Marche pour l'égalité et contre le racisme, trente ans après, les marcheurs reviennent sur leur action militante

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À Paris, le 3 décembre 1983, la grande marche pour l'égalité des droits et contre le racisme marque le début de la prise de conscience du climat de violence subi par les jeunes issus de l'immigration.
La marche pour l'églité des droits et contre le racisme ©France Télévisions

Octobre 1983. Des faits divers sordides se répètent : partout en France, de jeunes gens d'origine arabe subissent des violences, voire sont parfois tués dans l'indifférence générale. À Marseille, un groupe de copains d'une cité décide de répondre à cette violence par de la non-violence en se lançant un défi fou : rejoindre Paris à pied pour dénoncer le climat de peur qu'ils subissent alors. Ils s'élancent dans la marche pour l'égalité et contre le racisme.

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"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait" (Mark Twain 1835-1910).

C'est un énième drame en région parisienne qui va déclencher le mouvement d'une quinzaine de jeunes Maghrébins d'une cité de Marseille. À la Courneuve (Seine-Saint-Denis), Toufik Ouanes, âgé de dix ans, est abattu battu un voisin de quartier, excédé par le bruit des pétards. Le tireur est condamné à cinq ans de prison dont deux avec sursis ; sa peine reflète le climat de racisme qui règne alors dans les années 80. 

À Marseille, un groupe de jeunes gens et de jeunes filles, issus de l'immigration, se lance dans une marche jusqu'à Paris pour dénoncer ce climat de peur perpétuelle dans laquelle ils vivent. L'histoire commence ici.

Voici trois bonnes raisons de regarder le documentaire "Marche et rêve" de Nina Robert et Charlène de Vargas en lien ici. 

1. Parce que les moins de 30 ans peuvent ne pas connaître

Si vous avez moins de trente ans, il est possible que cette histoire vous paraisse un peu folle. Et pourtant, elle fut. La France en ce temps-là baigne dans un climat de racisme assumé. La guerre d'Algérie, moins de deux décennies plus tôt, a laissé un goût amer à bon nombre de Français. Il n'est pas rare alors d'entendre des injures racistes et de lire dans la rubrique fait-divers les attaques dont sont victimes des Arabes.

Pire, des meurtres sont perpétrés ici et là en France sans que ni l'opinion publique, ni la justice ne s'émeuvent à la hauteur des faits. "On a grandi dans une espèce de lieu un peu fermé. J'avais cette impression que je ne pouvais pas aller plus loin que mon quartier. Des meurtres, on en a vus beaucoup et on commençait à avoir peur. On ne franchissait pas la frontière [ndlr : du quartier] de peur d'un mauvais contrôle qui se passe mal", déclare Djamel Atallah, ancien marcheur.

Un premier signe de révolte s'annonce fin mars 1983, à Lyon. Après un incident entre des policiers et des jeunes des Minguettes, ces derniers entament une grève de la faim pour protester contre les violences policières à leur égard. Les médias s'emparent de l'information.

Et après un ultime meurtre, d'un enfant de dix ans, en juillet de la même année, à la cité des 4.000 à la Courneuve (Seine-Saint-Denis) un groupe de copains d'une cité de Marseille décidé d'agir. À la mi-octobre, ils quittent à pied leur quartier pour dénoncer, auprès de qui voudra bien les entendre à Paris, ce climat de haine dans lequel ils ne veulent plus vivre.

"J'ai marché pour mieux vivre et pour permettre à des jeunes de ne pas mourir" déclare l'une d'entre eux. C'est le départ de ce qui deviendra la marche pour l'égalité des droits et contre le racisme. 

Une ambiance et une histoire tellement incroyables que même Fatiha, la fille de Djamel Atallah a eu un peu de mal à croire lorsqu'il lui racontait ses souvenirs. Tout comme Selma Amar, fille de Malika Boumédiène : "C'est surprenant pour moi de voir que ma mère a fait ça". Et pourtant, c'est vrai, avec leurs camarades, ils ont fait bouger les lignes.

2. Pour écouter les Marcheurs et Marcheuses

Adieu vestes en jean, tennis en toile, coupes de cheveux dans le vent et keffieh ! Les Marcheuses et les Marcheurs sont devenus de fringants quinqua, voire sexagénaires. Ils témoignent à côté de leurs enfants et de certains de leurs parents. Ils se replongent dans l'ambiance du début des années 80 qu'ils reconstituent. 

Trente ans après la Marche pour l'égalité et contre le racisme, les témoins actifs de ce changement paraissent encore ébahis par la mobilisation qu'ils ont engendrée. "Cette marche était nécessaire parce que les jeunes adultes que nous étions, avions senti très vite qu'on n'avait pas les mêmes droits.", dit l'un d'eux. "J'avais conscience du racisme ambiant : on ne nous répondait pas de la même manière, on ne nous voyait pas de la même manière. Tu penses que tu es Français et on te renvoie une image d'étranger", ajoute Farid l'Haoua, un autre marcheur.

Leurs témoignages, enrichis d'archives et de photos de leur longue marche, démontrent la solidarité et la force d'un groupe qui fait boule de neige. Ils emportent l'adhésion partout où ils passent, sont appelés dans des villes de plus en plus éloignées de leur parcours. Les souvenirs s'enchainent pour parler de ceux qui ne sont plus là et pour témoigner et des moments clés. Grenoble, Strasbourg, Lunéville avec le dépôt de fleurs en hommage à Habib Grimzi, littéralement jeté hors du train Bordeaux-Vintimille par trois candidats à la légion. De grands moments d'émotion qui alternant avec des moments joyeux, festifs.

Leur histoire s'écoute comme celle de tous les héros. On ne peut s'empêcher de s'imaginer à leurs côtés, en défenseur des opprimés.

3. Pour voir le chemin parcouru et celui qui reste à faire

Le 15 octobre 1983, une quinzaine de copains s'élance pour une grande marche à pied vers Paris. Un mois et demi plus tard, ils seront rejoints par 100.000 personnes pour la marche finale entre Bastille et Montparnasse.

Les Français, rencontrés sur le parcours long de 1.200 km et ceux réunis à Paris, affirment ensemble leur refus du racisme. Les politiques sont enjoints à s'associer au mouvement par l'opinion publique. Georgina Dufoix, Jack Lang les rejoignent.  "Ils sentaient que l'opinion publique basculait du bon côté de la force", reconnaît Farid l'Haoua. Mitterrand reçoit une délégation des Marcheurs à l'Élysée. L'image est forte, le résultat un peu moins. "D'une histoire individuelle, on est passé à une histoire collective ; puis à un message et des actes politiques.", s'enorgueillit tout de même Farid, militant de la première heure.

Quelques lignes bougent cependant : ils obtiennent la carte de séjour d'une durée de dix ans renouvelable, et le président de la République leur promet une loi plus dure contre les crimes racistes et le droit de vote aux élections locales. Les récupérations politiques et associatives auront raison de leur mouvement.

Les Marcheurs et Marcheuses regardent avec un petit goût amer ce qu'ils ont laissé derrière eux. Leurs espoirs engendrés par l'arrivée de la gauche au pouvoir se sont mués en désillusions. Leurs enfants, après eux, reprendront le combat.

 

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