"Singulier.e", c’est le nom de l’exposition présentée jusqu’au samedi 25 janvier 2020 à la galerie d’art, librairie, café L’Oiseau Rare de Strasbourg. Une exposition sur les sexes qui entend casser les codes et les normes.
Amateur de pornographie et de scandales s’abstenir. Sur les murs pâles de la galerie d’art L’Oiseau Rare de Strasbourg, à côté des rangées de livres de toute nature que l’on peut feuilleter en sirotant un jus de fruit, ce sont des verges, des vulves, des vagins couchés sur dessins ou sculptés en céramique qui attirent l’œil. Des petits pénis, des courbés, des grosses lèvres, des plus petites, pendantes, des sexes poilus. Voilà ça, c’est pour l’image.
La première vision brute, chirurgicale, de l’anatomie et de la matière, sur laquelle il ne faut pas s’arrêter et qu’il faut bien vite dépasser.
"Ce n’est pas une expo sur la sexualité, ce n’est pas non plus de la provocation", s’empresse de marteler l’artiste plasticienne Solène Dumas.
Son angoisse ? Que l’on enferme ses œuvres dans la mauvaise case. D’ailleurs les cases, ce n’est pas vraiment son genre à Solène. Remarque, le genre non plus ce n’est pas vraiment son crédo. Concrétement, "Singulier.e" c’est d’abord et surtout une exposition qui parle des sexes pour casser les préjugés, les codes et les normes imposés par la société.
"Je travaille sur la non-binarité de genre. Je souhaite que les spectateurs prennent conscience qu’on nous impose deux genres, le masculin et le féminin, alors que c’est beaucoup plus complexe que ça. Le curseur peut varier selon les personnes et selon les moments", explique-t-elle.
A 34 ans, la jeune alsacienne qui se destinait à l’industrie céramique avant d’épouser le domaine de l’art, part en croisade contre la théorie du genre et les étiquettes. Le droit à différence, elle le porte déjà depuis un certain nombre d’années. Dans ses précédentes créations, c’est le corps humain dans son ensemble qui se révèle.
"Pour moi, c’est intéressant de comprendre l’évolution de l’être humain à travers l’anatomie. C’est révélateur. Cela me permet aussi de questionner le lien entre le physique et le mental."
Son travail sur les sexes a débuté il y a cinq ans déjà. "Le premier sexe que j’ai moulé, c’était un sexe avec un hymen recousu. J‘ai voulu aborder la place des femmes. Dans certains pays, on les obligent à être vierges pour se marier et on va jusqu’à les mutiler si elles ne le sont pas. C’est extrêmement violent. Je veux que les gens s’ouvrent et déconstruisent ce que la société nous impose".
Pour cette nouvelle exposition, elle a fait appel à une trentaine de modèles sélectionnés en fonction de leurs particularités. "Certaines femmes ont l’impression de ne pas avoir de belles vulves ou de belles lèvres parce que les images que l’on nous renvoie habituellement sont lisses. Mais la différence et la singularité sont importantes".
Au-delà du physique, il y a les témoignages de ceux qui s’exposent. Ni hommes, ni femmes, mais des êtres tout simplement. Pour certains, transgenres, intersexes, en recherche d’identité, parfois.
"Ces témoignages viennent contrecarrer l’idée que l’on pourra se faire d’une œuvre où il y a un pénis ou une vulve. Il ne faut pas s’arrêter au visuel. Il faut essayer de comprendre l’ensemble pour être confronté à l’être. La question des stéréotypes est déterminante dès l’enfance. Si on ne correspond, on est mis de côté, on n’est pas respecté, ça génère de la souffrance".
Pour le moment, seule une vingtaine d’œuvres est présentée. Une sorte d’amuse-bouche avant une plus grande exposition prévue en septembre prochain à l’espace du 59 Rivoli à Paris. D’ici-là, Solène Dumas souhaiterais trouver d’autres modèles pour étoffer sa collection, renforcer son message d’ouverture.
"C’est un thème casse-gueule, je le sais. Je m’attends à la virulence de certaines personnes sur le sujet," avoue-t-elle, heureusement convaincue que l’art peut permettre de redorer le visuel des sexes et surtout nous rendre un peu plus tolérants.