Après avoir subi des moqueries lors de son installation au printemps, et avoir suscité la curiosité tout l'été, voilà que le petit potager situé devant la gare de Strasbourg voit la qualité de ses légumes remise en cause par l'opposition municipale. La mairie se défend et évoque un bilan "plus que positif".
Il a beau toujours attirer les regards des voyageurs de passage sur la place de la Gare, le petit potager installé au beau milieu de cette zone centrale de la ville semble s'être, en quelques mois, bien intégré au paysage. Pourtant, si le principe de faire pousser des légumes pour en faire bénéficier l'association "L'Étage" fait l'unanimité, l'emplacement, lui, fait toujours débat, et continue de diviser les élus.
Le dernier débat en date porte sur la qualité des légumes produits au printemps et cet été sur cette parcelle. Dans une lettre envoyée à la maire Jeanne Barseghian (EELV), Nicolas Matt, conseiller municipal d'opposition (Renaissance) de Strasbourg et vice-président de la collectivité européenne d'Alsace , questionne l'absence de communication sur de potentiels "dangers pour la santé publique que pourrait représenter la consommation de fruits et légumes cultivés dans un tel environnement défavorable".
Il demande donc à la municipalité "si des analyses des récoltes ont pu être faites pour s’assurer de leur
consommabilité", notamment en raison des "risques sanitaires liés à la consommation de fruits et légumes plantés dans une zone aussi exposée à la pollution routière, aux déchets divers, aux activités illicites telles que la vente et la consommation de drogue, ainsi qu’à la prolifération des rats et autres espèces nuisibles", selon l'élu. Le tout, "dans un souci de transparence envers les Strasbourgeois".
Des propos "totalement déconnectés de la réalité de ce qu'est une ville"
Devant ce fameux potager, les avis des passants divergent aussi sur la question. La majorité souligne cependant que ces demandes de Nicolas Matt sont un peu utopiques, comme Christian qui pense que "s'il faut tout faire parfait, et bah on le fera pas". De même pour Camille, qui estime que ce potager est "une base qui est mieux que rien" pour aider à nourrir les sans-abris. Jerry se demande tout de même "pourquoi ne pas faire l'action jusqu'au bout en étant transparent sur tout".
Du côté de la mairie, l'adjointe notamment en charge de la nature en ville, Suzanne Brolly, se défend, expliquant par exemple qu'il y a eu un apport de terre à la création du potager pour garantir une qualité nutritionnelle. Concernant la pollution, selon elle le potager du parvis de la Gare est "un peu surélevé" et ne se situe "pas au ras de la route", ni dans les zones de pics de pollution.
Ce potager n'est pas au ras de la route
Suzanne Bailly,Adjointe à la maire de Strasbourg
L'élue reconnaît cependant que "sur le plan sanitaire, ce n'est évidemment pas parfait", avant de rappeler que si on regardait la pollution atmosphérique présente partout en ville, "on ne pourrait tout simplement pas faire de jardins à Strasbourg, ni les jardins familiaux à proximité de l'autoroute, ni les 146 parcelles de jardins collectifs".
En clair, les propos de Nicolas Matt seraient "totalement déconnectés de la réalité de ce qu'est une ville". Suzanne Brolly estime finalement que le bilan de ce qui était un essai s'est révélé "plus que positif", et annonce sa reconduction avec de nouvelles plantations à venir.
Pour Nicolas Matt, une "politique de l'autruche"
"Je suis un petit peu choqué par ces propos de l'adjointe au maire", réagit Nicolas Matt, joint par téléphone. "Ça me consterne qu’on ne prenne pas ces questions de sécurité alimentaire au sérieux quand on se dit mairie écologiste", qualifiant cette réponse de "politique de l'autruche".
Il ajoute que s'il est conscient que "l'agriculture urbaine représente un avenir pour nos villes", "cela n'empêche pas de faire les choses avec méthode. Des études de l'INRAE et de l'Université de Berlin ont par exemple prouvé que les légumes doivent être placés le plus élevé possible. Ici, on est encore sous les pots d'échappement".
Selon lui, les questions que posent ce potager urbain sont pourtant encore nombreuses. "Pour le prix que ça coûte, est-ce qu'on ne pourrait pas simplement acheter des légumes bio produits en périphérie de Strasbourg ? Ce n’est pas gratuit ce potager, il y a des agents qui travaillent dessus".
Quant à l'avenir des plantations, l'élu serait "ravi que le projet soit renouvelé", "s'il y avait une étude". Une chose est sûre, le potager le plus connu de la ville va continuer à attirer les regards ces prochains mois, qu'ils soient curieux, convaincus, ou dubitatifs.