées et entretenues avec des étudiants qui excèdent le cadre de ses fonctions, l'abus de position dominante à raison de son statut, le harcèlement moral, le harcèlement sexuel", est-il écrit dans la décision de la section disciplinaire de l'Université, que nous nous sommes procurée, qui s'est basée sur "treize témoignages, sur des faits survenus entre 2009 et 2019"

Contacté ce jour, Michaël Danglois n'a pas répondu à notre sollicitation.

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