Le Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg se replonge « Aux temps du sida » avec une exposition immersive. Jusqu'en février 2024, l’histoire du virus est dépeinte à travers des œuvres pluridisciplinaires. Si le projet se veut saisissant, il souhaite avant tout transmettre un récit entraînant, entre tragédie, lutte et espoir liés à la maladie.
Après Marseille en 2021 et Paris début 2023, c’est désormais à Strasbourg que l’épidémie du sida se raconte sous le prisme de l’art.
Une exposition "de témoignages et de résistances aux discriminations et à l’oubli", selon son directeur, qui revient sur 40 années de tumultes marquées par la maladie.
Un parcours enivrant, à la croisée entre science et pop culture
Pensée par la conservatrice en chef du musée Estelle Pietrzyk, l’exposition démarre sur les chapeaux de roues avec Le couloir du temps. Un passage au visuel éclectique où se mélangent Unes de magazines, tantôt légères, tantôt plus sérieuses, articles de mode, couvertures d’ouvrages et même un feed Instagram, celui du Aids Memorial.
Un condensé de plusieurs objets chargés d’histoires qui fait office d’introduction et qui laisse place par la suite à une visite plus thématique, plus chronologique.
La musique, incarnée par Prince et son très engagé "Sign O’ the Time" ou encore l’amour entaché ("Tainted Love") de Soft Cell s’ajoute à un visuel déjà très fort. L’expression corporelle prend également forme dans ce projet. À l’instar des mouvements de lutte contre le sida dans les années 80 et 90, la danse est mise en lumière avec des slogans d’époque comme "DANSER = VIVRE", des représentations de la jeunesse en boîte de nuit ("Je sors ce soir" de Luc Chery) ou encore une salle entière où le visiteur est invité à se déhancher casque sur les oreilles.
Placée au cœur de l’expo, une œuvre marque particulièrement les esprits, "Les sangs" de Fabrice Hyber. L’artiste nous expose à travers une toile grand format la généalogie du virus. De sa genèse supposée en Afrique aux premiers traitements découverts, cette cartographie biface saisit le public autant qu’elle l’intrigue. Elle introduit le rapport très étroit qu’entretient la science avec cette maladie et rappelle les ravages causés par le VIH à cette époque.
La lutte continue
À la fin du parcours d’exposition, le musée propose une "Permanence". Cet espace totalement gratuit vise à accompagner un public qui souhaiterait partager un témoignage ou tout simplement désireux d’en savoir plus sur les thématiques liées au sida. "Un espace qui peut à la fois être un lieu de ressource, mais aussi de digestion de l’exposition. On mesurait aussi que ça allait soulever un certain nombre de questions et bouleverser le public", explique Alice Burg, en charge de projet culturel et de médiation des Musées de Strasbourg. "Cet espace se veut comme un endroit où on peut se poser, où on peut trouver des réponses à nos questions, où on peut rencontrer des personnes spécialisées."
Des associations se relaieront pendant quatre mois dans ce lieu dédié pour aborder des sujets tels que la discrimination des personnes séropositives au travail, les soins possibles ou encore vieillir avec le sida. Un travail de sensibilisation sera également orchestré auprès des plus jeunes, à l’image d’une collaboration avec les classes de première du lycée Pasteur pour "remettre à jour les connaissances par rapport au VIH".
Une époque si lointaine, si proche
Retour 40 ans en arrière. Le 4 février 1983, dans les laboratoires de l’Institut Pasteur, le virus du sida est identifié pour la première fois en France. Une découverte qui initie les prémices de plusieurs années de chaos, tant sur le plan sanitaire que sociétal.
Pour l’époque, cette découverte fait l’effet d’une bombe. La panique s’empare des populations qui ne manquent pas d’imagination pour trouver une cause à ce mystérieux virus. Face à l’inquiétude générale et la stigmatisation, plusieurs voix se lèvent pour faire bouger les choses.
Condamnés à une fin tragique, bon nombre d’artistes séropositifs ont souhaité retranscrire à travers leurs œuvres le tumulte de leurs vies. Tout l’intérêt de cette exposition qui, jusqu’en février 2024, offre un nouveau souffle à une époque, pas tout à fait révolue, meurtrie par les ravages du sida.