Haguenau : des œuvres d'art vendues aux enchères, le 1er décembre, au profit de l'accueil de demandeurs d'asile

Depuis près de 7 ans, à Haguenau, l'association ARDAH (Accueil des réfugiés et demandeurs d'asile à Haguenau) héberge et soutient des familles de demandeurs d'asile. Ce 1er décembre, elle vend aux enchères une centaine d'œuvres d'art pour renflouer ses caisses.

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L'association ARDAH est née début 2016 à Haguenau, quelques mois après la diffusion de la photo de l'enfant syrien noyé, qui a ému l'Europe. Des paroissiens de différentes confessions se regroupent et décident d'accueillir et d'héberger une famille syrienne, dans un appartement mis à leur disposition.

"On a tous été marqués par l'afflux de migrants syriens" explique Catherine Heller, actuelle présidente de l'association. "On était dans un élan généré par ces foules qui nous arrivaient. Et on s'est dit : si chacun fait un peu, on y arrivera."

Au départ, ils étaient une bonne dizaine de membres. Près de sept ans plus tard, ils sont plus d'une centaine. Et une demi-douzaine de familles de diverses nationalités a déjà transité par le logement. Des familles qu'ARDAH accompagne et aide, financièrement et moralement, jusqu'à l'obtention de leur titre de séjour, et souvent bien au-delà.

Ce 1er décembre 2022, dans la salle de la Douane à Haguenau, l'association organise aussi une vente aux enchères d'une centaine d'œuvres (tableaux, sculptures, céramiques et objets de décoration) offertes dans ce but par des artistes locaux. Les fonds récoltés lui permettront de mieux poursuivre sa mission.

Une belle histoire

Fin 2015, suite à l'appel du pape François "aux paroisses, aux communautés religieuses (…) de toute l'Europe d'accueillir une famille de réfugiés", des paroissiens de Haguenau, catholiques et protestants, se mobilisent. Le 21 janvier, un couple leur met à disposition un appartement de deux pièces, et ils décident d'y accueillir des demandeurs d'asile.

A peine dix jours plus tard, Kholoud Reshah-Almommar arrive avec ses deux enfants, Lilith, 7 ans, et Naram, 3 ans. Cette institutrice syrienne venait de passer trois mois en transit au Liban où elle attendait son visa. "Je ne parlais pas un mot de français à ce moment-là" se souvient-elle. Le soir de leur arrivée, "des personnes de l'association avaient préparé un repas pour nous rencontrer. Tout était comme un rêve. C'était un petit appartement de 30m2, mais pour moi, c'était comme un palais."

Puis l'association l'a soutenue dans sa demande d'asile. "A chaque fois, j'étais accompagnée, je n'étais jamais seule" raconte la jeune femme. Et durant ses démarches "d'autres membres proposaient de garder les enfants. C'est ça, la qualité d'ARDAH, c'est un peu familial."

Tout était comme un rêve. Ce petit appartement de 30m2, c'était comme un palais.

Kholoud Reshah-Almommar

Son mari a pu les rejoindre, et ils sont restés 6 mois dans l'appartement. Après l'obtention de leur statut de réfugiés, ils ont eu droit à des aides de la CAF (Caisse d'allocations familiales) et pu trouver un autre logement. "Mais même après, l'association était toujours là. Elle nous a accompagnés jusqu'à ce qu'on soit devenus vraiment indépendants, dans tous les sens du terme" s'exclame Kholoud Reshah-Almommar.

Aujourd'hui elle travaille comme aide à la vie scolaire et envisage de reprendre des études. Son mari fait partie de l'encadrement d'une association d'insertion. Leur fille Lilith est en 3e. Et Naram, 10 ans, fréquente déjà le collège, car il a sauté une classe.

D'autres histoires ont suivi

Entretemps l'appartement a été occupé par de nouvelles familles. D'origine syrienne, afghane, albanaise, bosniaque, arménienne… "Notre association paie les charges pour l'appartement" précise Laurent Knepfler, autre membre fondateur. "Dès que les familles accueillies touchent au moins le RSA, on leur demande de participer aux charges, pour une première étape vers leur autonomie."

Mais l'accueil est toujours prévu dans la durée. "On apprend à se connaître" explique Catherine Heller. "Et l'association, ce sont des gens de ma génération, au-delà de 50 ans. Alors que les familles qui nous arrivent pourraient être nos enfants. D'où, peut-être, une envie de les protéger."

La prise en charge des "besoins primaires : un toit, à manger, des habits" évolue toujours au fil du temps. "Au bout d'un moment, il faut aider les personnes à trouver une place dans la société, à se former, chercher un emploi", détaille la présidente.

"On leur paie aussi le permis de conduire" si besoin, ajoute Christine Knepfler, autre membre d'ARDAH. "Ça fait partie de l'intégration." Dans ce but, l'association aide aussi les familles à envoyer leurs enfants "en classe verte, aux camps scouts, ou à fréquenter l'école de musique."

Passer de la phase d'accompagnateurs à celle d'amis est aussi une réussite.

Catherine Heller

Lorsque la famille a acquis suffisamment d'autonomie pour voler de ses propres ailes, "on sent qu'on doit prendre du recul", reconnaît Catherine Heller. Mais cela ne signifie pas forcément rompre le contact, bien au contraire. Pour les membres de l'association, "passer de la phase d'accompagnateurs à celle d'amis est aussi une réussite." Ce que Kholoud Reshah-Almommar confirme : "On est entrés dans l'amitié. On s'invite les uns les autres, on mange ensemble."

"Et on est toujours en lien avec une famille partie dans le Sud de la France, et une autre aujourd'hui établie à Wissembourg", ajoute Christine Knepfler.

De l'aide sous d'autres formes

Outre le suivi des familles qui passent par son appartement, ARDAH s'est engagée dans d'autres formes d'aide. Certains de ses membres ont monté un réseau d'intervenants bénévoles qui donnent des cours de français.

"Et rapidement, on nous a rendus attentifs à d'autres situations" se souvient Christine Knepfler. Dès 2016, ils apprennent qu'une autre famille syrienne vit déjà à Haguenau, et cherche des contacts. "C'étaient des économistes de Damas, aujourd'hui établis à Strasbourg. Ils avaient besoin d'un peu de présence et de convivialité" précise Laurent Knepfler.

Confrontée à certaines réalités humaines, l'association a aussi quelque peu revu ses objectifs initiaux. "Au départ, c'était clair dans nos statuts : pas de déboutés, et on s'occupe d'une seule famille, pas plus" rappelle Christine Knepfler. "Mais quand certains membres d'ARDAH ont fait la connaissance d'enfants scolarisés déboutés, on a étendu notre action à des familles qui ne rentraient pas dans notre projet d'origine."

"Une fois qu'on rencontre les personnes, qu'il y a des noms, des visages, ça change notre perception" reconnaît Catherine Heller.

Près de deux ans avant le début de la guerre en Ukraine, ARDAH est aussi amenée à protéger une famille ukrainienne de huit personnes, "partie dès 2014-2015 des régions occupées. A l'époque, personne ne connaissait ce coin de Russie. On comprend mieux leur situation aujourd'hui" raconte Christine Knepfler. ARDAH a logé cette famille dans un autre appartement, en payant le loyer et la nourriture durant des mois. Ils ont été déboutés plusieurs fois avant d'obtenir enfin le statut de réfugiés.

Des suivis administratifs spécialisés

En une bonne demi-douzaine d'années d'existence, l'association est devenue une référence au niveau local. "Nous sommes connus et reconnus au niveau de la ville", se réjouit Catherine Heller. L'association s'est dotée d'un téléphone portable que ses membres se passent selon leurs disponibilités, afin de rester joignables à tout moment.

Je me suis occupé de situations que des assistantes sociales me sous-traitent.

Laurent Knepfler

De son côté, Laurent Knepfler s'est spécialisé dans les questions administratives complexes. Et des assistantes sociales font appel à lui si elles sont confrontées à des situations difficiles. "Je me suis occupé d'Algériens, de Tunisiens, de situations que les assistantes sociales me sous-traitent" sourit le bénévole. L'association a aussi noué des contacts avec des avocats et n'hésite pas à se renseigner auprès d'associations spécialisées, comme le Casas (Collectif pour l'accueil des demandeurs d'asile à Strasbourg) et la Cimade.

Un travail de sensibilisation

Depuis sa création, ARDAH propose aussi des actions d'information et de sensibilisation au droit d'asile. "On a les deux volets dans nos statuts : le côté accueil et le côté militant" précise Catherine Heller. Chaque année, aux alentours du 20 juin, journée mondiale des réfugiés, l'association organise donc "une animation grand public en ville" : chaîne humaine, soirées spectacles, micros-trottoirs pour interpeller les passants.

Le site internet de l'association a été créé par un réfugié d'origine syrienne qu'elle accompagne. Journaliste dans son pays, il a fait une formation de webmaster après son arrivée en France. "C'est lui qui a conçu et construit notre site. Mais il n'a pas trouvé de poste dans ce domaine, et travaille aujourd'hui en cuisine" dans une chaîne de fast food, regrette Catherine Heller.

Rester au niveau local pour plus d'efficacité

Bien implantée, ARDAH ne souhaite pas s'étendre. "On se focalise sur Haguenau et ses environs immédiats. On n'a pas envie de s'agrandir" explique Christine Knepfler. Pour ses membres, ce sont justement cette implantation locale, et le suivi personnalisé offert aux familles, qui sont gages d'efficacité.

D'autres associations du même type existent ailleurs, comme HOPe à Gries, ou Sofar à Soultz-sous-Forêts, mais également à Soufflenheim ou Scharrachbergheim. ARDAH transmet volontiers ses statuts aux groupes qui veulent se lancer et propose de leur prêter main-forte au moment du démarrage. "Partout, on peut faire ce genre de choses, il suffit de quelques personnes de bonne volonté" affirme Christine Knepfler.

Dans son appartement, l'association s'apprête à accueillir début janvier 2023 une nouvelle famille syrienne, une maman et son fils, qui attendent eux aussi leur visa au Liban. "Et là, on s'apprête à reprendre un accompagnement de proximité" se réjouit Catherine Heller.

La vente aux enchères de jeudi 1er décembre

Ce jeudi 1er décembre, l'association organise donc une grande vente aux enchères d'une centaine d'œuvres offertes par des peintres et des sculpteurs locaux. A l'origine de cette initiative : une pyrogravure réalisée par Kholoud Reshah-Almommar.

"En 2020, Khouloud a souhaité nous remercier en nous offrant un panneau de bois sur lequel elle avait pyrogravé la prière du Notre Père en calligraphie arabe. Elle a proposé qu'on la vende pour récolter quelques fonds" raconte Catherine Heller. Une autre membre de l'association, notaire, a alors proposé d'organiser une vente aux enchères.

Resté dans les tiroirs durant la crise du Covid, le projet a pris forme lorsque l'association a fait appel à une quinzaine d'artistes prêts à lui donner quelques œuvres supplémentaires. "Et ça se concrétise enfin" se réjouit Catherine Heller. "Pour nous c'est une grande première, une grande aventure."

L'événement se déroulera dans la salle de la Douane à Haguenau. Les pièces, de taille, nature et mise à prix variées, seront exposées de 19h30 à 20h15. La vente débutera à 20h20 et sera clôturée par le tirage d'une tombola proposée en prévente et un buffet convivial.

Renseignements sur le site de l'association, par courriel contact@ardah.org ou au 07 49 25 05 99.

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