Portraits. Marche des fiertés à Strasbourg, "il faut qu’on se fasse entendre au maximum"

La 20e édition de la « Marche des visibilités » s’est déroulée ce samedi 18 juin à Strasbourg. Plus de 15 000 personnes ont défilé sous 37 degrés pour affirmer leur identité et revendiquer leurs droits. Ils nous ont confié une partie de leur histoire. Portraits.

Il est 14 h, et la foule est déjà bien dense place de l’Université à Strasbourg. C’est là que se sont donné rendez-vous plus de 15 000 personnes pour lancer la 20e édition de la marche des fiertés, organisé par le collectif festigay.

Au milieu des drapeaux multicolores, des colliers de fleurs et tenues excentriques, une silhouette noire, celle de Tillian, 23 ans. "Cette marche, c’est pour célébrer nos identités, permettre de se montrer. Et se donner de la force, les uns, les unes et les autres. Continuer à lutter pour nos droits parce qu’on en a beaucoup acquis ces trente dernières années, mais l’essentiel n’est toujours pas accepté. C’est un combat qui est permanent, on continue de se battre un peu chaque jour."


Grand, imposant, la voix grave mais le regard rieur bordé de rose et de bleu, encadré par deux grandes créoles, Tillian se définit comme non binaire. "Pour moi, c’est le fait de détruire les codes de genre et de refuser qu’on m’interdise de porter certains vêtements, du maquillage, ou toute forme de féminité. Depuis les années 1960- 1970 une femme peut mettre un pantalon, refuser de se maquiller et c’est bien vu car c’est une forme de masculinité et de virilité. Mais la féminité pour un homme, la fragilité, le fait de pouvoir être vulnérable ça ce n’est pas accepté. C’est ça qui doit changer, et c’est ce que je revendique avec mon identité de genre et ma façon de m’habiller."

La féminité pour un homme, la fragilité, le fait de pouvoir être vulnérable ce n’est pas accepté.

Tillian

Au milieu de la musique et des slogans, un message inscrit en noir sur une pancarte: No Pride Without Queer Poc. "Ça veut dire aucune pride sans les personnes queer racisés", explique un jeune homme noir aux cheveux rouges, à la peau doré et aux yeux blancs. "Pour moi, c’est très important d’apporter ce message de diversité. Les gens oublient que ça a commencé grâce à une femme noire, qui a influencé le monde drague, et la mode. " Marsha P. Johnson, Stormé DeLarverie et Sylvia Rivera : ce sont trois femmes noires en réalité, qui ont initié la première pride aux Etats-Unis, suite aux émeutes de Stonewall aux Etats-Unis en 1969. 

"C’est important de se rappeler ses racines », affirme Heaven Love. À 22 ans, ce maquilleur, qui se définit comme un artiste pluridisciplinaire(poète, chanteur, peintre) se définit comme gender fluide. "Je navigue un peu dans le spectre du genre entre le neutre et le masculin. Aujourd’hui, je peux me sentir neutre, demain, je peux me sentir plus masculin. Et les gens ont parfois du mal avec ca. Même mes proches autour de moi, je vois qu’ils ont du mal à comprendre cette fluidité. Il y a encore des efforts à faire, il ne faut pas se contenter du strict minimum et c’est pour ça que la pride compte."

Aujourd’hui, je peux me sentir neutre, demain, je peux me sentir plus masculin.

Heaven Love

Avec le mouvement LGBTQUI (lesbiennes, gay, bisexuel, queer, intersexe) la question de l’identité de genre est au centre des préoccupations de la pride. Un nouveau combat, porté par une nouvelle génération. Paillettes bleues sur le visage, et slip de bain adapté aux températures caniculaires, Renaud, 52 ans a vu les préoccupations changer. "Je suis gay, un homme qui aime les hommes. On parle beaucoup de la théorie des genres actuellement. Je ne me reconnais pas forcément dans ce combat-là, mais je les soutiens, il faut que la société évolue. Je n’aime pas trop les lettres et les codes. J’aimerais bien qu’on soit juste chacun soit, et que la meilleure définition de quelqu’un, ce soit lui-même."

Renaud a créé Festibad, un club de badminton, "gay, lesbien et hétéro friendly". "Il y a vingt ans il y avait plus de discrimination, le regard était moins bienveillant dans les clubs de sport, dans le badminton notamment, et donc des gens avaient besoin de se retrouver dans un club où ils pouvaient être complètement eux-mêmes."

Il y a vingt ans il y avait plus de discrimination, le regard était moins bienveillant

Renaud

Renaud l’affirme, s'il reste des progrès à faire, la vie des gays s’est grandement amélioré. "Cela fait 30 ans que je suis dans le milieu associatif gay et lesbien. Des pride comme ça avec autant de monde, ça n’existait pas, c’était plus petit, et on risquait plus de se faire tabasser quand on sortait. Moi, j’ai commencé ma vie de gay pendant les années sida donc c’était aussi complétement différent. Je dirai qu’il y a une certaine liberté des mœurs qui est revenue, à tort ou à raison, mais en tout cas, il y a plus d’insouciance qu’il y a 30 ans ça c’est sûr."

À 16 ans, Marie la revendique cette insouciance. Les cheveux teints en bleu, une pancarte "bravo les lesbiennes", à la main, la lycéenne affiche fièrement son orientation sexuelle, et pas que lors de la pride. "J’ai compris que j’étais lesbienne au CM2 lorsque je suis tombée amoureuse de ma meilleure amie. Au lycée, ça se passe bien, il y a toujours des petites remarques, mais de moins en moins je trouve."

J’ai compris que j’étais lesbienne au CM2 lorsque je suis tombée amoureuse de ma meilleure amie.

Marie

Si Marie a trouvé sa place, elle désire avoir les mêmes droits que les autres, à commencer par le droit d’avoir un jour un enfant grâce à la procréation médicale assistée. "Je ne comprends pas ce ne soit pas encore accepté. De me dire que si je veux un enfant ça va être compliqué, plus que pour un couple hétéro, je ne trouve pas ça normal. C’est important de tous se rassembler aujourd'hui, il faut qu’on se fasse entendre au maximum."

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