A 95 ans, Simone Polak est l'une des dernières survivantes de la Shoah à Strasbourg. Après avoir longtemps gardé le silence, elle donne de nombreuses conférences depuis plusieurs années et a co-écrit deux livres. Ce mercredi 15 mai 2024, elle a reçu la médaille d'honneur de la ville devant un parterre de représentants de la communauté juive et de lycéens.
Simone Polak est une rescapée du camp d'Auschwitz, l'une des dernières survivantes de la Shoah à Strasbourg. Invitée ce mercredi 15 mai par la ville à l'occasion de son tout récent 95e anniversaire, elle vient témoigner de son vécu. Dans la salle, des représentants de la communauté juive et des lycéens sont venus l'écouter.
D'une voix sûre et posée, parfois avec humour, Simone Polak raconte toute l'horreur de ce périple qui a marqué sa jeunesse. Malgré son grand âge, sa mémoire semble inaltérée, les souvenirs s'enchaînent, intacts.
Alors que nous étions en Alsace depuis très longtemps, les nazis nous ont mis à la porte
Simone Polak
Née en 1929, Simone Polak grandit dans le nord de l'Alsace, à Saverne (Bas-Rhin). En 1940, elle est contrainte de fuir la région avec sa mère et son petit frère, comme de nombreux autres juifs. "Très vite, nous sommes arrivés à cette ligne de démarcation qui, à l'époque, était une simple barrière. Alors que nous étions en Alsace depuis très longtemps, les nazis nous ont mis à la porte".
Ils se réfugient, avec d’autres familles juives à Gevingey dans le Jura, petit village alors situé en zone non occupée. Ils y restent tous les trois jusqu'en avril 1944 dans des conditions "à peu près correctes". Le 27 avril de cette année, la vingtaine de réfugiés juifs du village est arrêtée par un détachement de la Wehrmarcht. "Le village a été encerclé et on a arrêté tous les juifs".
Après une étape au camp de transit de Drancy, près de Paris, la famille est déportée à Auschwitz-Birkenau en mai 1944 par le convoi 74.
Ma mère et mon frère sont partis à la douche mortelle
Simone Polak
Dans les wagons à bestiaux du convoi, 1200 personnes sont entassées durant les trois jours du trajet. À l'arrivée, le frère et la mère sont séparés de Simone Polak. "Il y avait deux chemins possibles. À droite, le chemin était mortel, un officier SS m'a envoyée à gauche, ma mère et mon frère sont partis eux à la douche mortelle".
Alors âgée de 15 ans, elle est sélectionnée pour le travail parmi 150 femmes et autant d'hommes. "On nous a installés nus sur des gradins après nous avoir tondus et tatoués. On nous a jeté ensuite des vêtements qui provenaient des convois précédents".
Après plusieurs mois passés dans le camp pour les femmes d’Auschwitz-Birkenau, où elle travaille comme cantonnier, elle est transférée dans le camp de concentration de Bergen-Belsen. Elle est finalement transférée dans celui de Theresienstadt, dans l'actuelle Tchéquie, d'où elle sort en janvier 1945, libérée par l'Armée rouge.
Elle est rapatriée en France quelque temps plus tard, très affaiblie, malade. "J'avais une tuberculose osseuse, ce n'était pas encore l'époque des antibiotiques, j'ai été malade pendant sept ans". Simone Polak est l'unique rescapée de la rafle du 27 avril 1944. Ce n'est que 70 ans plus tard, à l'occasion de la cérémonie de la libération d'Auschwitz en 2015 que germe en elle le désir de parler. Depuis, elle témoigne régulièrement de son vécu dans les établissements scolaires et elle a coécrit deux livres pour partager le souvenir de l'horreur de l'idéologie nazie. Le titre du dernier, "Agis comme si j’étais toujours à tes côtés", reprend ce que lui avait recommandé sa mère juste avant leur séparation.
Cet engagement lui a valu de recevoir la médaille d'honneur de la ville de Strasbourg des mains de la maire, Jeanne Barseghian.