Béatrice, Jean-Luc, Gérard et Isabelle ont défilé jeudi 6 avril à Strasbourg, contre la réforme des retraites. Solidaires avec les actifs, énervés par le manque de communication du gouvernement, inquiets pour l'avenir, ils nous racontent leurs carrières et leur point de vue sur la réforme.
Béatrice Gérold (77 ans) a pris sa retraite à 60 ans, après 41 années de cotisation. Elle a été heureuse de partir à 60 ans et elle souhaite cela à tout le monde.
Béatrice a été cadre administrative à l'Eurométropole puis permanente syndicale. Quand elle est partie à la retraite, elle était en forme "mais stressée, parce que j'avais beaucoup de responsabilités. Alors j'ai arrêté au fur et à mesure toutes mes activités, à la CGT, au PCF, à Amnesty International, au Pupilles de la nation. Je me rendais juste disponible s'il y avait un besoin. Je suis restée fidèle à mes engagements.
Je suis partie à la retraite dans de bonnes conditions et j'étais heureuse de partir avec un avenir de retraitée, et ça je le souhaite à tout le monde."
Pourquoi elle manifeste : "il est nécessaire de faire quelque chose pour notre système de retraite, mais pas de cette façon. Il faut négocier et discuter avec les associations et les syndicats. La démocratie est bafouée. Et puis je suis en colère pour le pouvoir d'achat. Et aussi j'ai des problèmes dans l'accès au numérique. Je suis ici pour tout ça."
Gérard Guntzburger (76 ans) est parti à la retraite à 60 ans. Il touche une petite retraite.
Une belle carrière, riche et bien remplie. Mais qui au final ne lui rapporte qu'une petite retraite. Gérard a commencé à l'usine à 16 ans, puis il a travaillé au service voyageurs de la SNCF pendant 16 ans, avant de reprendre des études d'histoire. Il a ensuite travaillé dans le milieu associatif. Enfin il a passé le concours d'entrée à l'éducation nationale : il a fini sa carrière en tant que gestionnaire.
"J'ai pu partir à la retraite à 60 ans, grâce à l'arrivée de la gauche en 1965. Sinon avant c'était 65. J'ai fait plein de métiers différents, et l'inconvénient, c'est qu'à chaque nouvel emploi, je devais repartir de zéro au niveau salaire. Je dépends de quatre régimes de retraite différents, donc je touche des cacahuètes !"
Pourquoi il manifeste : "par solidarité et par opposition à la dérive autoritaire et antidémocratique de l'exécutif".
Jean-Luc Metz (68 ans) et son frère Antoine (67 ans) ont pris leur retraite à 56 et 59 ans. Ils ont tous les deux eu des carrières longues.
Jean-Luc a commencé à travailler à 15 ans, il a fait toute sa carrière de mécanicien aux brasseries Kronenbourg et a pu partir à la faveur d'un plan social en 2011. "J'ai fait les 3/8 toute ma vie. Quand on est jeune, on ne se rend pas compte, les horaires décalés ont n'y prête pas attention. Mais vers 50 ans, je me sentais fatigué. Je suis heureux d'être parti à temps. Et ça, c'est grâce à Hollande, il a raccourci la durée de cotisation pour les carrières longues. Ca c'était un président !"
Antoine était à 16 ans sur les chantiers, puis il a repris ses études pour devenir enseignant de technologie en collège et lycée. "Quand j'ai repris mes études, je continuais de travailler sur les chantiers pendant les vacances, pour me financer. J'ai eu de la chance parce qu'à ce moment-là, deux mois de travail l'été équivalaient à une année entière de cotisation.
J'ai réussi à partir avant 62 ans, à 59 ans. Mais il a fallu batailler avec le service du personnel du rectorat pour faire reconnaître mes années de cotisations. Les profs commencent leur carrière d'habitude plus tard, j'avais un profil atypique.
C'était juste de récupérer à la retraite du temps que je n'avais pas eu avant."
Pourquoi ils manifestent : "cette réforme est injuste pour les carrières longues".
Isabelle Beck (73 ans) a pris sa retraite à 61,5 ans. Elle a travaillé plus longtemps pour compenser des années en temps partiel, pris pour élever ses enfants. Elle touche une petite retraite.
Pendant 21 ans, Isabelle a été prof de français au collège. "J'ai continué à travailler parce que sinon j'avais une très petite retraite, à cause des temps partiel que j'ai pris quand j'ai eu des enfants. Et puis parce que j'aimais travailler aussi !
Finalement, j'ai pris ma retraite en même temps que mon mari. J'étais en forme mais beaucoup d'amis sont morts autour de moi. A 60 ans, c'est souvent l'âge des maladies et des décès."
"Dans mon métier d'enseignante, je trouve dommage qu'il n'y ai pas d'évolution de carrière. A 25 ans ou à 60 ans, on est devant les élèves, rien ne change. Au Portugal, les profs plus âgés encadrent les stagiaires et font plus de travail administratif, ils sont moins devant les élèves. Il faudrait faire un effort pour mieux utiliser les compétences des gens en fin de carrière, dans tous les métiers."
Pourquoi elle manifeste : "j'ai fait toutes les manifs contre la réforme des retraites parce que je trouve cette réforme injuste. On oublie le fonds des choses : dans les grandes entreprises, la part des salaires diminue alors que les dividendes augmentent. Les moyens baissent à l'hôpital et à l'école."