Après l'enfance, Arnault Pfersdorff s'intéresse à une période peu banale pour n'importe quel individu : l'adolescence. Le pédiatre strasbourgeois publie un nouvel ouvrage sorti ce 25 septembre, comme un mode d'emploi à destination des parents d'ados.
Face à leur adolescent, les parents d'aujourd'hui sont encore plus dépassés que les générations précédentes. C'est le constat d'Arnault Pfersdorff, pédiatre à Strasbourg (Bas-Rhin). La faute, d'abord, à cette période particulière qui dure plus longtemps. "Il y a 50 ou 100 ans, on estimait que ce passage de l'enfance au monde adulte durait six mois, un an, précise le docteur Pfersdorff. On se disait que l'ado irait travailler et que ça lui passerait".
Mais aujourd'hui, ça peut commencer tôt. "On parle de préadolescence à partir de 8 ans chez les filles, 9 ans chez les garçons." Et c'est le début d'une période complexe. "Le corps change, on n'a plus du tout le même physique qu'avant. Et cela s'accompagne de changements psychologiques. Il s'agit de trouver sa place dans ce monde d'adulte."
Mais pour autant, pas de fatalisme ! Arnault Pfersdorff s'attache donc dans son nouvel ouvrage (Votre ado : le décrypter, le motiver, l'aider à s'accomplir, paru le 25 septembre 2024 chez Hatier) à donner des clefs aux parents, et notamment dans la gestion d'un objet qui cristallise parfois les tensions : le téléphone portable.
Pourquoi cette génération d'ados est-elle si particulière ?
Elle a accès aux smartphones et aux réseaux sociaux. Et dès que, en tant que parent, vous commencez à donner une information, ils vérifient et si besoin, ils disent que vous vous trompez. Le parent se sent en péril, et a l'impression que son autorité est remise en question. Cette opposition est nécessaire et doit permettre de construire quelque chose par la suite.
Il est important que les parents se renseignent, sachent de quoi on parle, à quoi s'intéresse leur ado, pour ensuite mieux discuter et mieux échanger. "Montre-moi ce que tu regardes, explique-moi ce qui te plaît là-dedans, etc." Ce qui compte pour l'ado, c'est de sentir ce qu'il peut apporter aux autres, et notamment à la génération du dessus. Et c'est ça qui permet d'établir un début de dialogue.
Mais ce n'est pas qu'un problème de smartphone ?
Sans culpabiliser, il y a une indéniable responsabilité des parents. Certains sont aujourd'hui dépassés par les écrans, mais ils sont beaucoup à avoir mis leurs enfants devant trop tôt, pour avoir un moment de calme. Et on sait que les enfants adorent les images. Je vois aujourd'hui, dans ma salle d'attente, des jeunes qui sont accrochés à leur écran de téléphone, et qui ne lèvent pas les yeux quand il s'agit de suivre les parents jusqu'à la salle de consultation. Les parents doivent poser un cadre évolutif, "ce mois-ci, c'est comme ça, le mois suivant, on adapte". Et il est dur de ne pas céder à la surenchère, par exemple quand l'enfant vient réclamer un smartphone quand les copains de son âge en ont déjà un. Le parent doit être vigilant.
Dans le fond, est-ce qu'il faut dédramatiser ?
Oui car parfois, dans le feu de l'action, on s'énerve, et ça m'est arrivé aussi. L'objectif, c'est de se dire que c'est un ado, c'est un passage difficile vers un monde adulte dont il ou elle n'a pas forcément envie. Mais ça n'est pas la peine de lui rappeler qu'on a été soi-même ado, ça ne sert à rien. Pour revenir aux écrans, il va se construire avec ces outils. Il ne faut pas les interdire, parce que ça fait partie de l'environnement. Il va apprendre des choses. Il faut être dans l'échange, lui expliquer, l'accompagner. Car le grand drame, ce sont ces chiffres récents. Les adolescents français passent en moyenne 35 heures par semaine devant un écran.
Donner l'exemple, c'est toujours aussi important ?
Le monde adulte a un rôle à jouer. Oui, il faut donner l'exemple. Je rappelle qu'il ne faut pas avoir son smartphone à table, il est important de l'éteindre.
Arnault Pfersdorff est également chroniqueur dans l'émission "La maison des Maternelles" de France 2.