En publiant une vidéo dans laquelle il confectionne une pizza en forme de vagin, et commente son initiative avec des propos choquants, un pizzaïolo strasbourgeois a déclenché des milliers de réactions. L'association féministe "Dis bonjour sale pute" s'est emparée de l'affaire.
Le timing ne pouvait pas être plus mal choisi. Les propos non plus. Au lendemain du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, un pizzaïolo strasbourgeois, qui se met régulièrement en scène dans des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, se montre confectionnant une pizza en forme de vagin. Ce qui aurait pu n'être qu'une idée de mauvais goût pour qui ne partage pas forcément cet humour graveleux devient carrément choquant lorsqu'on écoute l'homme commentant son initiative : "combien de kilomètres elle a au compteur ?", "elle est très jeune", "premiers saignements, la pauvre, elle est toute blessée", "elle entre dans le monde des adultes"...
Des internautes, choquées par les références au premier acte sexuel d'une très jeune fille, signalent alors la vidéo à l'association de lutte contre les violences sexistes et sexuelles strasbourgeoises "Dis bonjour sale pute", qui dénonce le caractère "pédocriminel et violent" de la vidéo, et fait référence dans une publication à "la virginité comme trophée pour les hommes" ou encore à "la brutalité des gestes et la banalisation des violences obstétriques".
Et les réactions se multiplient. La grande majorité des internautes, extrêmement choqués, dénoncent l'attitude et les mots du cuisinier. Quelques-uns défendent son humour, qu'il met lui-même en avant pour expliquer son initiative. Joint par téléphone, il explique avoir déjà réalisé des pizzas "en forme de zizis. C'était juste la suite de ces pizzas-là : après les zizis, les vulves. Je suis papa de trois filles, je suis respectueux des femmes. Il n'y avait rien de méchant dans cette vidéo pour moi."
Je n'ai pas fait cette vidéo pour choquer et je ne pensais pas provoquer tout cela.
Le pizzaiolo dénoncé pour propos violents et sexistes
Il jure d'ailleurs qu'il parlait de "sexes d'éléphant et non de femmes", et entend le prouver en publiant un autre extrait de la séquence filmée et diffusée le 9 mars.
Vidéo retirée, mais pas d'excuses du pizzaïolo
La vidéo incriminée, qui a déjà dépassé les 40 000 vues est, elle, retirée. Mais il en poste aussitôt une autre, dans laquelle il refuse catégoriquement de s'excuser et fustige les féministes qui l'ont dénoncé sur les réseaux sociaux. Il pointe une certaine mauvaise foi lorsque personne ne réagit "aux pâtisseries en formes de pénis ou de vagins qui se vendent en ce moment dans des boutiques éphémères (en référence à une chaîne de pâtisseries qui a une boutique à Strasbourg, NDLR). Là, personne ne dit rien, personne n'est choqué !"
"Pour nous, c'est cette 2e vidéo qui a ajouté de l'huile sur le feu. Plutôt que de calmer le jeu en reconnaissant la maladresse, et c'est peu dire, de ses propos, il a envenimé les choses", regrettent les membres de "Dis bonjour sale pute". "Quant à sa comparaison avec les pâtisseries en question, nous continuons de dire que chacun mange bien ce qu'il veut, même des pizzas en vagin, si ça les amuse... Du moment qu'il n'y a pas d'irrespect et de violence à l'égard des femmes, ce qui était le cas dans cette vidéo : ce n'est pas la pizza que nous dénonçons, mais les propos tenus."
Insultes et menaces à l'égard du pizzaïolo
Après la publication de cette deuxième vidéo, les réactions se font de plus en plus violentes et haineuses à l'encontre du pizzaïolo. "J'ai reçu des milliers de messages d'insultes, de menaces même, ça ne s'arrête plus. On me dit "on va cramer ton établissement" ! C'est de la destruction !"
Une escalade qui inquiète également l'association féministe. "Le harcèlement, les messages violents, c'est justement ce que nous dénonçons.
Nous ne voulons pas mettre des hommes au bûcher, mais nous dénonçons tout forme de violence et d'irrespect à l'égard des femmes et de leur corps
Association "Dis bonjour sale pute"
"Et c'est toute la difficulté de cette situation : quand ce sont des hommes célèbres, comme Gérard Depardieu, qui sont pointés du doigt, ils sont inatteignables. Là, cet homme est strasbourgeois, reconnaissable par beaucoup, donc exposé aux réactions violentes... Nous n'avons jamais appelé à cela, nous avons simplement réagi à une énième attaque du corps des femmes, telle qu'elles existent malheureusement en grand nombre, notamment sur les réseaux sociaux. Mais tout cela prend des proportions inquiétantes."
Un climat délétère qui explique que nous ne relayons pas ces vidéos dans cet article et que nous préservions l'anonymat de ce pizzaïolo.
Plusieurs plaintes déposées
Car, à bout de nerfs, le pizzaïolo s'en est pris physiquement à l'un de ses détracteurs et a fini au poste de police. "Je lui ai mis trois baffes parce qu'il n'arrêtait pas de m'envoyer des messages, me taguer sur les réseaux... J'ai perdu mon sang-froid." L'homme a ce 11 mars porté plainte pour agression, tandis que le pizzaïolo en faisait de même à l'égard de "Dis bonjour la pute", pour diffamation.
Et c'est donc bien devant la justice que pourrait se régler l'affaire, puisque plusieurs femmes songent elles aussi à porter plainte pour incitation à la pédocriminalité et publication de vidéos incitant à la violence.
Pour tenter d'apaiser la situation, le pizzaïolo affirme vouloir publier une nouvelle vidéo pour reconnaître "une erreur". "Mon intention n'était pas du tout celle-là, et je veux l'expliquer." Pour l'heure, ses réseaux sont saturés, dit-il, il ne peut plus rien publier.