"Ça fait deux mois que je cherche, j'ai tout essayé, tout", la détresse des étudiants face à la crise du logement

Ils s'appellent Maka, Hadir, Mélissa. Ils sont tous étudiants à Strasbourg, aucun n'a réussi à se loger pour cette rentrée 2024. Loyers trop élevés, demandes de garanties trop restrictives, saturation du Crous, arnaques : la situation du logement étudiant est extrêmement préoccupante. Témoignages.

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Tout est parti d'un mot reçu dans notre boîte mail. Un appel au secours. Celui de Fahad Raja Muhammad, 19 ans, étudiant en 3ᵉ année d'école d'ingénieur. Le jeune homme est président de l'association EMF (Étudiants Musulmans de France). Il raconte la détresse à laquelle il est confronté quotidiennement. Celle des étudiants strasbourgeois qui n'arrivent pas à se loger. Ils sont presque une centaine. Recensés.

5 503 logements Crous pour 55 000 étudiants

La situation est largement connue. Strasbourg peine à loger ses 55 000 étudiants. Pour les boursiers, le Crous ne dispose, par exemple, que de 5 503 logements. Faites le calcul. Mais cette année, le phénomène s'est aggravé pour atteindre des proportions inédites." C'est littéralement la catastrophe. J'ai reçu 70 demandes sur Instagram, via le compte EMF. Les étudiants sont dans un état psychologique préoccupant. Mener leurs études tout en ne sachant pas où ils dormiront demain, imaginez. La ville doit écouter cette détresse, libérer des gymnases, des hangars, les aménager pour éviter que les étudiants vivent dans la rue. Une étudiante a dû dormir un mois devant la fac de chimie, dehors. J'ai alerté la ville, ils m'ont renvoyé vers un dossier administratif… qu'est-ce que vous voulez que j'en fasse ? Si Strasbourg n'est pas en capacité d'accueillir autant d'étudiants, pourquoi le fait-elle ?" 

Du côté de l'Afges (Association Fédérative Générale des Étudiants de Strasbourg) même constat. "Nous alertons sur la situation depuis longtemps, nous avons été contactés par des centaines d'étudiants, 400 exactement, depuis le mois d'août. Des étudiants à la rue, faute d'avoir obtenu une place au Crous, ou un appartement, victimes d'arnaques aussi", explique Chloé Heyd, présidente de l'Afges.

L'Afges finance et propose pour pallier l'urgence, 44 places dans une auberge de jeunesse."Toutes complètes en continu." Ce dispositif de logement provisoire, mis en place il y a 7 ans, permet, lors de chaque rentrée universitaire, aux étudiants ne trouvant aucun logement et risquant de n’avoir aucun toit au-dessus de la tête, d’être logés durant 11 jours renouvelables. 

Ça m'inquiète beaucoup. Je cherche depuis 22 jours. Le Crous ne répond jamais. Je manque même des cours pour aller visiter des appartements

Maka, étudiant

Maka, 19 ans, étudiant en maths-informatique, y est hébergé jusqu'à dimanche. Après, il ne sait pas. "Ça m'inquiète beaucoup. Je cherche depuis 22 jours. Le Crous ne répond jamais. Je manque même des cours pour aller visiter des appartements, je tombe souvent sur des arnaques, ils me disent d'envoyer de l'argent pour une simple visite. La première fois, j'ai perdu 150 euros comme ça, maintenant, je suis plus prudent. Franchement, je suis désespéré." 

Une paupérisation des étudiants

Dans son dernier rapport, l'Afges pointe les raisons d'un tel engorgement. La paupérisation des étudiants et le manque de résidences universitaires à Strasbourg.

Cout de la rentrée 2024 by France3 Alsace

Ainsi, d'après leurs calculs, le coût de la rentée pour un étudiant s'élève cette année à  3 100 euros, soit une augmentation de plus de 3% par rapport à septembre 2023. Augmentation des frais de scolarité, de la contribution de vie étudiante (CVEC), de l'assurance logement et des loyers. Ces derniers ont été marqués par une hausse de 2,8% pour atteindre 561 euros en moyenne, faisant du logement le 1ᵉʳ poste de dépense de la population étudiante. Et encore s'ils ont le budget nécessaire. "Nous, le budget des étudiants qui nous sollicitent tourne plutôt entre 300 et 500 euros", précise Fahad.

Avec un budget de 450 euros pas plus, je ne trouve rien. J'envisage de faire une collocation, avec des amis dans la même situation. On verra. Je ne sais vraiment plus quoi faire.

Mélissa, étudiante

C'est le cas de Mélissa, 19 ans, étudiante en sciences du langage."Je suis actuellement hébergée par une connaissance trouvée sur Facebook. Cela devait durer dix jours, ça fait plus d'un mois que j'y suis. Je pensais que ce serait facile de trouver un logement, mais là, j'ai tout essayé : le Crous, l'Afges, les agences immobilières, les sites de location. Avec un budget de 450 euros pas plus, je ne trouve rien. J'envisage de faire une colocation, avec des amis dans la même situation, on verra. Je ne sais vraiment plus quoi faire."

Burn-out

Concilier études et recherche d'appartement avec la menace de se retrouver dans la rue conduit à des situations très anxiogènes pour les étudiants.

J'ai des problèmes de santé, ça a un impact, je suis stressée oui, mais certains étudiants dans le même cas que moi ont fait un burn out.

Hadir, étudiante

Certains craquent, impuissants."Je suis hébergée chez une amie qui est dans une résidence étudiante. Je dors sur un matelas par terre. Je continue à chercher, ça fait deux mois que je cherche, je suis boursière, j'avais fait une demande au Crous qui n'a jamais abouti. Je suis allée voir une assistante sociale, des agences immobilières avec des conditions de garanties très restrictives. J'ai essayé les structures d'hébergement temporaires comme le centre Bernanos, les foyers étudiants. J'ai tout essayé. J'ai des problèmes de santé, ça a un impact, je suis très tressée oui, mais pas autant que certains étudiants dans le même cas que moi et qui ont fait un burn-out. C'est très alarmant", raconte Hadir, étudiante en sciences de l'éducation. 

Pour endiguer le phénomène et améliorer la situation des étudiants, l'Afges propose plusieurs actions concrètes. Revalorisation du montant des APL, augmentation du forfait charges, la suppression du mois de carence ou encore la reprise de versement rapide des APL en cas de déménagement. Elle enjoint également le Crous à construire de nouvelles résidences universitaires. À l'échelle nationale, le Crous ne propose qu'un logement pour quatre étudiants boursiers. Largement insuffisant.

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