Pour dénoncer les carences du système d'hébergement d'urgence, cinq grandes Villes, dont Strasbourg, ont décidé de poursuivre l'État en justice. Elles déposent en février 2024 des recours indemnitaires contentieux auprès de leurs tribunaux administratifs respectifs.
Le recours avait été entamé en décembre 2022. Plusieurs grandes villes françaises, qui œuvrent à la mise en place d'hébergements d'urgence et d'accompagnement social pour les sans-abris, avaient décidé de saisir l'État pour dénoncer son inaction.
Après des recours déposés auprès des préfectures en 2023, l'État n'avait pas souhaité donner suite. Raison pour laquelle les Villes de Strasbourg, Rennes, Bordeaux, Grenoble et Lyon ont poursuivi le combat juridique en ce mois de février 2024 dans le but "d’instaurer enfin une véritable politique de mise à l’abri".
Dans un communiqué, la ville de Strasbourg évoque notamment le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, qui fait état d'une crise du logement qui s'aggrave malgré les "alertes de terrain". Elle dénombre près de 330 000 personnes sans domicile fixe, dont 3 000 enfants à la rue.
"Il est temps que le chef de l'État apporte une réponse"
Lors d'une conférence de presse, organisée jeudi 15 février, Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg, dénonce le système "inadapté, insuffisant, inefficace et absolument indigne" des hébergements d'urgence. "Les plans 'Grand froid' sont sporadiques, il y a des remises à la rue massives et c'est un public toujours plus vulnérable, j'insiste sur ce point", ajoute la maire écologiste.
Aux côtés de Nathalie Appéré, maire de Rennes, Grégory Doucet, maire de Lyon, Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, et Eric Piolle, maire de Grenoble, Jeanne Barseghian demande la refonte du système et des mesures fortes de la part de l'État. "Ce qui est flagrant, c'est le silence de tout le gouvernement de manière générale."
Les cinq maires ont ainsi déposé des recours indemnitaires contentieux après que le recours gracieux auprès de leurs préfectures n'a reçu aucune réponse en octobre 2023. "Le délai de réponse était de deux mois. Il a expiré en décembre, ce qui nous amène aujourd'hui à activer le levier contentieux, cette fois devant nos tribunaux administratifs. Il est temps que le chef de l'État apporte une réponse."
Une indemnité financière demandée
Outre l'amélioration des conditions d'hébergement des sans-abris, "la priorité de ce recours", les cinq Villes veulent un dédommagement financier de la part de l'État. "Ils traduisent les dépenses que nos villes ont dû mettre en œuvre pour faire face aux besoins sociaux qui explosent", explique Jeanne Barseghian. La maire évoque notamment l'ouverture du gymnase Branly fin 2022, pour accueillir des centaines de sans-abris, et qui avait coûté à la Ville plus de 900 000 euros. "Nous faisons beaucoup de choses dans nos villes respectives, souvent au-delà de nos moyens."
La problématique est partagée par les quatre autres maires. "À Rennes, cela fait de nombreuses années que nous sommes engagées pour qu'aucun enfant ne dorme dans les rues. C'est ce qui nous a amené à constituer, au regard des carences de l'État, des capacités propres à héberger des sans-abris", témoigne de son côté Nathalie Appéré.
Des critères "restrictifs" et des places d'hébergement insuffisantes
Invitée sur le plateau de France 3 Alsace, dans l'édition du journal de 19h ce jeudi 15 février, la maire de Strasbourg a expliqué vouloir obtenir plusieurs réponses précises de l'état. Tout d'abord sur les capacités d'hébergement d'urgence. "On nous avait annoncé avant le remaniement 120 000 millions euros supplémentaires pour l’hébergement d’urgence, ce qui permettrait de créer à peu près 10 000 places. Tant mieux, sauf que depuis, les ministres ont changé. Qu’en est-il aujourd'hui ?", se questionne-t-elle.
Jeanne Barseghian a aussi évoqué la nécessité de " refonder profondément ce système d’hébergement à la source", en se mettant autour de la table : État, collectivité, département et acteurs de la solidarité. Elle pointe également les critères d'éligibilité " extrêmement restrictifs" pour pouvoir accéder à un hébergement d'urgence. " Aujourd’hui, il faut être extrêmement malade ou être une femme enceinte ou avoir un nourrisson dans les bras", termine-t-elle.